Haïti s’enlise, depuis quelques années, dans une crise multiforme sans précédent. Pour la première fois, elle expérimente une transition d’une si longue durée. Une stratégie politique qui n’est pas sans conséquence, car il participe à la descente aux enfers accélérée du pays.
Pendant ce temps, les problèmes se multiplient. Les chiffres officiels concernant les actes de violences qui deviennent, depuis quatre ans, le plat collectif haïtien, ont tout envenimé. On est en train de devenir une nation sauvage où la population est en passe de s’entredéchirer.
Au niveau politique, on stagne. On dirait que l’État est dépourvu de tous ses moyens pouvant agir dans le sens du bien commun. Seuls les gangs ont la capacité de circuler librement. Ils assiègent le pouvoir qui se limite à des déplacements à l’étranger.
Au niveau macro, on voit un pays en decrescendo avec un taux de violence extrêmement élevé et une insécurité alimentaire qui place un record. Au niveau macro, la crise a des répercussions sociales tellement importantes que seul le temps nous dira la totale vérité.
Cette crise que les gouvernants ignorent l’impact a mis le pays à nu. Nous avons tout perdu, y compris notre dignité de peuple et notre humanité. Elle a réduit la population à l’oisiveté et à l’indigence. Tous ses droits ont été enlevés, dont le droit à la sécurité, à la santé, à la nourriture, à la circulation, à la communication, à l’éducation, ses droits civiques et politiques, et, pire encore, son droit d’habiter cette terre.
Une facette de la crise, qu’on regarde peu, découle de l’expropriation. C’est la disparition de la petite propriété. L’expérience du « cochon créole » a fait son chemin, l’exode rural accéléré également. Vient ensuite l’exode massif pour l’étranger dans les conditions qu’on connaît et le grand banditisme. Tout cela affecte, et de façon considérable, la production nationale qui est à son plus bas niveau. Sinon, elle n’existe plus.
Cette expropriation massive tolérée par l’État met un coup final aux dernières résistances populaires. Les habitants qui vivaient encore de leurs lopins de terres fuient en catastrophe et délaissent les terres abandonnées à leur sort. La prise en otage d’une bonne partie du département de l’Artibonite, du Plateau Central, de la commune de Kenscoff, fait partie de ce plan. L’agriculture de subsistance a été freinée par l’exode rural puis par la migration vers l’extérieur. Maintenant, elle est complètement mise au chaos par la violence des gangs.
En moins de cinq décennies, nous avons tout vilipendé. Nous nous sommes laissés transformer en prédateurs de notre propre bien-être. Nous avons perdu le sens de la vertu, le goût à l’éducation, la fierté de réussir avec la sueur de notre front pour embrasser la corruption, la bassesse et la mendicité. Nous sommes en chute libre. À nous de dire : « C’en est trop ».
Daniel Sévère
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