Gueldy René, un artiste engagé qui ne mâche pas ses mots
4 min readCompositeur, guitariste et chanteur, Gueldy René délivre un message d’amour, d’unité et de paix dans ses compositions. Originaire de Cité Soleil, le musicien de trente-cinq ans espère éveiller la conscience collective en vue d’un réel changement de paradigme en Haïti.
Gueldy René est un jeune compositeur haïtien qui a vu le jour dans le plus important bidonville d’Haïti, Cité Soleil, le 2 mai 1986. Il y a vécu toute son enfance et le plus clair de sa jeunesse. Comme la plupart des jeunes de sa génération, il a été témoin de nombreux actes de barbarie commis dans son quartier dirigé par le redoutable chef de gang connu sous le nom de Dread Wilmé. « J’habitais le même quartier que Dread Wilmé et ce, bien avant qu’il ne devienne un criminel. J’ai assisté, dans mon jeune âge, à des choses odieuses qui se passaient sous son règne dans la cité », témoigne Gueldy René qui se revendique comme un artiste engagé. « J’ai connu tellement de violence dans cette commune, que franchement je ne saurais porter d’autre message qui ne soit pas à même d’inviter les gens à un changement de comportement pour le bien-être du pays », affirme le chanteur, joint par téléphone.
Enflammé par le mystère de la musique, Gueldy René a fait ses débuts à l’église grâce à sa mère, fervente chrétienne qui l’y amenait religieusement. À l’aube de son adolescence, il s’est mis à composer des morceaux. Séduit par le son mélodieux de la guitare, Gueldy a appris à manier l’instrument à corde, avec un guitariste de son quartier qui lui enseignait les notions de base. Par la suite, il s’est trouvé une école de musique pour affiner son talent. Depuis, le jeune chanteur ne se lasse pas de sa guitare qui l’accompagne toujours. « Avec mes maigres moyens, je ne pouvais pas me procurer une guitare. Si j’en possède une aujourd’hui, c’est grâce à certains amis qui ont toujours cru en moi », avoue l’ancien élève du Lycée de Cité Soleil.
Gueldy René a depuis longtemps entamé sa carrière professionnelle, même s’il tarde encore à prendre pied dans ce qu’on appelle l’HMI (Haitian music industry). Selon le musicien, qui pense avoir tout pour être un grand artiste, il n’est pas donné à tout le monde de se faire un nom dans le secteur musical. « Les artistes n’ont pas tous les mêmes chances et ceux qui assurent leur promotion choisissent au préalable celui qui doit émerger dans ce secteur, condamne l’artiste Gueldy. Donc, les artistes qui revendiquent de meilleures conditions de vie dans les quartiers populeux, une autre justice sociale, n’ont pas leur place dans l’industrie musicale», poursuit le chanteur issu des bas fonds de Cité soleil.
Rongé par les frustrations de ce pays englué dans la pauvreté, Gueldy René s’inspire du feu Manno Charlemagne pour véhiculer des messages d’amour, d’unité et de paix. S’il prône le changement dans sa musique, Gueldy peine paradoxalement à l’espérer dans les faits. « Sincèrement, je ne vois pas de changement en Haïti. Je ne sais pas comment on va s’en sortir », se désole-t-il. Il ajoute cependant qu’il faudrait se débarrasser de certaines personnalités qui, à en croire ses mots, maintiennent le pays dans ce gouffre de misère. Il n’hésite pas à pointer du doigt les familles Boulos et Vorbes qui tirent avantage de la pauvreté d’Haïti, selon lui. « Il y a beaucoup trop de gens malhonnêtes qui font leur beurre dans la situation nauséabonde dans laquelle nous nous trouvons. Le développement de ce pays est inconcevable avec ces gens », déclare fermement le compositeur qui ne mâche pas ses mots.
Gueldy René continue néanmoins à servir des messages d’amour, de réconciliation et de paix, invitant les jeunes à prendre leur avenir en main. Avec une discographie de plus d’une quinzaine de titres, dont une dizaine composant son album intitulé « Respekte Rèv ou », et « Mèsi Senyè », un morceau évangélique. Il a en outre performé aux côtés de nombreux artistes notoires, dont Jean Jean Roosevelt, avec qui il a une collaboration connue sous le nom « Pa koute yo ». « J’espère que mes compositions contribueront un jour au réveil de la conscience générale et feront germer l’espoir d’un avenir meilleur chez les jeunes », conclut Gueldy René.
Statler LUCZAMA
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