Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump renforce sa politique migratoire avec un ton plus dur que jamais. Cette semaine, le Département de la Sécurité intérieure des États-Unis (DHS) a de nouveau appelé les migrants en situation irrégulière à quitter volontairement le territoire, pour éviter des sanctions civiles ou des pénales.
Ce programme s’inscrit dans une stratégie plus large, hostile à la politique migratoire de Joe Biden. Le 10 mars 2025, Trump, voulant à tout prix renoncer aux pratiques de Biden, a annoncé avoir remplacé l’application CBP One par CBP Home. Cette application permet aux migrants sans papiers de programmer leur propre expulsion.
Dans un communiqué paru le 10 juin dernier, l’ambassade américaine en Haïti a exhorté les étrangers en situation irrégulière à quitter volontairement les États-Unis. « Les étrangers en situation irrégulière qui utilisent l’application mobile CBP Home pour s’expulser bénéficient d’un voyage gratuit et d’une prime de sortie de 1 000 dollars », versée une fois leur retour confirmé.
En effet, l’administration Trump a prévu de lourdes sanctions contre toute personne en situation irrégulière qui refuserait de quitter le territoire américain. La secrétaire adjointe du DHS, Tricia McLaughlin, a déclaré à Fox News qu’une amende de 998 dollars serait imposée par jour pour chaque jour de séjour prolongé au-delà de l’arrêté d’expulsion définitif.
Le 12 juin 2025, la Cour suprême des États-Unis a rendu son verdict. Elle autorise le Département de la Sécurité intérieure à révoquer les avantages des migrants vénézuéliens, nicaraguayens, cubains et haïtiens qui avaient bénéficié du programme de libération conditionnelle de Biden. Au total, ce sont près de 530 000 migrants, dont 211 040 Haïtiens, qui voient leur statut révoqué et sont sommés de s’auto-expulser.
En février 2025, l’administration américaine a annoncé la révocation du TPS (Temporary Protected Status) pour Haïti. Ainsi, sans une prolongation, dès le 3 août 2025, des dizaines de milliers de migrants haïtiens, auparavant protégés, risquent désormais de se retrouver sans statut, sans travail et exposés à l’auto-expulsion.
La dégradation rapide de la situation en Haïti ne facilite pas leur retour. L’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations) observe, dès avril 2025, que 85 % de Port-au-Prince sont contrôlés par des gangs et que près de 1 million de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays. Dans ce contexte, le retour des migrants sans accompagnement devient un facteur de plus dans l’effondrement social haïtien.
En termes d’économie, cette vague d’auto-expulsion pourrait aggraver la situation économique du pays, déjà en agonie sous le poids de l’insécurité. Selon la Banque de la République d’Haïti, les transferts de fonds de la diaspora ont représenté environ 20 % du PIB en 2023, soit environ 3,8 milliards de dollars américains. Ces fonds sont essentiels pour soutenir les foyers restés au pays. Une baisse significative de ces transferts, combinée à un retour massif de migrants sans emploi ni ressources, pourrait aggraver la pauvreté et l’instabilité sociale en Haïti.
Pour un Haïtien en situation irrégulière aux États-Unis, le choix est devenu terrifiant : partir via CBP Home ou risquer des amendes et l’arrestation. Un retour précipité dans un pays où tous les voyants sont au rouge. Le défi dépasse les frontières : il s’agit de reconstruire un État capable d’accueillir ses enfants rapatriés, non pas comme une charge, mais comme une responsabilité collective.
Marie-Alla Clerville