lun. Nov 25th, 2024

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2e édition du concours de textes contre la violence faite aux femmes : Discours du directeur de la communication de l’UniQ , Dr Alain SAUVAL

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Monsieur le Premier Secrétaire pour la Coopération de l’Ambassade du Canada en Haïti,

Madame la Représentante de la BRH,

Monsieur le Représentant de l’UNICEF en Haïti,

Monsieur le Co-Fondateur et PDG du Journal ‘Le Quotidien News’,

Distinguées Membres du Jury,

Chers Finalistes,

Chers Représentants des médias, y compris à distance,

Chers Étudiants,

Mesdames, Messieurs,

Le Recteur Jacky Lumarque aurait aimé être présent parmi vous ce matin, mais en déplacement, il m’a demandé de prendre la parole. C’est un honneur pour moi de m’adresser à vous à l’occasion de la 2ème édition du concours de textes que le Journal en ligne Le Quotidien News a eu l’heureuse idée de lancer en novembre dernier et qui connaît aujourd’hui son aboutissement avec cette grande finale dont le sens profond est un message fort à la Jeunesse. Car, il s’agit ni plus ni moins que de contribuer à relever le drapeau de la condition féminine dans ce pays.

J’ai articulé mon intervention autour de trois points:

  1. Le thème lui-même, un sujet grave et préoccupant qui interpelle non seulement la société tout entière, mais aussi l’État à travers son Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes. Tel une pièce de monnaie, ce sujet possède deux faces : l’une la violence dont sont victimes les femmes haïtiennes et l’autre la nécessité de lutter contre ces violences ;
  2. Le type d’intervention original choisi par le journal ; une conception innovante du journalisme et du reportage au service de la communauté ;
  3. La solidarité de l’Université Quisqueya dans le cadre de son service à la société et son soutien à l’activité du Journal.

La situation des femmes victimes de violences en Haïti est  précaire.

Selon les données récentes de la Banque Mondiale, les femmes représentent plus de la moitié de la population totale en Haïti.

Les statistiques du Ministère de la Santé Publique et de la Population de 2018, quant à elles, démontrent que les violences faites aux femmes et aux filles augmentent de façon significative. Ces violences se matérialisent sous différentes formes, notamment physique, sexuelle, psychologique, verbale et/ou économique. Souvent, les femmes commencent à être victimes de violence à un jeune âge.

L’impossibilité pour elles d’obtenir justice contribue à l’augmentation de leur niveau de vulnérabilité. L’impunité sévit sans distinction de milieu ou de rang social. Les victimes constatent que, dans les cas où la justice a eu à se prononcer, les violences ont été banalisées.

Au stade judiciaire, le dysfonctionnement du système et son manque d’indépendance ont un impact à l’égard du traitement des violences faites aux femmes. Des décisions ne reposant ni sur la loi ni sur les faits sont souvent rendues, et ce, au détriment des victimes. Par exemple, les juges décident souvent d’octroyer des sommes d’argent en guise de compensation à la victime plutôt que la condamnation du délinquant à la peine prévue par la loi. De même, le refus de poursuivre les accusés dans des affaires impliquant certaines personnalités haut placées renvoie l’image de l’inégalité des citoyens et des citoyennes devant la loi.

Outre les inégalités de genre, il y a aussi les enjeux culturels. Notamment la relation de dépendance de la femme envers l’homme, ainsi que de l’influence de la religion. Ces enjeux engendrent une banalisation de la violence, tant au niveau de la population qu’auprès des acteurs et actrices judiciaires. L’impunité engendre des conséquences considérables sur les femmes et les filles haïtiennes, parmi lesquelles, la perte de confiance en la justice ainsi qu’une situation d’insécurité permanente pour la victime et sa famille. De plus, l’impunité est en partie responsable de l’augmentation et de la banalisation des violences faites aux femmes et aux filles. Il faut reconnaître, en définitive, qu’en plus des dysfonctionnements, des mythes et préjugés, l’impunité est non seulement le fait d’un cadre normatif et institutionnel vieux et inadapté; elle est surtout la résultante d’un manque de volonté politique pour promouvoir et protéger les droits des femmes.

         Le problème aujourd’hui concerne principalement la condition féminine qui ne cesse de se dégrader du fait en particulier des exactions criminelles commises par les gangs, des massacres, des viols et des agressions sauvages devenues des formes de violence extrêmement traumatisantes pour toutes les femmes du peuple.

En priorisant cette année trois sous-thèmes : l’avortement, le handicap, l’inclusion financière, le Journal a enrichi l’approche consistant à dénoncer globalement les violences faites aux femmes. Il a incité les participants à réfléchir concrètement :

  • à la dépénalisation de l’avortement et à l’urgence de légiférer en la matière,
  • aux moyens de remédier à l’exclusion des femmes handicapées dans l’administration publique et dans le secteur privé des affaires,
  • et enfin aux méthodes pour faciliter l’insertion des femmes dans le secteur économique.

Les prestations des participants nous ont permis d’avoir une déclinaison des différents moyens de lutter contre l’inégalité, l’exclusion et l’absence de parité. Elles nous ont aussi permis de comprendre les enjeux de cette lutte, à savoir la nécessité pour les femmes de reconquérir leur dignité, leur intégrité, leur capacité à s’affirmer, à se poser comme sujet et à refuser d’être traitées comme objet, un statut que les hommes leur imposent constamment. Qu’ils en soient félicités. Je vous demande de les applaudir.

         L’activité du journal Le Quotidien News

Si aujourd’hui tout comme hier, les attaques contre les femmes sont monnaie courante, aujourd’hui plus qu’hier, la formation, la sensibilisation et la communication permettent d’instruire un nombre de plus en plus important de personnes des dangers auxquels le fait d’être femme expose la majeure partie de la population haïtienne. 

Dans ces conditions, il est nécessaire d’entreprendre un travail d’information, de plaidoyer, d’éducation, de conscientisation.

Ce travail de fond est précisément l’un des objectifs que s’est fixé Le Quotidien News. Fondé depuis plus de 3 ans, le Journal se fait progressivement connaître d’un nombre grandissant de lecteurs. Le concept qui a présidé au lancement de ce nouveau média est fondé sur la recherche de l’objectivité et une conception du journalisme comme moyen de formation de l’opinion publique. Sont privilégiés les faits de la vie quotidienne, la présentation d’héroïnes de la vie de tous les jours,  la connaissance de personnes positives, actives dans leur milieu professionnel, quel que soit leur statut social, la mise à l’honneur de femmes inspirantes, pouvant servir de modèles à la jeunesse en quête de repères. Sont couverts presque tous les domaines allant de la politique à l’économie, en passant par le social, l’art, la culture, le sport, ainsi que les relations internationales.

Une des caractéristiques du journal est de pratiquer un journalisme de solutions. En effet, les jeunes sont fatigués des nouvelles qu’ils considèrent comme négatives. Le journalisme de solutions part de l’idée que les enquêtes, les interviews, la parole des acteurs de terrain et les récits concrets indiquant des moyens de résoudre les problèmes peuvent accroître l’engagement des jeunes lecteurs, renforcer le sentiment de leur utilité sociale et favoriser un discours constructif sur des questions controversées.

En décidant de publier les contributions intellectuelles des 15 finalistes, le Journal opte pour un modèle de connaissance du réel fondé sur l’intelligence collective. Cette intelligence collective se manifeste par le fait que plusieurs jeunes réfléchissent à un sous-thème du concours et que les résultats de leur réflexion individuelle sont mutualisés au profit des lecteurs du Journal. C’est important de souligner cela dans une société si peu démocratique qui perpétue la parcellisation du savoir et qui encourage la croyance  fausse d’une impuissance de l’action.

Le Journal agit de manière originale dans le paysage médiatique haïtien comme facilitateur d’une pensée potentiellement subversive face à la dictature du réel. Il s’inspire véritablement de la devise de l’Université Quisqueya qui est « La connaissance et l’action au service de l’être humain ». La portée philosophique et politique de ce concours de textes n’est pas à négliger, politique au sens noble d’organisation de la cité, de la société.

Le concours lancé en novembre a rencontré des difficultés principalement d’ordre financier, le Journal ne disposant pas d’assez d’argent pour réaliser tout seul cette belle initiative, les partenaires approchés hésitant à apporter un financement, pour toutes sortes de raison. Les contributions mentionnées par M. Dubois n’en ont que plus de valeur.

Cette année, l’initiative a été prise de recourir à un dispositif d’appel à dons reposant sur le principe de la solidarité. En effet, une plateforme de recueil de fonds, en l’occurrence GoFundMe, a été utilisée. Un compte a été créé aux Etats-Unis, à New York, pour le Concours. Au total, une somme de 1280 USD émanant de 14 donateurs et donatrices a été recueillie. Je désire exprimer ma reconnaissance à Erica et Guillaume qui ont mis en place ce dispositif de fundraising, et dire un grand merci aux donateurs anonymes et à toutes les personnes qui ont contribué par ce moyen à la réussite du concours, y compris par virement bancaire sur le compte du Journal. Par discrétion, je ne les nommerai pas, mais qu’elles sachent que nous pensons à elles. Je vous prie de les applaudir.

Le soutien de l’Université Quisqueya au Journal

L’aide apportée par l’UniQ au Journal s’inscrit dans sa « mission de service à la société » qui lui a été assignée par ses fondateurs. Elle prend diverses formes.

Le Quotidien News, qui bénéficie du soutien de la BRH et de la Digicel, est hébergé sur le campus et est logé dans les locaux de l’incubateur de l’Université. Il dispose d’un espace de travail permanent, sécurisé, connecté à l’internet et équipé en moyens bureautiques.

Il bénéficie par ailleurs d’un soutien linguistique ; toutes les semaines, les articles sont relus bénévolement par un professionnel de l’édition, de langue française. Une garantie de qualité pour les lecteurs, indispensable à la crédibilité du Journal.

Il bénéficie enfin de conseils dans le domaine de la connaissance, de la formation, de la recherche, de la vulgarisation du savoir et du savoir-faire. Pour information, l’Université Quisqueya a organisé depuis 2020 exactement 50 webinaires, colloques ou conférences-débats auxquels le Journal est convié. Ce qui revient à dire que Le Quotidien News est immergé dans l’activité générale de l’Université, que celle-ci lui sert pratiquement d’écosystème, sans qu’il ne perde pour autant son autonomie, ni son indépendance rédactionnelle. L’équipe est jeune (entre 25 et 30 ans) et représente la relève dont le pays a besoin dans le domaine du journalisme.

Dernièrement, le 27 février 2023, en coopération avec une université, l’Université du Québec en Outaouais (UQO), l’UniQ a procédé au lancement d’un espace documentaire sur le genre et les droits des femmes haïtiennes, intitulé « MOUKA ». Il a un triple objectif :

  1. Recenser et rassembler sur un site unique des documents de référence, des bibliographies, des informations fiables, les plus complètes possibles sur le genre et les études féminines en Haïti et dans le monde ; cette œuvre scientifique n’avait jamais été accomplie jusqu’à aujourd’hui, du moins dans le monde universitaire francophone.
  • Mettre à disposition des citoyens intéressés, ou activement engagés dans la cause des femmes, qu’il s’agisse de militant-e-s, de responsables politiques, d’associations issues de la société civile, d’étudiant-es et de chercheur-es haïtien-nes, des données scientifiquement établies pour leur permettre de progresser dans leurs travaux d’analyse et de diagnostic. Je souhaite souligner l’importance de cette plateforme aussi pour les institutions internationales à la recherche de données fiables sur Haïti.
  • Rendre gratuitement accessible en ligne un tel centre documentaire est enfin devenu une nécessité dans le contexte actuel où la plupart des bibliothèques dans notre pays ferment leurs portes à cause de l’insécurité (après la bibliothèque  Monique Calixte de la FOKAL, la bibliothèque de Martissant, les bibliothèques de quartier, sans parler de la Bibliothèque Nationale d’Haïti qui ne fonctionne que par à-coups, la dernière en date à avoir annoncé une fermeture temporaire est celle des Frères de l’Instruction Chrétienne le 6 février dernier). Mouka permet de préserver nos archives et d’éviter la disparition de documents historiques qui constituent le patrimoine de la Nation. Mouka est un outil de travail extraordinaire que nous devons à de nombreuses femmes engagées, en particulier, à Madame Darline Alexis, Secrétaire générale de l’UniQ, que je vous demande de saluer par vos applaudissements.

L’Université Quisqueya attache du prix à la diffusion professionnelle du savoir et donc à la formation de médiateurs qui s’emploient à décrypter le monde pour le raconter. Le pays a besoin de récits vrais, et non pas d’écrans de fumée. Il y a quelques années, après le séisme du 12 janvier 2010, l’UniQ avait mis en place un partenariat très profitable avec le Centre de formation professionnelle des Journalistes de Paris (CFPJ) pour former la relève journalistique du pays. Aujourd’hui, le Journal Le Quotidien News forme ses propres rédacteurs en recrutant des stagiaires et élargit ainsi le vivier de ses collaborateurs. Je suis persuadé, compte tenu de la qualité de son équipe, que le Journal Le Quotidien News est sur le bon chemin.

Au nom du Recteur, je remercie vivement l’équipe du Journal de son initiative en faveur des droits des femmes et du travail accompli dans des conditions très difficiles. Elle peut être fière de son travail. Au nom du Recteur enfin, je souhaite aux lauréates et lauréats du concours de relever le défi devant lequel toute notre jeunesse consciente et responsable est aujourd’hui placée, celui du renouveau d’Haïti. Rendez-vous à l’année prochaine !

Je vous remercie de votre attention.

Alain SAUVAL

Directeur de la communication

De L’Université Quisqueya

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