La dégradation du littoral de Miragoâne et de Petite-Rivière de Nippes
6 min readLa détérioration de l’environnement et des services éco-systémiques sont des défis majeurs de développement (Desse, 2004), surtout dans les pays à faibles revenus comme Haïti. Cette dégradation environnementale touche et affecte grandement les zones littorales du pays.
Les tristes situations sociopolitiques et économiques d’Haïti caractérisées ces dernières années par une augmentation de la violence avec un niveau d’insécurité sans précédent, une extrême pauvreté, une pénurie d’eau potable, une situation sanitaire dramatique avec un système de santé au bord de l’effondrement font de nous l’un des pays le plus pauvre de la caraïbes et parmi les pays les plus pauvres du monde. Selon les données de l’indice de développement humain de l’ONU, sur 191 pays, Haïti était classée en 162e position en 2020 (UNDP, 2022). À ce sombre et triste tableau s’ajoute une importante dégradation environnementale caractérisée par une occupation anarchique de certaines espaces à risques, une mauvaise gestion des déchets, une prolifération des constructions en dehors de tout cadre légal, une déforestation de beaucoup de régions du pays, une pollution des sols, des eaux et de l’air. D’après une évaluation faite par le FAO en 2020 des ressources forestières mondiales, la surface forestière est tombée en Haïti à 12,6% du territoire national, et le couvert boisé dans son ensemble était estimé à 36,3% (Évaluation des ressources forestières mondiales 2020, 2021). Cette perte ne fait qu’augmenter la vulnérabilité d’Haïti, et compromettre son développement.
Pour les pays préoccupés par leur développement, les littoraux sont des avantages. On y retrouve des lieux de séjour, des chaînes d’hôtels, surtout des mangroves conservées ou exploitées à bon escient. En Haïti, les littoraux sont dans un état déplorable et laissés à la bidonvilisation. Quand ils ne sont pas remplacés par des bidonvilles, ce sont des dépotoirs transformés en de gigantesques latrines à ciel ouvert. Dans presque toutes les grandes villes côtières du pays, on note presque les mêmes indices d’atteintes écologiques des littoraux : mangroves surexploitées, gisements de coquilles de lambis d’âge juvénile, diminution des ressources halieutiques (Desse, 2004).
Ces zones, qui sont généralement spécifiques à de nombreuses activités humaines intensives à causes de leur grande diversité de richesses éco-systémiques nécessaires pour garantir nos moyens de subsistance et notre bien-être, sont exposées à une inquiétante situation de dégradation sur la côte de Miragoâne et de Petite-Rivière de Nippes.
Miragoâne et Petite-Rivière de Nippes sont deux communes côtières du département des Nippes dont leurs potentiels économiques sont basés sur l’agriculture, le tourisme local, l’élevage et la pêche. Malgré la beauté de ce littoral fait de magnifiques plages au sable fin et aux eaux claires, composé de cascades, de grottes, de forêts, des stations balnéaires, des régions pittoresques, nous avons pu observer que c’est un potentiel en grande souffrance qu’on n’a pas su vraiment préserver sa beauté.
Ce littoral est affecté par l’évacuation des déchets urbains, les pollutions de toutes sortes, la surexploitation de la pêche et des ressources halieutiques menaçant la survie des communautés côtières. Il est également sous la menace de la pollution des eaux, des marchands qui jettent les détritus dans la mer qui se transforme en dépotoir et toilettes publiques. Il n’y a personne qui, en s’approchant de ces zones côtières, ne soit choqué par cette vaste et dégoûtante poubelle qu’elles sont devenues. Ces phénomènes ne font qu’aggraver l’érosion côtière, la perte d’habitats et de services éco-systémiques, qui pourraient bien contribuer à accentuer les effets négatifs induits dans des secteurs plus rarement pris en compte, comme : la santé, l’économie etc.
Nos observations nous ont montré que dans le littoral de Miragoâne et de Petite-Rivière de Nippes, l’écosystème de mangrove est compté parmi les plus grandes victimes des dégradations côtières.
Mystérieuses, fascinantes sont les mots que nous pouvons prêter pour décrire les mangroves, de ces deux communes. Elles ont une apparence hostile qui ne ressemble à aucun autre écosystème. Pieds dans l’eau, bercée par le rythme des marées abritant des arbres et des palétuviers.
En dépit de son importance dans la stabilité et la santé des environnements côtiers (Roche and Cu, 2015), la mangrove du littoral des Nippes plus particulièrement celle de Miragoâne et de Petite-Rivière de Nippes est en train d’être victime d’une dégradation continue non seulement d’origine naturelle mais aussi anthropique.
Elle est soumise à des pressions importantes mettant en jeu leur existence : cyclones, tempêtes tropicales, urbanisation, déforestation, pollution, aménagement urbain, agriculture et l’élevage. On arrive même à créer délibérément, à la vue de tout le monde, une zone de largage de déchets de toutes sortes dans l’environnement immédiat de cet écosystème, qui fait de sa destruction un objet plus menaçant. Elle est méprisée, on dirait même oublier par les grandes autorités de l’État qui sont appelées à prendre des décisions à travers des politiques publiques visant à protéger l’environnement plus précisément ces espaces de mangrove qui ont de multiples importances.
Il est urgent de vous rappeler que déjà, le monde souffre de l’effet de certains phénomènes environnementaux tels que la disparition des espèces, cyclones tropicaux, fortes pluies, inondations, réchauffement climatique (Piguet, Pécoud and De Guchteneire, 2011) pour ne citer que cela.
Pour bien faire face à ce phénomène de dégradation de la mangrove dans les communes de Miragoâne et de Petite-Rivière de Nippes, qui a sans doute suscité l’intérêt de peu de gens, il est urgent de prendre des mesures nécessaires. L’État doit être mobilisé sur la nécessité de lutter contre cette dégradation. Aussi, s’avère-t-il nécessaire d’entreprendre des activités de sensibilisation et d’éducation pour une meilleure compréhension de ces écotones. Des mesures doivent être également prises pour assurer leur pérennité et le maintien des services éco-systémiques offerts. Une bonne gestion de ces arbres et une bonne éducation de la population avoisinante peuvent réduire la consommation de ces bois comme moyens de subsistance et sensibiliser les populations avoisinantes sur l’importance multidimensionnelle de cet écosystème et la nécessité de protéger ces espaces. Toutes les institutions responsables de ces zones doivent aider les gens à développer des comportements éco-citoyens qui seront bénéfiques pour ces espaces.
En somme, la mangrove est donc importante pour la biodiversité, mais aussi pour les populations les plus vulnérables, leur fournissant nourriture, revenu et abri contre les tempêtes. Sa disparition serait donc très dangereuse pour ces populations et les milieux tropicaux. On ne peut pas se permettre de voir disparaître un jour cette immense richesse des communes de Miragoâne et de Petites-Rivières de Nippes. Sauvons et protégeons ces précieux cadeaux naturels reconnus surtout pour la richesse de leur faune et flore qu’ils hébergent.
MERINE Yvens Marc Arthur
Normalien Supérieur
Médecin
Références
Desse, M. (2004) ‘Les difficultés de gestion d’un littoral de survie à Haïti: L’exemple du golfe de la Gonave’, Cahiers de géographie du Québec, 47(130), pp. 63–83. Available at: https://doi.org/10.7202/007969ar.
Évaluation des ressources forestières mondiales 2020 (2021). FAO. Available at: https://doi.org/10.4060/ca9825fr.
Piguet, É., Pécoud, A. and De Guchteneire, P. (2011) ‘Changements climatiques et migrations : quels risques, quelles politiques ?’:, L’Information géographique, Vol. 75(4), pp. 86–109. Available at: https://doi.org/10.3917/lig.754.0086.
Roche, Y. and Cu, P.V. (2015) ‘Les mangroves face aux changements climatiques : Le cas à la fois typique et particulier du Vietnam’, VertigO [Preprint], (Hors-série 23). Available at: https://doi.org/10.4000/vertigo.16600.
UNDP (ed.) (2022) Uncertain times, unsettled lives: shaping our future in a transforming world. New York, NY: United Nations Development Programme (Human development report, 2021/2022).