Le secteur sportif en Haïti entre retard et failles!
5 min readDans un monde où les nouvelles formes de technologie font partie intégrante du milieu sportif, Haïti est largement en retard. Par ailleurs, depuis quelque temps, les championnats nationaux de football sont suspendus. Alors que de plus en plus de pays développent leur secteur sportif, en Haïti l’évolution s’avère de plus en plus difficile. Ainsi, Lutherson Léon, journaliste sportif, partage son avis sur l’évolution du système sportif local.
Les activités sportives sont mises sur pause dans le pays, notamment à cause des problèmes politiques et sociaux qui perdurent depuis quelques années. Les championnats nationaux de football et de basketball sont suspendus jusqu’à nouvel ordre. Certains centres de formation sportifs également, comme celui de la Croix-des-Bouquets à cause de l’insécurité. Par conséquent, les médias locaux et les amateurs de sport, notamment de football en Haïti n’ont rien à se mettre sous la dent sinon que de se pencher vers l’étranger et de guetter l’évolution des athlètes haïtiens à l’étranger.
À en croire le fondateur de « Footkole », un média en ligne qui relaie toutes les informations sur le football local et international, Lutherson Léon, ce ne sont pas les médias à caractère sportif qui manquent dans le pays. Cependant, leur fonctionnement est très limité compte tenu du manque de moyens financiers, ce qui rend le sport en Haïti nettement moins rentable. Le journaliste accrédité récemment à la Coupe du monde Qatar 2022 revient brièvement sur cette expérience qu’il qualifie d’unique.
« Dès mon arrivée, j’ai été très surpris par la mise en place. Le niveau d’organisation était tellement élevé que même les plus expérimentés des journalistes présents en ont fait le constat. J’ai eu le privilège de regarder les matchs de deux des plus grands joueurs de l’histoire, mais aussi de la crème du football d’aujourd’hui. J’ai eu l’opportunité de suivre des conférences, des entraînements et 31 matchs de la compétition, c’était énorme. Mon passage à la conférence de presse de la sélection française dans son camp de base avait attiré l’attention d’un grand média français sur moi. La plus grande leçon est qu’un professionnel n’a pas de limites, l’essentiel est de s’armer au mieux, afin de pouvoir exploiter chaque opportunité », confie Lutherson Léon.
En ce qui concerne le monde médiatique dans le domaine du sport, M. Léon affirme qu’il est évident que l’écart entre les médias haïtiens et plusieurs médias étrangers est très grand. « En tant que responsable d’un média sportif, j’ai été bluffé par l’aptitude et l’attitude des professionnels de ce secteur dans les conférences de presse et au cours des matchs. En fait, j’estime que la mentalité, la formation des professionnels des médias en Haïti doit être repensée et adaptée à la nouvelle ère. Le journaliste haïtien est d’abord soumis à la réalité de son pays, ce qui constitue un obstacle majeur pour sa carrière en dehors de sa communauté. Sur le point financier, je peux dire que nous sommes très loin d’avoir un média sportif qui puisse répondre au standard international », soutient fermement le journaliste sportif.
Les failles qui existent dans les structures médiatiques locales sont multiples. D’ailleurs, jusqu’à présent, il n’y a pas de médias locaux qui s’orientent dans l’accompagnement des Grenadiers et Grenadières évoluant sur le sol local et à l’étranger. « Existe-t-il un média haïtien qui a un journaliste suivant une sélection nationale de manière permanente ? Y a-t-il un journaliste haïtien qui a été dépêché par son média pour suivre des matchs d’un(e) grenadier(ère) avec son club à l’étranger ? Cela demande beaucoup d’investissement, ce que nous ne sommes pas encore prêts à faire en Haïti », déclare M. Léon.
Sur le plan académique, M. Léon constate que ce ne sont pas les mêmes écoles. « Il n’y a pas de place pour une comparaison. Dans la couverture des conférences, j’ai été parmi les plus lents dans la salle dans la retranscription des déclarations, alors que je suis le plus rapide dans les conférences locales. Ce n’est pas la faute des écoles de journalisme, mais c’est en nous, nous devons exploiter des domaines connexes pour renforcer notre profession. J’ai rencontré des analystes de données et contrairement à ceux de chez nous, ils disent ne pas être placés pour regarder les matchs, ni pour juger de leur beauté. Ils disent que leur travail consiste à compter les cartons, les hors-jeux », explique le journaliste.
« Pour chaque partie, il y a un spécialiste et la technologie est vraiment à l’œuvre dans la documentation, les analyses et même dans la présentation des matchs. J’ai rencontré quelques photographes chinois avec des matériels de pointe, lorsque je les ai questionnés pour avoir une idée d’où proviennent ces matériels, ils m’ont répondu en disant qu’ils sont sponsorisés par la compagnie en question. C’est à ce moment que j’ai commencé à orienter autrement mes observations », souligne le natif du département de la Grande-Anse.
Selon l’amoureux du ballon rond en Haïti, la non-rentabilité du sport n’attire pas les sponsors. Toutefois, le milieu sportif local peut évoluer positivement si d’autres portes continuent de s’ouvrir pour les athlètes et les médias sportifs. Mais, il faudrait que des sponsors ou investisseurs réguliers s’impliquent dans le domaine des sports.
D’un autre côté, la mise en place de moyens technologiques adéquats, d’outils de travail convenables, une rémunération régulière et la capacité de pouvoir envoyer des journalistes en mission dans d’autres pays constitueraient un pas important.
« Par ailleurs, je crois qu’avec les faibles moyens dont disposent les médias haïtiens, ils ont beaucoup accompli, rien que le fait de continuer à exister est un miracle, ils ont beaucoup de mérite », affirme celui qui s’investit corps et âme depuis 2015, dans l’évolution du secteur sportif haïtien.
Leyla Bath-Schéba Pierre Louis