Les génies déstabilisateurs!
3 min readNous approchons petit à petit d’une quatrième décennie de crise politique ininterrompue. Plus d’une quinzaine de Présidents se sont succédés au pouvoir dans l’intervalle. Nombreux ont été des Présidents intérimaires (fonction juteuse qui tente quasiment tous les politiciens haïtiens depuis la chute des Duvalier). Il y a eu également plusieurs interventions militaires étrangères sur le sol national. Un énième est en attente depuis octobre 2022. Tout ceci, pour mettre de l’ordre. Autrement dit, pour nous aider à mettre de l’ordre dans le chaos que nous avons institué sciemment.
Au regard de la pérennisation de la crise, on dirait que tous les experts envoyés en Haïti, que toutes les missions qui sont venues ici, que tous les médiateurs qui ont travaillé sur le cas haïtien, ne comprenaient pas la nature de la crise. Qu’ils se sont aventurés sur un mauvais terrain. Un terrain pour lequel, ils n’ont pas été préparés. Les échecs de la communauté internationale en Haïti sont légion. Ils sont piteux. Les artisans du chaos sont plus puissants que ce que l’on pouvait imaginer.
En matière de gabegie institutionnelle, de violence de toutes sortes, d’instabilité politique, nous paraissons être les champions. Nous avons tout expérimenté jusqu’à ce que nous aboutissions à ce dernier régime. Ce repère de présumés délinquants si l’on se réfère aux sanctions infligés à plusieurs membres de cette équipe par le Canada et les États-Unis. Nous avons organisé des coups d’État, assassiné des hommes politiques, dont l’un de nos Chefs d’État. Nous avons démantelé nos institutions en passant par les Forces Armées d’Haïti, le Parlement, la Présidence. Nous avons mis sous coupe réglée la Police et d’autres institutions encore qui n’existent, de nos jours, que de nom. Nous avons ouvert la voie à des groupes armés par l’inaction. Nos élites nous restent à travers la gorge.
Si nous considérons les personnalités déjà sanctionnées, on peut se faire une idée du caractère de nos élites. Même l’actuel Premier Ministre n’est pas exempt. Il a été mis en accusation par un organisme des droits humains en Haïti pour son implication présumée dans l’assassinat du feu Président Moïse. En fait, le chaos semble être la meilleure stratégie pour les politiciens haïtiens et certains membres du secteur privé des affaires de ne pas se mettre en danger. Pour éviter la sentence de la justice. Plus ça dure, plus c’est bon. Plus c’est chaotique, plus la population aura d’autres préoccupations. Plus nous passons du temps au pouvoir, plus nous serons capable de nous protéger. Plus la justice est faible, moins les pressions seront importantes. Nous nous faisons du mal systématiquement.
À présent, tout se complique. On se perd dans une vague d’évènements difficiles à contrôler. On expérimente des situations qui n’ont jamais existé. Pis est, et en dépit des sanctions imposées, les fauteurs de troubles ne chôment pas. Dans les coulisses, ils continuent de déplacer leurs pions. Les faits parlent d’eux-mêmes. Les conséquences sont catastrophiques. L’un des résultats les plus évidents des mauvaises pratiques politiques c’est la gangstérisation du pays. Nous avons pris le temps de signer notre arrêt de mort. La violence est devenue notre pain quotidien. Les artisans de ce chaos sirotent tranquillement les retombées de leur plan minutieusement entretenu durant plusieurs siècles. Nous sommes en fait des petits génies de la déstabilisation.
Daniel SÉVÈRE