La Police Nationale d’Haïti (PNH) vient de fêter trente (30) ans d’existence avec des obstacles de toutes sortes. Le Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) en a dénombré cinq (5) : Les contraintes politiques, l’inadaptation de l’institution au développement de la criminalité, l’impunité, un besoin de justice et les luttes intestines, la méfiance et la vulnérabilité des hauts cadres au sein de l’institution policière.
Depuis environ cinq (5) ans, la PNH s’engage dans une bataille acharnée contre le banditisme. Une lutte sans merci, pour certains. Quoiqu’elle soit déterminée à mettre hors d’état de nuire les artisans de la violence, la PNH fait souvent preuve d’une inefficacité qui suscite des interrogations. Dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince, les gangs armés sont les seuls maîtres à bord. Même en présence des forces de l’ordre, ils continuent d’étendre leurs tentacules un peu plus chaque jour dans certaines régions de Port-au-Prince. Pour le Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH), cette situation pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs.
Contraintes politiques
D’après le CARDH, l’un des facteurs historiques majeurs expliquant la situation actuelle de la police a toujours été la volonté de la plupart des autorités politiques de la contrôler afin de renforcer leur pouvoir (répression des mouvements de protestation, contrôle de la logistique électorale…). Fréquemment, poursuit l’organisme, des responsables d’unités spécialisées et des directeurs départementaux reçoivent des ordres directement des politiques ; des hauts cadres cherchent leur support pour accéder à des postes clés de l’institution.
Toutefois, le CARDH a indiqué depuis un certain temps qu’il a pu observer des efforts pour réduire les influences politiques sur l’institution policière. Les contraintes politiques ne sont pas les seuls obstacles empêchant à la PNH d’être efficace dans sa mission.
L’inadaptation au développement de la criminalité
Il y a aussi, selon l’organisme de défense des droits humains, une question d’« inadaptation au développement de la criminalité ». « À la création de la police en 1994, les quartiers populaires (Cité Soleil, Bel Air, Martissant, Raboto…) étaient surtout des bastions politiques contrôlés, pour la plupart, par des militants politiques », a rappelé l’organisme de défense des droits humains. Il y a eu certes des exactions, des crimes politiques, affirme le CARDH, et non le niveau de criminalité que le pays connaît pendant les dix dernières années avec la montée des gangs.
Selon l’organisme, les gangs armés contrôlent aujourd’hui une grande partie de la capitale et s’étendent progressivement sur deux départements : le Centre et l’Artibonite. Il poursuit en indiquant que la police nationale n’a pas été adaptée à cette réalité et que ce déséquilibre a conduit à une institution de police au rabais, ne pouvant donc pas remplir efficacement sa mission : protéger et servir.
L’impunité
La Police Nationale d’Haïti est aussi affectée par la violence des gangs. De janvier 2025 à date, le CARDH a noté qu’au moins 16 policiers ont été assassinés. « Si on y ajoute les quatre militaires de la FAD’H et le policier de la MMAS, cela porte à 21 membres des forces de l’ordre tués par les gangs et laisse présager une augmentation par rapport aux années précédentes : 34 en 2024, 17 en 2023 », précise-t-il.
L’institution policière, dit-il, est en proie à l’impunité, minée par des conflits intestins latents dans la hiérarchie dont les agents ont parfois fait les frais. Il y a, en conséquence, d’après le CARDH, un besoin de justice pour ses membres et les parents ainsi que les proches des policiers victimes.
Les luttes intestines
En outre, l’organisme de défense des droits humains a mis l’accent sur les luttes intestines dans la hiérarchie de la police nationale. À en croire le CARDH, ces luttes en question paralysaient souvent le fonctionnement de l’institution et ont conduit à l’échec de la stratégie de certains directeurs et de certaines opérations dont la conduite et la coordination sont sous la responsabilité de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
La méfiance
« La méfiance de certains directeurs généraux de la police a rendu boiteuses les actions du haut-commandement de l’institution », estime le CARDH soulignant que dans cette circonstance, les autres membres du haut-commandement ne sont pas en mesure d’assumer leurs tâches efficacement.
« La loi du 29 novembre 1994 ne prévoit aucune protection pour le directeur général de la police après l’exercice de son mandat, incluant l’inspecteur général en Chef. En général, une fois terminé leur mandat, des directeurs généraux s’installent aux États-Unis », constate le CARDH, tout en affirmant par ailleurs que pendant ces trente ans d’existence, la police nationale a eu des obstacles qui ne lui ont pas permis de devenir une force de sécurité efficace. Malgré cela, explique l’organisme, l’institution résiste et les sacrifices des policiers sur les fronts et les efforts du haut commandement sont à apprécier.
Des recommandations
Enfin, le CARDH recommande, entre autres, à l’institution policière de réorganiser le haut commandement, d’équiper l’institution en matériels et en technologie, de créer une unité aérienne, d’harmoniser les rapports entre la police, notamment la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), jouant un rôle clef dans la police judiciaire. Il suggère également d’adopter un plan et une stratégie nationale de sécurité, d’adopter un budget centré sur la sécurité, d’harmoniser les rapports entre le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) et le directeur général, dans un élan patriotique.
Jackson Junior RINVIL
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