Et si l’on relance la production nationale?
6 min readLa production nationale avait connu une protection jusqu’au début des années 1980 par des barrières douanières particulièrement élevées sur certains produits stratégiques. Le gouvernement subventionnait également quelques produits de première nécessité à l’époque, ce qui permettait de les proposer à la vente à un moindre coût et donc aux personnes pauvres d’y accéder plus facilement.
Ainsi, la production nationale parvenait à satisfaire la demande interne pour plusieurs produits agricoles, particulièrement ceux les plus couramment consommés, et le prix des matières courantes ou stratégiques était en partie contrôlable.
À partir des années 1986-1987, dans le cadre d’un plan d’ajustement structurel, les autorités haïtiennes ont abaissé les barrières douanières, de sorte que le marché national a très vite été envahi par des produits étrangers hautement subventionnés, notamment en provenance des États-Unis.
Ces mesures qui visent la libération du marché national affectent considérablement la production nationale. Car les produits alimentaires qui proviennent de l’étranger pouvaient entrer dans le pays sans payer les moindres taxes. Ce qui permettait aux produits importés de vendre à un prix plus faible que les produits locaux.
Le riz est à la base de l’alimentation haïtienne
La chute des droits de douane a provoqué la décapitalisation des petits paysans, ce qui a transformé le pays, autosuffisant jusqu’au début des années 1980, en importateur de riz. En 2008, Haïti importe 82 % de sa consommation de riz.
-L’aide alimentaire représente également un handicap pour le développement de l’agriculture haïtienne. Elle représente une source de découragement pour que les paysans haïtiens continuent à travailler la terre. On constate, après la distribution de l’aide alimentaire dans le pays, une diminution des prix de certains produits agricoles haïtiens sur le marché local. Puis, la valeur de ces produits diminue considérablement et reste sur le marché parce que les gens trouvent d’autres produits alimentaires presque substituables à de meilleurs prix sur le marché. Du coup, le mépris de certains produits agricoles haïtiens engendre un dégoût chez les paysans et cela va diminuer automatiquement le rendement et la productivité des paysans.
Elle devrait orienter comme un véritable support pour l’agriculture haïtienne, telle n’est pas le cas !
-Le manque d’investissement dans l’agriculture haïtienne représente aussi un problème majeur pour sa productivité. Parce qu’il n’y a pas de banques agricoles dans les milieux ruraux qui pourraient faciliter les crédits agricoles aux paysans haïtiens. Cela réduit considérablement la productivité des paysans haïtiens et il empêche l’agriculture haïtienne de répondre aux besoins alimentaires de la population. De plus, les techniques, les outils et les pratiques qu’utilisent les paysans pour travailler la terre posent également des problèmes pour sa productivité. Ces outils (roue, machette, pioche, etc.) diminuent considérablement le rendement des paysans.
Depuis le désengagement de l’Etat dans l’agriculture, les agriculteurs haïtiens ne connaissent aucune bonne année agricole. Lorsque ce ne sont pas les inondations, les sécheresses, les cyclones et les ouragans qui anéantissent leurs plantations, c’est la volatilité structurelle des cours agricoles qui ne leur permettent pas de rémunérer convenablement leur force de travail et de rentrer les fonds qu’ils ont engagés.
Depuis 1970, l’agriculture haïtienne a constamment décliné. Sa part dans le PIB est passée de 49,2 % en 1970 à 20 % en 2018, soit une chute de 59,35%. L’agriculture représente, vu son poids dans le PIB, un important secteur dans l’économie du pays, en dépit de ses faiblesses.
Le déclin de l’agriculture s’accompagne de son lot de conséquences néfastes pour l’ensemble de la société haïtienne, et ceci, pendant et après la Covid-19; d’où la nécessité d’une relance de la production nationale.
D’aucuns pensent que la sauvegarde de l’économie ne passe que par les grandes plantations, mais ce n’est pas le cas, les petites relèvent d’une grande importance également, surtout dans le contexte actuel dont la population commence à ne pas pouvoir se nourrir.
C’est là qu’interviennent les paysans.
Relancer la production nationale certes, mais comment faire?
«Le meilleur expert ne pourra pas créer un grand impact si les conseils sont ignorés par le Ministère de l’Agriculture haïtienne.» (Joseph Dejoie)
La présence de l’État (son engagement) est importante dans le développement de l’agriculture haïtienne. Il doit encourager les paysans en appliquant un ensemble de mesures dans le but de contribuer dans la satisfaction des besoins alimentaires de la population.
1) En agriculture, il faut faire des choix. L’on ne peut pas tout produire vaguement. L’État devrait faire des choix rationnels pour savoir quel type de produit est prioritaire pour le pays . Ce, afin d’introduire des incitatifs et des encadrements spécifiques pour encourager la production dans la filière définie.
2) L’État doit mettre en place des institutions qui accorderont aux agriculteurs des crédits agricoles. Puisque l’absence de banque agricole dans les milieux ruraux représente un fléau pour le développement de l’agriculture haïtienne. Dans une politique agricole adaptée à la situation actuelle des paysans, l’État doit rendre aussi le crédit effectivement accessible aux petits paysans producteurs. Il doit poser les principaux jalons qui pourraient faciliter la productivité agricole afin de répondre aux besoins alimentaire de toute la population. L’État doit alors promouvoir la formation d’entreprise agricole et industrielle, en particulier des coopérations qui doivent contribuer à l’augmentation de la production nationale. Puis, il doit accorder des prêts à court, moyen et long terme destiné au développement de la production agricole et industrielle. De ce fait, L’État doit alors favoriser la création d’autres instituts portant la main forte au développement agricole.
3) L’État doit favoriser également le développement et la production de certains produits alimentaires importés actuellement. Il doit beaucoup plus intéresser à la production alimentaire consommée à l’intérieur du pays au lieu d’orienter l’agriculture vers l’extérieur c’est-à-dire une agriculture extravertie.
4) D’autres en plus l’État doit mettre en place des institutions qui doivent intervenir dans les conflits terriens et pour redistribuer les terres. La terre est le principal moyen de production pour les paysans. En fait, une bonne distribution des terres aux paysans sans y être contraint est le meilleur moyen d’augmenter la production agricole.
5) L’État doit protéger le prix des produits agricoles haïtiens sur les marchés locaux. Cela peut favoriser l’épargne des agriculteurs haïtiens. Il doit revaloriser le revenu des paysans. En fait, L’État doit supprimer tous les prélèvements abusifs qui empêchent les paysans à maximiser leur productivité. Une élimination des taxes sur les produits agricoles cultivés par les paysans haïtiens peut encourager vivement ces derniers à augmenter leur productivité.
6) L’éducation des paysans haïtiens est un facteur qui peut aider à augmenter la production agricole. Ces derniers temps on constatait des variations, des changements qui sont liés à la température. Or l’agriculture haïtienne repose presque totalement sur le traditionalisme ou les coutumes. Parce qu’elle est issus de l’ensemble des connaissances rudimentaires et traditionnelles partageaient par les ancêtres cultivateurs. Ce qui est la cause certaines fois des pertes énormes auprès des paysans surtout à l’heure actuelle avec le phénomène du réchauffement climatique. Cette formation peut donner aux paysans les nouvelles techniques agricoles et les aider à s’adapter aux effets de l’environnement.
On doit les éduquer avant tout processus de financement louable, car le financement ne fera pas un miracle avec des terres non irriguées, de faibles niveaux de mécanisation et avec l’absence de formations techniques pour les paysans.
Il faut agir, le pire est à venir !
Don Waty BATHELMY
Économiste. Blogueur.