À la découverte de Me Rebecca Luc, une magistrate passionnée par le droit
5 min readFille du feu Me Félix Luc, Me Rebecca Luc suit fièrement les pas de son père dans le monde de la basoche. À la fin de son stage au Barreau de Port-au-Prince, elle s’est orientée vers la magistrature. Pour l’heure, elle poursuit des études en droit international et européen, en vue de mieux se préparer à réaliser son rêve. Dans cette nouvelle page de « Moun ou dwe Konnen », on vous présente cette juriste à l’avenir prometteur.
Originaire de la cité des poètes, Jérémie, magnifique ville côtière de la Grand’Anse, Me Rebecca Luc voit le jour dans une fratrie de six enfants, dont elle est la cinquième. « J’ai passé toute mon enfance dans la ville d’Etzer Vilaire et d’Émile Roumer », dit avec fierté la magistrate dans une interview accordée au journal. Elle a fait ses études primaires au Collège Jean Wesley et ses études secondaires au Collège Saint Louis.
Après son baccalauréat, Me Rebecca Luc s’installe à Port-au-Prince pour ses études universitaires, en Droit plus précisément. Fille de l’éminent avocat Felix Luc, elle a toujours voulu marcher sur les traces de son feu père. « Je n’ai pas opté pour le droit. Le droit m’a choisi », croit Me Rebecca Luc, qui a intégré l’Ecole de Droit et des Sciences Economiques des Gonaïves (EDSEG) en 2007. À cause du leadership dont elle a fait preuve à la première année à l’EDSEG, ses camarades l’ont élue au poste de Vice-présidente.
Licenciée en 2013 après la naissance de sa fille qu’elle chérit tant, Me Rebecca Luc intègre l’École du Barreau de Port-au-Prince. À la fin de son stage, elle est admise à l’École de la Magistrature. « Après une longue période de formation de 16 mois, j’ai intégré la magistrature haïtienne à titre de substitut du commissaire du Gouvernement au Parquet de la Croix-des-Bouquets », raconte la magistrate. Elle était attachée à la cellule traitant des dossiers femmes et enfants, victimes de violences sexuelles, et était responsable de la Cellule d’Administration et de Traitements des dossiers (CAT), avant d’être transférée au Parquet de Port-au-Prince en 2020. « Malheureusement je n’ai pas eu le temps de prendre siège, j’ai été obligée de voyager pour mes études », informe-t-elle. En effet, elle poursuit des études en Droit International et Européen.
Me Rebecca éprouve une très grande passion pour le domaine, dont elle a hérité de son père. À preuve, elle ne manque jamais l’occasion d’enrichir son savoir. « Je suis passionnée par le droit international et les droits humains…J’ai fait du bénévolat à titre de directrice de programme à l’Institut Haïtien des Droits de l’Homme. Cela a été une bonne expérience pour moi de développer des programmes de formation pour les jeunes et les organisations de la société civile », se remémore Mme Luc, qui prend plaisir à débattre de sujets juridiques. En 2018, elle a été auditrice à l’Académie Internationale de Droit de la Haye (session d’été Droit international public). Et cette année, elle est sélectionnée après un entretien pour participer à la session d’été en Droit international pénal de l’Académie des Principes de Nuremberg.
En fait, Me Rebecca Luc se dit fascinée par l’honorabilité, le respect qu’inspire le métier qu’elle exerce. Pour elle, être magistrate est divin. « Dieu seul a la prérogative de juger, en tant qu’humain, jouir de ce droit est sacré. Et cela me rend très fière…», confie Mme Luc, sans avoir la grosse tête. Dans ce secteur, elle caresse de grands rêves. « Pour l’instant, je travaille sur mes compétences pour les réaliser et faire rayonner l’image d’Haïti partout où j’irai, en rendant ma famille encore plus fière », révèle Me Rebecca, détenant un diplôme de spécialisation en droits économiques sociaux et culturels.
Face à cette situation de crise qui sévit dans le pays, Me Rebecca Luc estime qu’il faut repenser à la réforme des institutions, particulièrement du système judiciaire. Afin de trouver un dénouement à cette crise, elle a initié le sommet international de la modernisation du droit, pour permettre aux différents groupes de la société de s’asseoir autour d’une même table de discussion, nous dit-elle. « Ce sommet implique des experts en droit, des juristes, des magistrats, des avocats, des OSC, des notaires, des huissiers et greffiers, des universitaires et l’intelligentsia haïtienne », fait savoir la coordonnatrice.
Questionnée sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire, Mme Luc évoque la corruption comme principale responsable des maux en Haïti. « Cette situation de corruption concerne aussi le milieu de la justice tout comme l’ensemble de la fonction publique. Au niveau de la justice, elle est caractérisée par plusieurs pratiques pour faire avancer certains dossiers, accélérer les procédures surtout au niveau des greffes et des parquets », dénonce la magistrate, ajoutant le non respect de la séparation des trois pouvoirs de l’État, comme autre cause de l’impunité en Haïti. « Il faut éradiquer la corruption, elle ne doit pas être un système », indique la juriste, réclamant l’indépendance de la magistrature.
Malgré son remarquable parcours professionnel, Me Rebecca Luc n’entend pas se reposer sur ses lauriers. « Jusqu’à date, je n’ai pas encore dévié de mes objectifs, mais j’exige beaucoup plus de moi », déclare la mère de la fille la plus extraordinaire au monde à ses yeux. « Si les jeunes du Rwanda avaient abandonné, aujourd’hui, ce pays ne serait pas l’Eldorado de l’Afrique. Certes, la situation est difficile mais vous êtes l’avenir de ce pays. Si vous abandonnez, demain sera pire », rappelle-t-elle à la jeunesse haïtienne.
Statler Luczama