A qui la faute?
4 min readLe 7 février 2021 arrive. Il apporte presque les mêmes scénarios que l’année 2001. On promulgue la fin du mandat du chef de l’État qui ne veut pas entendre raison. Il est accroché à son fauteuil faisant le serment de ne laisser le Palais que le 7 février de l’an prochain. Son discours d’ailleurs ne dit pas le contraire. Pour Jovenel Moïse, l’idée de partir, c’est du ‘’blablabla’’.
L’opposition, quant à elle, s’apprête à investir son président dans les jours qui viennent. Dans quel palais? Personne ne sait. En plus de cela, on sent déjà l’ébranlement de son accord forcé. À l’instar de Jovenel, on peut constater sans ambages cette mesquine logique politique: ce sera moi et personne d’autre.
Entretemps, la peur s’installe au niveau des présupposés souverains. La misère, le kidnapping, la peur d’être attaqué soit par les militants de l’opposition forçant les gens à rester chez eux pour dire que la population a dit non au président, soit par des proches du pouvoir pour les empêcher de fragiliser sa situation (réprimer les manifestations de rue). La politique peut être ce que les théoriciens appellent: » la gestion de la cité » en tout lieu, sauf sur cette portion de terre de « Papa Dessalines ».
On voit sombre pour ne pas dire qu’on ne voit rien du tout. Le 7 février arrive comme un jour fatal. Les protagonistes entendent jouer le tout pour le tout. Incendier le pays, faire couler le sang, pour eux, c’est le moindre qu’on puisse faire pour que la Constitution soit respectée. Peut être ce sacrifice tant préconisé. « Dechoukay » ou répression, ce sont les laissés pour compte, malheureusement, qui vont faire les frais. S’agissant des adversaires politiques, ils n’ont aucune pitié. Après avoir privé la population du pain de l’instruction, après lui avoir infligé le kidnapping, après l’avoir massacrée dans les bidonvilles, après l’avoir décapitalisée, après l’avoir violée, emporté ses vêtements et sous-vêtements, après l’avoir privée de sa dignité, de son humanité, du peu qu’elle a construit avec sa sueur et son sang, vous l’invitez finalement à s’entredéchirer pour satisfaire vos viles ambitions. Tout par le peuple au nom du peuple mais pour la satisfaction des intérêts des insouciants qui ont traversé des générations en se régénérant sans cesse.
Tous les indicateurs sont en rouge. Les établissements scolaires ferment déjà leurs portes pour éviter d’exposer les enfants aux possibles violences. Les parents ne sont pas rassurés. Ils préfèrent garder leurs enfants chez eux au lieu d’avoir à pleurer leur mort. De tous les secteurs vitaux du pays, le système éducatif, vassalisé avec soin et méthode, est la principale victime de ces batailles infondées. Peut-être une raison bien calculée pour que ce système politique continue de se renouveler sur la base de la nécessité provoquée (famine, insécurité sanitaire,…).
En 2015 après s’être heurté à l’hostilité de cette opposition éternelle, Michel Joseph Martelly a conclu un accord pour partir le 7 février 2016. Le 7 février 2021, 5 ans après, la crise s’est envenimée, et, malheureusement, personne de la classe politique ne peut se hisser à la hauteur de la sagesse du musicien de Sweet Micky pour voir qu’il n’y a pas d’autre recours qu’un accord politique inclusif. Jovenel Moïse s’obstine à rester au pouvoir et fera, du coup, perdurer la crise. L’opposition qui n’avait pas la patience d’attendre s’achever le mandat de M. Moïse va devoir chauffer le macadam un an encore et accumuler par conséquent des cadavres supplémentaires pour enfin, si possible installer une transition qui, va, selon l’idée de l’article 134-2 écourter le mandat du prochain président élu de 1, 2, 3 ou 4 ans. Les enjeux sont énormes et personne ne veut endosser la responsabilité.
Refusant de trouver un accord politique, la population va devoir se lamenter dans son sang, sa misère, son emprisonnement, sa faim, sa peur, pour avoir choisi l’option des mille gourdes. Aucune leçon n’a été tirée des années précédentes. Les politiciens sont les seuls ayant les mains propres. Ils sont les seuls honnêtes hommes de ce pays. Les diables à combattre ce sont la population, la communauté internationale, la bourgeoisie haïtienne.
Le destin du pays est entre vos mains, messieurs les politiques. L’histoire retiendra vos prouesses comme vos bêtises. À quelques jours du 7 février, posez-vous cette question: « à qui la faute »? Nous sommes certains que vous allez vous rendre compte que vous êtes aussi coupables que tous les autres et, là, vous ferez votre mea culpa et montrerez que l’Haïtien est capable du compromis et a le sens du patriotisme.
Daniel Sévère