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Des ténèbres à la lumière, Port-au-Prince revit !

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12 janvier ! Le jour le plus long et le plus sanglant de l’histoire d’Haïti. Le crépuscule approche. Certains Port-au-Princiens vaquent encore calmement à leurs occupations. D’autres rentrent à peine du boulot. Soudain, un grondement ! C’est l’incompréhension totale. Ça continue ! La capitale bouge dans tous les sens. Les maisons craquent. La nature se fâche. Il est 4 heures 53 minutes. Un séisme de magnitude 7,3 sur l’échelle de Richter frappe la première République noire indépendante du monde.

Au local du journal Le Matin, à la rue Goulard à Pétion-ville, c’est la panique. Rood Chéry, photographe, brise une fenêtre et plonge dans la cour. D’autres journalistes, comme Jacques Desrosiers, se couchent sur le sol. La violence du choc projette, feu le rédacteur en chef, Clarens Fortuné, dans sa bibliothèque. Le directeur général, Daly Valet, sorti en trombe du bâtiment qui, quelques secondes auparavant, se déformait dans tous les sens, réconforte deux jeunes journalistes, Esther Verstières et Yamiley Jean-Baptiste, dans la cour. Tout le monde se regarde. L’effroi et l’étonnement marquent les visages des journalistes déjà exténués par une rude journée de travail.

Les cris dans le voisinage attirent l’attention. Rapidement l’équipe se remobilise. En se déployant, les journalistes font un premier constat de la violence du séisme. Ici un blessé. Là-bas un autre. Des maisons sont éventrées. Des parents courent avec leurs enfants. Le nuage de poussière qui recouvre la ville inquiète les journalistes. Alors tous décident de rentrer s’informer du sort de leurs familles respectives. Notre confrère Yveno Formilus était déjà parti. On ne le reverra plus jamais. De même que notre graphiste, Danice Joachim, qui ne reverra plus jamais sa famille enterrée sous une masse de béton à Morne Lazarre.

Port-au-Prince, ville martyre !

La plupart des journalistes habite au centre-ville. Y accéder est un vrai casse-tête. Divers immeubles, telle la Total Communication, ont, dans leur chute, obstrué les rues. Des voitures sont écrasées et enterrées sous des montagnes de décombres et des cadavres empilés sur les trottoirs. Des blessés qui courent emportant sur des civières improvisées d’autres blessés plus graves, au niveau du quartier de Morne Lazarre, font frémir. Sanglant spectacle ! Au fur et à mesure que la capitale se rapproche, les scènes deviennent plus macabres, l’effroi et la panique aussi s’amplifient.

La capitale est recouverte d’un manteau de poussière. Alors que le soleil brillait encore, les ténèbres ont envahit la ville. Sous cette voile blanche, les cris des survivants et le bruit assourdissant de l’effondrement de certaines bâtisses constituent les seuls repères. Tout n’est que décombres. La DGI, dans sa chute légendaire, est immortalisée par l’objectif de la caméra du journaliste de signal FM, Kénol Aurélus. Le Palais national s’affaisse. Tous les grands symboles de la République se plient également avec lui (le Parlement, le Palais des ministères, etc.), comme pour témoigner de l’échec de l’État. Lequel échec sera encore plus visible dans les jours qui suivront cette catastrophe.

Les hauts lieux du savoir également sont pour la plupart en lambeaux, emportant avec eux des centaines, des milliers de vies. Saint-Gérard, GOC, l’Université de Port-au-Prince et la Faculté de linguistique appliquée, pour ne citer que celles-là, ne sont plus que ruines. Les églises (la cathédrale de Port-au-Prince, Sacré-Cœur…) aussi. Les cris qui montent des tas de gravats rappellent que des vies sont en train de s’enfuir par la fenêtre, emportant avec elle l’avenir du pays. Des victimes, encore coincés sous leurs maisons, appellent à l’aide. Une aide qui ne viendra jamais pour certains. Ce fut donc une nation affectée dans toutes ses composantes qui se réveille au lendemain de ce cataclysme.

Dans les jours qui suivent, la population est aux abois. « L’odeur de la mort plane sur la ville et emplit l’âme des vivants ». Partout, c’est le K.-O. Toutes les rues ou presque en portent les séquelles. Les corps déchiquetés des victimes amputées par la violence du choc témoignent de la violence de la catastrophe et de la panique collective. De nombreux citoyens sont encore enterrés vivant sous leurs maisons. Des pick-up remplis de cadavres les déversent sur les trottoirs des grandes artères de la capitale pour, dit-on, mettre l’État face à ses responsabilités. En effet, ce dernier n’existe plus, pour l’heure.

Au bilan, plus de trois cent mille morts, selon les chiffres officiels. Plusieurs centaines de milliers de blessés ainsi que plusieurs dizaines de milliers de maisons détruites. Parmi les villes les plus touchées, Léogâne, détruite à 90 %, et Port-au-Prince, la capitale. Elles présentent l’image d’un champ de bataille de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, au cœur de l’enfer, le pays respire encore. Malgré les difficiles conditions, les manques de tout genre, la vie recommence.

L’apocalypse passée, les secours s’organisent. Chacun tente de sauver ce qui peut encore l’être. Des morceaux de planche pour civières, aux morceaux de métal pour creuser au milieu des ruines, tout est bon pour sauver une vie. Les hommes sont influencés par l’histoire, mais ce sont eux qui la construisent. Et cela, les Haïtiens l’ont compris. Alors que la coutume veut qu’ils pleurent leurs morts durant des jours, cette fois ils en sont passés outre. L’instinct de survie et le souci d’aider les ont poussés dans leurs derniers retranchements afin de trouver la réponse au mal qui les guette.

Fuyant leurs maisons pour éviter de se faire écraser par la chute de ces dernières, les habitants de Port-au-Prince envahissent tous les espaces vides. Dans un temps record, tous les terrains vacants deviennent ce qu’on devait appeler, par la suite, des camps de rescapés et/ou de réfugiés. Les tentes poussent comme des champignons. Un autre mode de vie s’y installe et se développe. Les blessés affluent également dans ces espaces. Alors jeunes, adultes, vieillards, dans un élan de solidarité, réagissent et prouvent ainsi que le cœur du pays bat encore. Permettre à une vie de suivre son court, telle fut la principale motivation de ces sauveteurs de fortune.

Chacun porte les empreintes de cette catastrophe dans son âme. La capitale ne s’est pas encore remise non plus de cette journée sombre et reste encore marquée par le désastre. Le séisme du 12 janvier a tout emporté, même ce que nous n’avions pas. Trente-sept secondes ont suffi pour effacer deux siècles d’histoire. Cependant, il nous a également enseigné la puissance de la solidarité et de l’action collective comme porte de sortie de nos misères et de nos déboires. La traversée est encore longue, mais c’est la voie à emprunter pour la reconstruction de l’homme haïtien.

LEPS le MAGnifik
LionelEdouardPhotographiesociale

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