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Charles Aznavour – Ne laisse pas ton micro à la porte du paradis.

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            Non Charlie, St-Pierre t’offre un spécial. Rentre avec, le ciel veut entendre encore ta voix. C’est à son tour d’entonner en chœur tes célèbres refrains.

            En effet, je vous parle d’un artiste complet « que les moins de vingt ans ne sauraient connaître ». Il était notre muse, notre inspiration quand l’amour nous souriait, notre cathédrale quand la vie nous tenaillait et nous tourmentait. Toutes les chansons de Charles Aznavour nous identifient et nous interpellent. Avec des mots ciselés sur mesure, sa phrasée éclectique nous pénètre et ne laisse personne indifférent.

            Aznavour fut pour plusieurs générations un modèle de courage et de persévérance. Dès le début, les critiques lui ont fait voir de toutes les couleurs. Des expressions, à désarçonner les plus forts, lui sont jetées à la face à propos de son physique de gringalet, de son faciès, pour lesquels la nature lui fut avare. Avec sa petite taille et une voix nappée de brume, rien ne le prédestinait pour cet art sublime qu’est la chanson. Les anglais l’appelaient : « Aznovoice ». Un jeu de mots désarmant. Plusieurs fois découragé, il voulait tout lâcher, mais son ami Édith Piaf le reprenait toujours par la main et l’invitait à persévérer. N’écoutant que son courage, il affronta la scène sous la critique et les quolibets, comme il l’a écrit dans la chanson « La critique » quand « son moral en a pris un coup ».

 À force de ténacité, il avait fini par s’imposer aux diktats du destin en mettant en évidence, à travers ses poèmes, les thématiques polarisantes de la société. Il a enfin conquis Paris, l’Europe et puis le monde. En sept langues, il a bercé plusieurs générations. Et tous  y ont trouvé leur raison de vivre.

Il nous en met plein la tête quand il chante ses angoisses dans « Et moi dans mon coin » ou dans « Il faut savoir », au cours de laquelle, il nous forge le caractère quand il nous déclare : « Il faut savoir encore sourire / Quand le meilleur s’est retiré / Et qu’il ne reste que le pire / Dans une vie bête à pleurer ».

 N’oublions surtout pas sa chanson thème « À ma fille » qui a fait pleurer tous les pères de la terre au mariage de leur princesse préférée, quand il hurle : « Cet étranger sans nom, sans visage / Oh! combien je le hais / Et pourtant, s’il doit te rendre heureuse / Je n’aurai envers lui nulle pensée haineuse / Je lui offrirai mon cœur avec ta main ».

Avec « Tu te laisses aller », Aznavour a aidé une génération de femmes à se prendre en mains, à comprendre la psychologie du mari, l’homme de leur vie au quotidien, quand il souligne : « Au lieu d’penser que je te déteste /… / Redeviens la petite fille / Qui m’a donné tant de bonheur /…/ Tu’t laisses aller ».

 Pour cette pièce, les femmes lui vouent une éternelle reconnaissance. Elles lui ont envoyé, à ce titre, des milliers de lettres de remerciements, pour les avoir aidées à se départir de leur doute maladif que leur reflète leur miroir. Il en fut toujours ainsi avec toutes ses chansons, en touchant l’insensé en nous. Pour chacun de ces poèmes, on peut disserter des heures et des heures pour en extraire à la fin, un livre entier.

            Je l’offrais volontiers en exemple à mes filles, les invitant à l’obstination, quand le succès n’est pas au rendez-vous. En fin de compte, ces dernières en raffolaient et s’étaient converties en fanatiques avérées qui ne juraient que par Aznavour, tant je les avais incitées à découvrir et à réfléchir sur les phrases bien sculptées qui animent les écrits de ce génie, qui a le mérite de mettre en relief ce dont nous avions « le plus cher » : la sensibilité humaine dans ses ultimes dimensions.

Au cours de l’une de ses nombreuses interviews, il délivra un pan de ses secrets littéraires, en confiant qu’il peut prendre un temps fou pour fignoler ses textes à la recherche du mot parfait, de l’expression juste qui traduit la situation du moment ou l’inconscience des émotions. Depuis lors, j’avais adopté sa méthode ou cette exigence scripturale dans tout ce que j’entreprenais en terme rédactionnel. Merci, mille fois, mon Charlie!

            J’avais apprécié, plus ou moins, son dernier tour de piste en Haïti, même si on l’avait caserné dans les hauteurs pour mieux lui soustraire le vrai visage de la déchéance. En effet, n’a-t-il pas écrit dans « Emmenez-moi », sa chanson de la délivrance, de l’évasion, de la fuite en avant : « Il me semble que la misère / serait moins pénible au soleil ». Peut-être, est-il parti avec le sentiment de la véracité de cette confidence? Qui sait! Tant mieux pour cette âme sensible qui a tant pleuré la détresse de l’Arménie et du monde. Toutefois, pour les damnés de la terre de chez-nous, la misère n’est pas seulement dure. Elle est insupportable, invivable, même au soleil.

            Charles Az, tu as triomphé de tout. De la vie, des critiques, des emmerdes…etc. Va en paix rejoindre ton Dieu. Ne lâche pas ton micro. Ton passage ici-bas a été « for me, for me, formidable! ».

Max Dorismond

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