Dans une déclaration publiée le 23 juin 2025, le Groupe d’Action Francophone pour l’Environnement (GAFE) dit rejeter catégoriquement le texte de l’Avant-projet de nouvelle Constitution proposé par le Comité de pilotage de la Conférence nationale. Le GAFE propose, par ailleurs, une alternative audacieuse : une Constitution environnementale fondée sur la souveraineté populaire, la justice climatique et le respect de la vie sous toutes ses formes.
« Le GAFE exhorte les Haïtiens (es) à faire preuve de vigilance et de clairvoyance sur les territoires », peut-on lire dans cette lettre, signée par David Tilus, directeur exécutif de l’organisation.
Le GAFE dit exprimer une vive préoccupation face à un processus constitutionnel qu’il juge déconnecté des réalités écologiques, sociales et politiques du pays. Il considère l’avant-projet comme une initiative unilatérale, conçue dans un contexte marqué par l’insécurité, la méfiance citoyenne et l’effondrement institutionnel. Ce texte, selon l’organisation, « ne répond ni aux urgences environnementales ni aux aspirations démocratiques profondes » du peuple haïtien.
L’organisation dénonce ainsi « toute tentative de manipulation constitutionnelle ou de coup d’État constitutionnel », appelant à une refondation du pacte républicain sur des bases éthiques et écologiques solides. En opposition à l’avant-projet, le GAFE propose un modèle constitutionnel entièrement repensé, centré sur la nature, la solidarité et la justice. Une telle Constitution, affirme-t-il, ferait d’Haïti une république indivisible, souveraine, indépendante, libre, démocratique, solidaire et écologique. Elle serait construite sur des principes fondamentaux qui expriment la souveraineté de l’Étatsans aucune domination politique ou économique et aucune forme d’ingérence. Ce texte promeut également une culture de paix et de fraternité entre tous les Haïtiens et entre les peuples.
« Une Constitution environnementale, comme texte fondateur, propose les fondements d’un projet politique, social et sociétal, économique et environnemental qui garantit à tous les Haïtiens et toutes les Haïtiennes de vivre dans un environnement sain, préservé et sécurisé », lit-on dans la déclaration.
Elle défend la protection de l’environnement et des biens communs, tout en érigeant en principe lajustice climatique, indispensable dans un pays en proie aux catastrophes naturelles amplifiées par le dérèglement climatique. Elle sanctuarise l’État de droit, régule l’économie, encadre les pouvoirs publics et garantit une démocratie plus équitable.
La vision portée par le GAFE ne s’arrête pas à l’écologie. Elle entend garantirl’égalité d’accès aux responsabilités politiques à tous les citoyens, d’origine ou naturalisés, et assurer l’égale représentation des femmes et des hommes dans les instances de décision. L’organisation valorise un modèle de développement respectueux de l’environnement et des savoir-faire traditionnels, refusant l’ultra-modernisme destructeur au profit d’une économie enracinée dans les pratiques locales et durables.
Cette Constitution proposerait également de réhabiliter le rôle historique d’Haïti dans l’émancipation des peuples opprimés, renouant ainsi avec l’héritage révolutionnaire et anticolonial du pays. Enfin, elle entend défendre et promouvoir la culture et les traditions haïtiennes comme socle identitaire inaliénable.
Mais le GAFE reste lucide sur les conditions d’une telle transformation. Il souligne que « l’écriture inclusive d’une telle Constitution environnementale ne peut se faire que dans un contexte propice, serein, où les règles constitutionnelles sont applicables ». Or, ajoute-t-il, ces conditions ne sont actuellement aucunement réunies dans le pays.
L’appel lancé par le GAFE vise à rejeter l’avant-projet de Constitution, tout en amorçant un chantier collectif pour repenser la République depuis les territoires, avec les peuples, et pour la nature. Loin d’un rejet stérile, c’est une proposition de société, une vision d’avenir que trace le GAFE.
« La République haïtienne de demain doit se reconstruire non autour de la seule conquête du pouvoir, mais autour de la défense de la vie, de la justice et des biens communs », conclut-il.
Marie-Alla Clerville