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Haïti file droit vers une 7ᵉ année consécutive de contraction économique, l’économiste Guy Mary Hyppolite propose des pistes de redressement

Selon la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPALC), la croissance serait de nouveau négative en 2025, marquant ainsi sept années consécutives de déclin économique en Haïti. Tous les indicateurs sont au rouge. Inflation galopante, chômage croissant et pauvreté sont tous marqués par l’absence de mesures gouvernementales efficaces. Pour tenter de redresser la situation, l’économiste Guy Mary Hyppolite, dans une interview accordée à Le Quotidien News le 20 août 2025 plaide, entre autres, pour plusieurs actions concrètes : stabiliser l’environnement sécuritaire et politique, stimuler la production locale…

Le Quotidien News (L. Q. N) : Quand parle-t-on de croissance économique négative dans un pays ?

Guy Mary Hyppolite (G. M. H): On parle de croissance économique négative lorsqu’un pays enregistre une diminution de son produit intérieur brut (PIB) par rapport à l’année précédente. Cela signifie que la production de richesses (biens et services) baisse, que les investissements diminuent, que la consommation ralentit et que l’économie ne parvient pas à générer de nouvelles opportunités d’emplois et de revenus. Si ce phénomène persiste plusieurs années de suite, on parle de récession prolongée ou de dépression économique.

L. Q. N : Au cours des six dernières années, nous avons enregistré des taux de croissance économique négatifs en Haïti. Aujourd’hui, tous les indicateurs économiques sont au rouge : le taux de chômage ne cesse de grimper. Par ailleurs, aucune mesure efficace n’est prise par le gouvernement pour aider la population. Dans ce contexte, qu’est-ce qu’on pourrait faire pour redresser l’économie du pays ?

G. M. H : Pour redresser l’économie haïtienne, plusieurs actions doivent être envisagées :

         1.      Stabiliser l’environnement politique et sécuritaire afin de créer la confiance et d’encourager les investissements.

         2.      Stimuler la production locale (agriculture, artisanat, petites industries) dans le but de réduire la dépendance aux importations et de créer des emplois.

         3.      Investir dans les infrastructures de base (routes, énergie, eau potable) pour favoriser les échanges économiques.

         4.      Renforcer l’éducation et la formation professionnelle pour doter la jeunesse de compétences adaptées au marché du travail.

         5.      Encourager la diaspora à investir dans des projets productifs par des incitations fiscales et un cadre légal transparent.

L. Q. N : Selon vous, comment le secteur privé des affaires peut-il contribuer à améliorer la situation économique du pays ?

G. M. H : Le secteur privé peut jouer un rôle moteur dans la relance économique en :

         1.      Investissant dans la production nationale (agriculture, agro-industrie, énergie renouvelable).

         2.      Créant des partenariats public-privé pour moderniser les infrastructures et améliorer les services essentiels.

         3.      Encourageant l’innovation et l’entrepreneuriat à travers le financement de startups et de petites entreprises locales.

         4.      Respectant la responsabilité sociale des entreprises (RSE) en soutenant des projets communautaires et en améliorant les conditions de travail.

L. Q. N : Quelle politique devrait adopter l’État haïtien pour remédier à cette croissance économique négative de plus de six ans ?

G. M. H : L’État doit mettre en place une politique économique cohérente et durable, basée sur :

         1.      La bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des fonds publics.

         2.      La lutte contre la corruption pour garantir que les ressources profitent réellement à la population.

         3.      Une politique fiscale juste et efficace qui élargit la base de contribuables sans étouffer les petites entreprises.

         4.      Un plan de développement à long terme qui priorise l’agriculture, l’éducation, l’énergie et les infrastructures.

         5.      La stabilité monétaire et budgétaire afin de limiter l’inflation et de restaurer la confiance des investisseurs.

L. Q. N : Ils sont nombreux, les organismes internationaux, à affirmer qu’ils octroient des fonds pour financer des projets de développement en Haïti. Pourtant, dès qu’on observe la situation sur le terrain, on constate que la situation socio‑économique du pays ne cesse de se détériorer. Selon vous, pourquoi l’impact des projets de développement est difficile à percevoir ?

G. M. H  : Plusieurs raisons expliquent cette situation :

         1.      Mauvaise gouvernance et corruption, qui détournent les fonds des projets.

  2.      Manque de suivi et d’évaluation, ce qui empêche de mesurer l’efficacité réelle des projets.

         3.      Fragmentation de l’aide internationale, souvent dispersée dans de petites initiatives non coordonnées.

         4.      Faible implication des communautés locales, ce qui rend les projets inadaptés aux besoins réels.

         5.      Instabilité politique et insécurité, qui empêchent la continuité et la durabilité des investissements.

Propos recueillis par :

Jackson Junior RINVIL

rjacksonjunior@yahoo.fr

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