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Le jour « J » du Docteur Gold-Smith Dorval

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Plusieurs métaphores ont été élaborées, expérimentées pour illustrer notre passage éphémère sur terre. Tantôt on nous parle d’un train de voyageurs, d’un bateau de croisière où un parent,un ami descend à chaque arrêt, à chaque escale, etc. En résumé, ici-bas, nous ne faisons que passer, et à la dernière heure, nul examen de fin de session, nul concours n’est nécessaire pour nous adjuger une certaine place. C’est inéluctable, tout est joué à l’avance, il n’y aura point de recyclage. Nous sommes destinés à être, tous, un de ces quatre, un premier de classe, ô paradoxe, qu’on regrettera, qu’on pleurera !

C’est ainsi que le jour « J » du Docteur Dorval est arrivé après une longue maladie, laissant sur le carreau ses enfants Gold-Smith Jr, Sophie et Georges, nés d’une première union avec Mme Evelyne Vincent, ses frères Julien et Joseph, ses sœurs Yolaine et Carmel et surtout sa femme adorée, Ketly Glémaud Dorval, dont il m’a chanté, lors de notre ultime conversation, sa douce attention qui lui faisait très chaud au cœur, tout au long de sa lutte acharnée contre la fatalité.

Devant cet incommensurable chagrin, pour y apporter un peu de baume, j’ai l’insigne honneur de vous parler en peu de mots de ce grand homme, de ce super intellectuel, de cet immense scientifique, de ce touche-à-tout de génie que la ville de Jérémie peut s’enorgueillir d’avoir mis au monde.

Dorval fut un exemple pour toute une ville. Ses livres toujours en bandoulière, ce surdoué, cette idole des profs, ne badinait pas avec le temps. Il profitait de chaque seconde de sa vie pour la meubler. Rien ne lui était étranger.

Entre deux messes à l’église, en regardant l’organiste pianoter sur son instrument, Smith retenait de mémoire les partitions de musique classiques les plus complexes. Remarquant ses dons, le père Le Tierce, du Collège Saint-Louis, parvint à lui dénicher un piano chez une riche famille autour de la Place Alexandre Dumas à Jérémie. Au crépuscule, durant les vacances, sous la fragrance des Ylan-Ylan en fleurs du Carré, Smith transportait les promeneurs du dimanche sur les ailes du rêve, dans un tourbillon de refrains sulfureux à faire oublier momentanément la dureté politique de l’époque. Il nous a légué trois CD, dont la richesse musicale a déjà fait soupirer presque tous les cœurs.

Lors de son expérience à titre de chirurgien résident, en 1974, aux Cayes, il était le préféré du Dr Willy Verrier qui l’admirait pour son adaptation et ses aptitudes dans la profession. Selon le journal Le Nouvelliste, « De 1978 à 1992, il a participé à plusieurs autres études de niveaux supérieurs : à Bruxelles, il a décroché une maîtrise comme médecin hygiéniste; à Porto-Rico, il a effectué un peu de pratique, et enfin aux États-Unis… il s’est spécialisé, d’abord en pédiatrie, puis en psychiatrie pour enfants et adultes ».

Musicien, poète, écrivain, enseignant universitaire, conférencier très recherché, psychiatre de haut niveau, le Dr Dorval était un être éclectique. Brillant causeur, doté d’une mémoire phénoménale, il pouvait vous entretenir de sujets extrêmement complexes et laborieux au point que ses interlocuteurs s’interrogeaient, à savoir, s’il ne manquait pas une virgule à leur culture personnelle.

À la postérité, il a légué des chefs-d’œuvre de livres, tels : « La renaissance de l’homme », « Quand la musique parle aux hommes », « Pouvoir et imaginaire en Haïti »… Dans son best-seller « La Renaissance de l’Homme», nous dit la critique, «c’est un essai sur les moyens naturels de bien-être du corps et de l’esprit. C’est le travail, à la fois, d’un homme de culture, d’un médecin, d’un psychiatre, et surtout d’un humaniste ». Pour ces compatriotes exilés en terre étrangère, Dorval s’adressait à leur intelligence émotionnelle dans le grand combat que mène l’homme pour sa survie. « La souffrance, soutient-il, …représente non seulement la saga de mes compatriotes en diaspora et au pays, mais encore l’invisible connexion avec la souffrance quotidienne de l’humanité toute entière».

Aujourd’hui, mon cher frère et grand ami, tu nous as dit au-revoir pour passer de l’autre côté du mystère. Alors, je ramasse tout ce qui me reste de courage et de force pour demander à la famille de ne pas faillir à la perte de ce « Poto mitan » que tu fus. En guise de consolation et d’apaisement, disons-nous, en ces moments d’indicible douleur, que tu te trouves présentement sur la route que le grand Architecte a tracée à ton intention.

Les yeux levés vers le ciel, nous conserverons encore l’espoir de vivre pas trop loin de toi, car tes idées, tes œuvres seront toujours présentes dans nos pensées. Les belles techniques que tu nous avais enseignées pour faire face aux difficultés de la vie, dans l’ouvrage « Quand la musique parle aux hommes », seront toujours à portée de mains en guise de bouée. Adieu et merci, mon frère !

Max Dorismond

Un concert type du Dr Dorval : https://youtu.be/s58R6BCois4

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