Me Irma Dieudonné : juriste et anthropologue qui se bat pour les droits des opprimés
5 min readJeune disciple du temple de Thémis, Irma Dieudonné a une grande passion pour le Droit. La jeune avocate, dans une interview accordée à Le quotidien News, est convaincue que l’appareil judiciaire renaîtra de ses cendres. Mais pour ce faire, il est primordial que l’indépendance des trois pouvoirs soit enfin effective en Haïti, selon elle.
Jeune, déterminée et pleine de fougue, Irma Dieudonné se sent bien dans sa toge d’avocate, comme défenseure des opprimés. «Ce métier fait corps avec mon caractère, j’ai toujours su que ma place était à la table des grands pour défendre leurs intérêts (ceux des démunis) et aux côtés des plus vulnérables en vue d’assurer la défense de leurs droits quand ils sont bafoués », explique l’élève-avocate au Barreau de Port-au-Prince, heureuse d’exercer son métier de cœur. En effet, défendre, plaider la cause des plus faibles et ce, en dépit des circonstances auxquelles fait face le système judiciaire, passionne énormément la juriste de 29 ans.
Née à Port-au-Prince à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) communément appelé l’Hôpital Général, Me Dieudonne grandit à Pétion-Ville où elle achève ses études primaires et enchaîne une bonne partie de ses études secondaires chez les Sœurs Salésiennes. Tôt dans son adolescence, elle éprouve une grande passion pour le droit et la diplomatie. C’est ainsi qu’à la fin de ses études secondaires au collège Saint François de Sales, elle intègre la Faculté de Droit pour réaliser son rêve.
« Ce métier noble ne peut être ignoré. J’aime le droit et je veux en faire mon cheval de bataille. Tout ce qui est dans le corpus m’attire, que ce soit le métier d’avocat ou la magistrature, ou encore le métier de consultant juridique », déclare Me Dieudonné, qui fait un master en anthropologie sociale à la Faculté d’Ethnologie.
Face aux revers de la justice
« Les revers que connaît notre justice sont dus aux choix que nous avons faits depuis des lustres, croit Me Dieudonné. Le pays n’entend pas cheminer comme un État de droit où les normes sont respectées de tous. L’anarchie règne en maître. Le citoyen lambda se fie davantage au non-droit qu’aux normes de régulation qui existent », avance-t-elle.
Elle indique plus loin qu’il n’y a pas de société qui puisse aspirer à un avenir rayonnant de soleil sans un vrai système de droit fort soutenu par un État démocratique. « La justice de nos jours patauge dans des crises sociales multiformes. Haïti ne survivra que si l’on remonte la pente», déclare convaincue la juriste, déplorant les revers auxquels fait face la justice haïtienne de nos jours.
Comment la rendre plus efficace ?
Pour remettre la justice sur les rails, des actions urgentes et réfléchies doivent être entreprises, selon l’avocate. « En premier lieu, il nous faut placer dans les plus hautes sphères de l’État et notamment dans le système judiciaire des gens à dont la moralité est irréprochable, intègre et loyale », indique Me Irma Dieudonné. Le système judiciaire périt parce que des gens malhonnêtes y siègent, à en croire ses mots.
« Le pouvoir judiciaire deviendra libre de ces entraves et pourra agir contre n’importe quel citoyen en faute. On essaie de séquestrer la justice. De tels comportements sont malsains et maladroits, analyse la juriste. Enfin, la formation ne doit pas être négligée. Les moyens de faire peuvent s’améliorer avec des experts intervenant dans plusieurs domaines. Il est nécessaire que le système puisse être investi de gens qui maîtrisent les différents domaines du droit pour faire avancer les choses ». Me Dieudonné ajoute que les professionnels du droit tenant en otage le système doivent se mettre en retrait pour laisser la place aux jeunes qui sont compétents.
Face aux crises sociopolitiques
Il n’est plus un secret, Haïti frôle le chaos. Répétant feu Me Monferrier Dorval, l’anthropologue et juriste affirme que le pays, ces dix dernières années, n’a été ni administré ni gouverné. Et confrontés aux soubresauts de cette crise, les jeunes ne savent que faire. Elle prône un dialogue sincère entre toutes les couches sociales si l’on veut s’en sortir.
« Comme au Rwanda, les Haïtiens ont l’impérieuse obligation de s’asseoir pour discuter. Car, il y a bien péril en la demeure, et aujourd’hui est l’ultime occasion pour cette table ronde », incite l’universitaire et leader de la fondation qui porte son nom, redoutant le fait que cette crise puisse perdurer sans cette entente commune.
Si avant les femmes brillaient par leur absence dans le milieu juridique haïtien, aujourd’hui elles y sont de plus en plus présentes, constate Irma Dieudonné. Elle précise en outre que l’intégration des femmes dans le système judiciaire ne peut se faire que par l’éducation. « Il temps que les femmes sachent qu’elles peuvent exploser dans tous les domaines de l’existence », argue-t-elle. En conséquence, elle invite les femmes à faire de l’éducation leur boussole.
Ainsi, Me Irma Dieudonné se présente comme un modèle de femme qui veut réussir dans un secteur longtemps dominé par la forte présence masculine. « Je rêve d’être utile au pays et surtout aux jeunes femmes victimes du patriarcat », indique le jeune leader, qui adore voyager.
« Peu importe si vous vous sentez découragé dans cette course qu’est la vie ; retenez bien ceci, aucun succès ne se produit du jour au lendemain, le secret est un travail patient et assidu, si vous vous sentez fatigué, faites une pause et recommencez jusqu’à atteindre l’objectif final », conclut la disciple de Thémis.
Statler LUCZAMA
Luczstadler96@gmail.com