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Dj Kémissa, une star des platines qui déchire

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Dj Kémissa est cette platiniste qui met le feu partout où elle passe avec ses mix émoustillants. Revenue d’Europe, après ses études de Droit, Kémissa Trécile se découvre un talent hors-pair pour faire bouger les mélomanes. Dans ce numéro de Moun ou dwe konnen, elle retrace son  parcours.

Le 23 mai 1989, à Port-au-Prince, Kémissa Trécile lance ses premiers cris, faisant ainsi le bonheur de toute une famille. A Delmas, dans une famille aimante, elle grandit avec ses deux jeunes frères dans une atmosphère harmonieuse. Dotée d’une grande intelligence, elle enchaîne ses études classiques à l’Institut du Sacré-Cœur de Turgeau avant de partir en Europe pour ses études supérieures à l’Université de Versailles en Sciences juridiques. Elle est détentrice d’un master en Droit commercial international. « J’ai été fascinée par cette branche du Droit, qui régule les échanges internationaux. Alors j’ai décidé de faire une maîtrise dans ce domaine », explique la disciple de Thémis.

On est en 2008. Tandis que Kémissa se met à scruter le savoir juridique en Europe, le disc jokey prend un nouvel élan dans la musique partout à travers le monde. « De loin, j’admirais le travail fascinant qu’ils faisaient. En fait, J’avais un certain intérêt pour leur création », confie Kémissa qui, toutefois, ne perd pas de vue ses ambitions pour le droit. De retour en Haïti en 2013, elle se met à tâter de cet univers inconnu, mais tant attirant. « Je passais le plus clair de mon temps à essayer de créer des mix, ce qui plaisait bien à mes proches, sans savoir que j’allais devenir ce que je suis aujourd’hui », raconte Dj Kémissa. La jeune femme découvre alors une certaine passion pour cet art tant elle y prend son pied, et elle affine davantage sa virtuosité de manière autodidacte tout en suivant les conseils des plus agiles. « Je commençais à performer à huit clos, dans des petites fêtes, et tout le monde semblait kiffer mon talent », ajoute la Dj qui n’avait même pas encore son dj controler. Tout se faisait sur son ordinateur personnel, en effet.

Convaincue de sa dextérité à manier les platines, Kémissa accepte de sortir de sa zone de confort pour relever un nouveau défi qui se présente. À Terrasse Garden elle doit faire ses premiers pas sur scène comme Dj. « Je n’avais pas encore mon appareil de Dj quand j’ai été invitée à performer à Terrasse Garden. Tout ce que j’avais en fait, c’était l’idée de ce que j’allais faire et mon PC. Ce jour-là, je suis allée voir un ami pour lui emprunter son Dj contrôler. À la fin, j’ai gravement assuré », raconte Kémissa sur sa première performance face à un public inconnu. « Pour être franche, j’étais hyper stressée devant ces gens stupéfaits de voir une femme dj, et curieux de savoir ce que j’allais donner », témoigne-t-elle.

Dj Kémissa confie avoir redoublé d’efforts pour convaincre les gens de son talent comme femme dj. « Ce n’était pas vraiment facile au début, dit-elle, de faire accepter aux gens que je pouvais avoir autant de potentiel que les hommes, que c’était une question de talent et non pas une affaire de sexe ». Encore aujourd’hui, malgré son renom dans le milieu, sa présence sur scène comme femme Dj frappe de stupeur de nombreux spectateurs que son talent finit toujours par éberluer. « Cela me paraissait comme un challenge que j’ai accepté de relever. A défaut de modèles, j’ai dû partir de rien, de zéro, pour construire Dj Kémissa », déclare avec beaucoup de fierté la platiniste qui a dû mettre beaucoup de temps à se sentir à son aise dans ce milieu largement dominé parla gente masculine.

Malgré son succès, Kémissa Trécile ne laisse pas son parcours d’artiste empiéter sur sa carrière de juriste. En effet, la spécialiste en Droit commercial international parvient parfaitement à maintenir l’équilibre entre ses deux domaines d’activité. « Je vis séparément mes deux personnages que je me suis composés en essayant de maintenir un certain équilibre afin de pouvoir me donner à fond autant dans l’un que dans l’autre », assure la juriste ajoutant l’anecdote qui suit. « Une jeune collègue de travail lors d’une réunion, après un long moment d’admiration, ne pouvait s’abstenir de me demander si j’étais réellement la Dj Kémissa qui s’affichait sur son téléphone. Lorsque je lui ai confirmé mon identité, elle était stupéfaite de voir comment j’assumais brillamment ces deux rôles. » Mme Trécile dit avoir le soutien de ses collègues dans le milieu du droit, où les conservateurs ne manquent pas.

En outre, Kémissa Trécile se sert de sa carrière pour défendre la cause des femmes et filles et des jeunes notamment. « Comme femme et jeune de surcroît, je fais partie des groupes souvent marginalisés en Haïti. Je m’engage ainsi à défendre leur cause », clame la juriste. En effet, elle ne cesse de multiplier les conférences afin d’inciter les jeunes à s’émanciper. « J’espère pouvoir contribuer à l’émancipation de nombreux jeunes, notamment des jeunes filles qui souhaiteraient faire carrière dans mon domaine », déclare Dj Kémissa qui se fait accompagner dans ses prestations, par un jeune et talentueux violoniste, Seth Johnsley Dorange, qu’elle a rencontré lors d’un event auquel elle participait. « Seth est très brillant. Avec lui, je veux proposer au public quelque chose d’innovant, de spectaculaire, du jamais vu en Haïti », ajoute Kémissa qui ne tarit pas d’éloges envers ce jeune virtuose.

« Dans les cinq prochaines années, j’espère déposer le chapeau de Dj afin de mettre pleinement au service de l’industrie musicale haïtienne mes compétences en Droit », confie Kémissa Trécile. Elle commence en effet à poser des jalons avec le Virtual Interactive Legal Application Journey (V.I.L.A.J), une plateforme qui consiste à améliorer la notion de droit d’auteur en Haïti. « Il est important que les consommateurs commencent à supporter les artistes, afin que ces derniers puissent vivre normalement de leurs oeuvres. C’est avec cet objectif que nous travaillons sur le projet V.I.L.A.J qui sera un pas vers la formalisation de l’industrie musicale haïtienne », fait savoir la platiniste et juriste.

Entre sa vie artistique et sa carrière de juriste, Kémissa Trécile chérit d’autres passions qui, à en croire ses mots, lui permettent de mieux entretenir sa santé mentale et physique. Si elle n’est pas dans son bureau ni sur scène, on la verra indubitablement dans une salle de sport. « J’adore jouer au basket-ball et fréquenter les salles de sport. Toute culture physique entraîne une autre, ainsi j’essaie de développer des aptitudes dans d’autres disciplines comme la boxe ou la danse », confie la jeune femme qui se plaît également, comme bon nombre de jeunes de sa génération, à regarder des séries télévisées. « A présent je ne lis que pour des raisons professionnelles. Mais j’aimerais bien redécouvrir le plaisir de feuilleter un bon roman ou un recueil de nouvelles », espère la star des platines, fière de ce qu’elle accomplit dans sa vie.

Statler LUCZAMA

Luczstadler96@gmail.com

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