27 décembre 2025

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De la pauvreté extrême à l’émergence économique : le cas éthiopien face à l’impasse haïtienne

Comment l’Éthiopie, jadis l’un des pays les plus pauvres au monde, a entamé une trajectoire de développement inattendue en Afrique, tandis qu’Haïti reste embourbée dans la pauvreté et l’instabilité. Une leçon de croissance, de politique publique – et de choix manqués.

Éthiopie : des racines profondes de pauvreté à une croissance soutenue

En 2010, l’Éthiopie faisait partie des pays les plus pauvres au monde, avec une large partie de sa population vivant sous le seuil de pauvreté international et national. Selon les données historiques, la pauvreté monétaire avait fortement reculé depuis 2000, mais restait élevée au début de la décennie : plus de 30 % des Éthiopiens vivaient en dessous du seuil national, et le niveau de vie par habitant était extrêmement faible.  

Cependant, entre 2000 et 2016, l’Éthiopie a enregistré une croissance économique annuelle moyenne très élevée – proche de 10 % dans plusieurs périodes grâce à des investissements publics massifs, à une politique d’industrialisation et à une augmentation des services agricoles et des infrastructures. Cette croissance a favorisé une réduction significative de la pauvreté : le taux de pauvreté national est tombé d’environ 30 % à ~24 % entre 2010/11 et 2015/16 selon les évaluations de la Banque mondiale. 

Plus récemment, malgré des défis — tels que les conflits internes, les chocs climatiques et l’inflation élevée —, l’Éthiopie continue de croître à un rythme robuste. En 2024, le PIB par habitant était estimé à plus de 1 130 $ et le taux de croissance du PIB réel approchait les 7,6 %. 

Cette dynamique a permis à l’Éthiopie de devenir l’une des économies à la croissance la plus rapide d’Afrique, attirant investissements étrangers et initiatives de développement stratégiques, notamment dans les infrastructures de transport, d’énergie et d’éducation.  

Pourtant, malgré ces progrès, certains indicateurs sociaux restent préoccupants : la pauvreté multidimensionnelle peut toucher une large part de la population, surtout en zones rurales, et les progrès ne sont pas équitablement répartis.  

Haïti : un parcours différent — stagnation et crises persistantes

Contrairement à l’Éthiopie, Haïti n’a pas connu une telle trajectoire de croissance et de réduction de la pauvreté durant la même période. Aujourd’hui encore, Haïti est considéré comme le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental avec d’énormes vulnérabilités structurelles.  

Selon les données les plus récentes de la Banque mondiale, le PIB par habitant d’Haïti était d’environ 2 142 $ en 2024, ce qui reste inférieur à de nombreux pays en développement.   En outre, près de 40 % de la population vivent avec moins de 3 $ par jour, et environ 58,5 % vivent sous le seuil national de pauvreté. 

La croissance économique haïtienne s’est souvent révélée instable ou négative — avec plusieurs années de contraction ou de croissance très faible — en raison de crises politiques chroniques, de catastrophes naturelles répétées (dont le séisme dévastateur de 2010), et de l’insécurité persistante liée à la violence des gangs.  

Alors que l’Éthiopie a ciblé l’investissement dans les infrastructures et l’éducation pour dynamiser sa croissance, Haïti a souffert d’un manque de stabilité institutionnelle, d’un environnement des affaires peu attrayant, d’un secteur public fragilisé et d’une dépendance excessive aux aides et aux transferts internationaux — sans transformation structurelle suffisamment forte pour stimuler l’économie. 

Comparaison chiffrée :Éthiopie vs Haïti
Indicateur
Éthiopie (2024)
Haïti (2024)

PIB par habitant (USD)
~1 130+ 
~2 142 

Croissance du PIB
~7,6 % 
souvent faible ou négative 

Taux de pauvreté
Déclin historique mais encore élevé 
~40 % sous 3 $/j 

Niveau d’industrialisation
Croissant mais encore faible
Faible

Accès services de base
Amélioration continue
Limitée

Déclarations d’experts : perspectives et défis

« L’Éthiopie a démontré que des stratégies de développement cohérentes, soutenues par une politique publique volontariste, peuvent transformer un pays autrefois marginalisé en un moteur de croissance régionale. »
— Économiste indépendant spécialisé sur l’Afrique.

« Haïti continue de faire face à une série de crises imbriquées — politiques, économiques, sécuritaires — qui limitent sévèrement sa capacité à mobiliser des investissements domestiques et internationaux pour un développement durable. »
— Analyste en développement international.

Ces déclarations reflètent une réalité que les chiffres corroborent : l’Éthiopie n’est pas revenue à la pauvreté extrême d’il y a vingt ans, mais elle continue d’affronter des défis socio-économiques importants.   En revanche, Haïti reste dans une dynamique de croissance fragile, avec des impacts directs sur la qualité de vie de sa population.  

Pourquoi Haïti ne suit pas l’exemple éthiopien ?

Plusieurs facteurs expliquent cette divergence :

1. Stabilité politique et stratégie de développement

L’Éthiopie a mis en place un modèle national de développement centré sur l’investissement public, l’agriculture modernisée et les infrastructures, favorisant une croissance à long terme.  
Haïti, en revanche, a souffert d’une instabilité politique chronique, rendant les réformes durables difficiles à appliquer. 

2. Investissement dans les infrastructures

L’Éthiopie a investi massivement dans les routes, l’énergie et l’éducation, stimulant le développement économique.  
Haïti a vu une dégradation continue de ses infrastructures essentielles, aggravée par les catastrophes naturelles et l’absence de coordination nationale solide.  

3. Contexte international et coopération

L’accès à l’aide internationale coordonnée et aux partenariats d’investissement a soutenu l’économie éthiopienne pour des projets à long terme.  
Haïti, malgré l’aide reçue, n’a pas réussi à déclencher une transformation structurelle durable, en partie à cause de la corruption, des tensions sociales et de l’insécurité.  

Conclusion : leçons d’un contraste

L’histoire de l’Éthiopie illustre qu’un pays peut se libérer graduellement d’un passé de pauvreté grâce à des stratégies de développement cohérentes, même si la pauvreté et les inégalités restent des défis. Haïti, malgré un niveau de PIB par habitant qui peut sembler supérieur à celui de l’Éthiopie, n’a pas réussi à rompre ce cycle de stagnation économique et sociale — un avertissement pour les décideurs haïtiens, mais aussi une invitation à repenser les stratégies nationales de développement.

Olry Dubois, agroéconomiste
Olrydubois@gmail.com

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