De la relation entre la quatrième vague migratoire et l’attraction des États-Unis
5 min readLa migration a toujours existé depuis l’existence de l’humanité. C’est un phénomène très complexe. Aujourd’hui, elle est considérée comme l’un des grands défis mondiaux. L’environnement, la politique, l’économie, la guerre sont autant de facteurs qui déterminent les flux migratoires dans les régions du monde. En Amérique, l’instabilité politique et la crise économique sont les principaux facteurs qui engendrent les vagues de migration.
Prenons le cas d’Haïti, dans un premier temps, l’émigration convergeait vers les États-Unis d’Amérique et la République Dominicaine. Pendant plus d’une dizaine d’années, elle s’est tournée vers l’Amérique du Sud, particulièrement, vers le Brésil et le Chili. Depuis le séisme du 12 janvier 2010, on a vu le nombre des Haïtiens ayant choisi de quitter leur pays augmenter de manière exponentielle.
Il est important de rappeler que les problèmes environnementaux sont directement liés aux problèmes sociaux, car ils entraînent toujours des conséquences pour la société. Depuis l’indépendance d’Haïti jusqu’à date, la société haïtienne a toujours été marquée par des crises politiques et économiques qui l’empêchent d’avancer. Par ailleurs, les catastrophes naturelles s’ajoutent à ces problèmes et sont aussi des facteurs qui réduisent à néant le peu de ressources de la population. Haïti est connu comme une terre d’émigration à partir de l’occupation américaine, en particulier en raison de flux massifs d’émigrants vers la République Dominicaine et Cuba. Depuis, l’émigration haïtienne n’a jamais cessé de croître à cause des problèmes politiques et socio-économiques.
Les quatre grandes périodes pendant lesquelles Haïti a connu de fortes migrations vers l’étranger ont été la période de de l’occupation américaine, la dynastie duvaliériste (le père François Duvalier et le fils, Jean Claude Duvalier), la période du coup d’État contre le président Jean Bertrand Aristide et l’imposition de l’embargo économique . Le séisme du 12 janvier 2010 qui a eu de lourdes conséquences tant socio-économiques que psychologiques a engendré la quatrième grande vague d’émigration dans l’histoire du pays.Aujourd’hui, c’est la 4e vague migratoire qui nous préoccupe le plus, si nous l’étudions dans une perspective de cause à effet au regard de la situation actuelle.
D’abord, elle a commencé après le séisme du 12 janvier 2010, mais bien avant cette date, les Haïtiens émigraient vers le continent sud-américain. Cette vague a pris naissance à partir du moment où le flux des émigrants commençait à se diriger de plus en plus vers le Brésil.
Pourquoi donc cette attraction vers le Brésil pour ensuite se tourner vers le Chili ?
Pour répondre à cette question, il serait intéressant de faire appel à la théorie de répulsion et d’attraction qui fait comprendre le fait que certains facteurs comme la politique et les conditions économiques et sociales peuvent pousser les gens à laisser leur pays pour s’installer dans d’autres où ils se sentent attirés.
En Haïti, nous connaissons tous les facteurs qui poussent les gens à émigrer, nous en avons parlé. En ce qui a trait aux facteurs d’attraction des Haïtiens vers le géant sud-américain, l’État brésilien a tout mis en œuvre pour faciliter l’émigration haïtienne vers son territoire. Il a créé des mécanismes pour simplifier le processus d’octroi des visas et aussi dans certains pays de transit. De plus, il faut rappeler que ce pays doit se préparer à accueillir la Coupe du monde de football en 2014 et les jeux Olympiques en 2016. On a eu besoin de la main-d’œuvre haïtienne surtout pour construire les infrastructures. Les entrepreneurs et les propriétaires des firmes de construction ont tiré profit de l’arrivée des migrants haïtiens qui ne connaissaient pas le droit du travail brésilien et qui étaient enclins à se soumettre sans conditions aux exigences de leurs employeurs.
Parallèlement, est survenue la récession de l’économie brésilienne en 2015 qui a déclenché des pertes d’emplois sans précédent. Une donne qui n’a pas épargné les migrants haïtiens en rendant plus difficile leur situation et qui a causé une diminution des fonds transférés en Haïti. Les migrants haïtiens ont dû travailler très dur pour être en mesure d’envoyer de l’argent à leur famille en Haïti. Ils ont éprouvé beaucoup de difficultés, car au niveau du taux de change, le réal brésilien demeure faible par rapport au dollar américain. Leur revenu et leur pouvoir d’achat en subissent les conséquences.
Cela a abouti à créer une situation qui a fait du Chili la cible des migrants haïtiens. Beaucoup d’Haïtiens, que ce soit ceux qui se déplaçaient du Brésil ou directement d’Haïti ont changé de destination. Le choix du Chili comme pays de destination peut s’expliquer par le fait qu’en 2017 le pays avait été placé au troisième rang mondial avec 7.53 millions de dollars d’envois de fonds.[1] Une donnée qui illustre bien les opportunités de travail offertes par le Chili aux immigrants haïtiens. Rappelons que le Chili est le pays le plus développé de l’Amérique latine.
Aujourd’hui, des milliers d’Haïtiens quittent le Chili pour se rendre clandestinement aux États-Unis d’Amérique en passant par des pays du Nord de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale, ainsi qu’au Mexique pour ensuite atteindre leur ultime destination. Ils échouent malheureusement dans leur tentative et sont refoulés vers leur pays d’origine qui ne fait rien pour les accueillir.
Préparé par Eddy Junior BONET, Internationaliste, Diplomate
[1] Patrick Saint-Pré, « la diaspora haïtienne au Chili, 2eme plus grands fournisseur de transferts après des Etats-Unis », 2017, www.embajadahaiti.cl/2017/07/26/la-diaspora-haitienne-au-chili-2e-plus-grands-fournisseurs-de-tranferts-celle-des-etats-des-etats-unis/