Intervention d’Alain Sauval lors de la première rencontre avec des finalistes de la 2e édition du Concours de textes contre la violence faite aux femmes
6 min readAlain Sauval est conseiller spécial du Journal en ligne Le Quotidien News qui organise en partenariat avec l’Université Quisqueya sa 2e édition du Concours de textes contre la violence faite aux femmes. Le 15 mars 2023, une première rencontre a eu lieu avec les finalistes. Le Journal publie l’intervention de M. Sauval in extenso.
Je réponds bien volontiers à l’invitation de M. Cluford Dubois, PDG du Journal Le Quotidien News, de vous rencontrer ce matin et d’avoir une conversation avec vous concernant le concours de textes sur la lutte contre les violences faites aux femmes.
L’endroit de notre rencontre est le lieu quotidien où travaille l’équipe du Journal, il s’agit de l’incubateur de l’Université Quisqueya, un dispositif qui a été créé pour aider les jeunes qui veulent créer leur entreprise. L’incubateur a pour objectif principal de les conseiller afin que leur rêve devienne réalité. Ceci demande un certain temps de maturation ; c’est comme une graine que l’on plante dans le sol, elle peut germer si le sol est fertile et arrosé. Elle peut connaître une croissance lente si elle est négligée, ou au contraire rapide si elle bénéficie de soins particuliers. Il en est de même des êtres humains, des enfants qu’on élève, des étudiants qui viennent se former à l’université ; il en est ainsi tout au long de la vie. On a besoin d’incubateurs ! Un tel lieu n’est pas neutre. Il est celui de la naissance du Journal en ligne Le Quotidien News il y a trois ans. Il sera peut-être pour vous l’occasion de faire émerger et connaître vos idées et propositions en faveur d’un monde meilleur pour les femmes haïtiennes.
Vous avez décidé de participer à la 2ème édition du concours de textes lancé par le Journal à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes ; je vous en félicite, parce que vous avez osé vous jeter à l’eau, comme on dit. Vous avez osé prendre le risque d’échouer, mais vous avez aussi saisi la chance d’être remarqué-e-s, de faire entendre votre voix. Bien vous en a pris, puisque vous avez été sélectionné-e-s parmi les 15 finalistes qui, le 3 avril prochain, seront départagé-e-s par un jury prestigieux et impartial. Vous étiez plusieurs dizaines au départ, vous êtes quinze à présent et au final, le 3 avril, il n’y aura plus que trois lauréat-e-s.
Le Journal a choisi comme mode de sélection le concours. C’est le seul moyen de garantir l’équité de traitement et d’évaluation des candidats. Le concours comporte deux épreuves, l’une écrite anonyme et l’autre orale. Il repose sur le principe d’une saine compétition.
C’est un principe important. En France, pour devenir professeur dans une école ou dans une université, on passe des concours nationaux (avec un écrit et un oral). Dans mon cas personnel, j’ai passé deux concours, le CAPES et l’agrégation. Puis, j’ai soutenu une thèse de doctorat. Le 3 avril prochain, vous allez passer l’épreuve orale du concours. À cette fin, vous devez vous entraîner chez vous, éventuellement avec l’aide d’amis. Tout va compter : la pertinence, la justesse de votre pensée, la qualité de vos idées et de vos propositions, votre éloquence, votre capacité à bien mettre en valeur par le ton, la voix, le débit, votre gestuelle ce que vous voulez exposer. Formuler de belles idées sur un ton monocorde et sans vie, c’est déjà perdre la partie ; le jury ne vous retiendra pas. C’est comme pour un concours d’éloquence. Vous devez avoir l’éloquence d’un-e avocat-e.
Le mode du concours permet de dégager les meilleur-e-s sur la base de critères précis. C’est un mode de sélection qui fonde une méritocratie. Qu’est que la méritocratie ? C’est un système politique, social et économique où les privilèges et le pouvoir sont obtenus par le mérite. Celui-ci est fondé sur la reconnaissance de la valeur par les diplômes, l’expérience, les qualités, les vertus…La méritocratie a pour fondement l’égalité des chances, la liberté individuelle et la reconnaissance de la réussite.
En ce moment circule sur les réseaux sociaux une vidéo sur les raisons du succès de Singapour. Singapour est une cité-État insulaire au large du sud de la Malaisie. C’est un centre financier mondial. Cet État ne compte que 5,454 millions d’habitants. Singapour est souvent citée pour son extraordinaire réussite économique. Ayant acquis son indépendance en 1965, Singapour a su devenir, en très peu de temps, avec très peu des ressources naturelles et des problèmes socio-économiques importants (émeutes raciales, chômage massif, difficulté de logement et d’accès à l’eau), l’un des pays les plus développés et les plus prospères du monde en matière d’économie, d’éducation, de santé, de sécurité et d’urbanisme. Je vous invite à vous renseigner sur ce modèle de réussite.
Comment s’explique un tel succès ? La vidéo dont je vous ai parlé l’explique par la gouvernance du pays qui repose sur trois principes fondamentaux, ayant valeur de piliers, symbolisés par les abréviations M P H pour Méritocratie, Pragmatisme et Honnêteté. Les contraires exacts de médiocrité, d’idéologie ou de pensée théorique ou doctrinale, et de malhonnêteté (corruption, mensonge, etc.). L’État de Singapour s’est construit sur ces trois piliers. Songeons, dans ce contexte, à ce que pourrait devenir Haïti si le pays adoptait un tel modèle de développement !
Revenons à présent au thème même du concours. Il est d’une importance capitale pour la société haïtienne. Les femmes représentent environ 52% de la population, elles constituent la majorité, mais en fait elles sont en position d’infériorité. Sur tous les plans.
En France, une femme qui s’appelait Simone de Beauvoir a affirmé très tôt « On ne naît pas femme, on le devient ». Réfléchissez bien à phrase. Elle constitue le fondement du plus grand livre de la philosophie contemporaine sur le féminisme, intitulé Le deuxième sexe, paru en 1949 !
Simone de Beauvoir affirme que l’inégalité homme/femme est culturellement construite, et qu’elle n’est en aucun cas naturelle. En effet, au départ, la femme est l’égale de l’homme, à la fois intellectuellement et physiquement. C’est l’homme, parce qu’il produit l’idéologie, parce qu’il est dominant, qui renvoie la femme à son altérité pour en faire un être inférieur, un être biologique. Je vous engage à faire des recherches sur internet pour connaître la pensée de Simone de Beauvoir.
Aujourd’hui, le traitement infligé aux femmes haïtiennes, notamment dans les quartiers populaires, en particulier par les gangs, sont la manifestation d’une barbarie sans nom. La résistance doit s’organiser. Je suis personnellement heureux de l’initiative de ce concours qui a pour but la conscientisation des jeunes sur une question aussi capitale. Je vous souhaite à chacune et à chacun bonne continuation et que la meilleure ou le meilleur gagne ! Rendez-vous le 3 avril prochain !
Alain Sauval
alainsauval@yahoo.fr