Les groupes armés étendent leur domination sur Port-au-Prince. Ce, avec la complicité des dirigeants qui ont pris le plaisir de voir grandir ce fléau comme la mauvaise herbe dans le jardin de son voisin. Ils se contentent de déplacer les institutions publiques pour les loger ailleurs, ce qui pousse les affaires privées à abandonner aussi.
Aujourd’hui, les bandits ne se limitent pas uniquement à ceinturer la capitale. Ils en prennent possession presque totalement. Les autorités fuient l’insécurité comme le commun des mortels. Les rares écoles et centres universitaires qui tentaient de résister dans les zones qui n’avaient pas encore été soumises ont dû faire profil bas. Port-au-Prince présente désormais le visage d’une ville morte.
Dans la foulée, ceux qui sont payés pour diriger, se murent dans le silence. Ils se cachent derrière des promesses farfelues. Ils se comportent comme des gérants irresponsables. Ce qui est en train d’arriver à ce pays est une suite logique de la conception haïtienne du pouvoir. De la gestion catastrophique des représentants du peuple.
Ce ne devrait pas une surprise pour personne quand on a soigneusement bercé l’impunité. Quand on a accepté que l’institution policière soit devenue un outil politique au service d’un clan. Quand pour installer un gouvernement, il a fallu le mot de la communauté internationale. L’actuel Exécutif et son prédécesseur en sont des preuves vivantes de cette conception.
Parlant de cette communauté internationale, son attitude vis-à-vis du pays ne cesse d’être l’objet de critiques. Elle se comporte en donneur de leçon, médiatrice incompétente et statisticienne des représailles des groupes armés en Haïti. Durant, particulièrement les trois dernières années, elle ne fait qu’observer la descente aux enfers du pays. Elle se décerne un satisfecit dans la réalisation de rapports et de bilans des actions des gangs à tout bout de champ. Les structures de l’ONU excellent dans les décomptes des personnes maltraitées, blessées, tuées, violées par les gangs. Des enfants victimes, des familles déplacées, des écoles dysfonctionnelles et le nombre de personnes risquant la famine à cause de la violence des civils armés. Côté proposition et engagement, rien de conséquent.
Au niveau politique, les lignes ne bougent pas. La Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité qui arrive au compte-goutte peine à répondre. Les objectifs qu’elle s’était fixés ne sont pas atteints. Jusqu’ici, c’est le plus médiocre des appuis armés qui sont venus en Haïti.
On planifie des rencontres par-ci par-là. À longueur de journée, des délégations officielles quittent le pays. Pour quel résultat ? À l’interne comme à l’externe, les acteurs tergiversent. Il est temps que la communauté internationale fasse également son bilan en ce qui a trait à Haïti. On ne s’est pas mis tout seul dans le pétrin. C’est à nous tous (Haïtiens, pays amis, l’ONU, l’OEA, Core Group et CARICOM) de constater notre échec. Compter après chaque déplacement massif de la population ne mérite pas en soi de la critique. Énumérer le nombre de morts, de blessés ou autres après chaque incendie et/ou envahissement d’une zone par les gangs n’est pas non plus sans importance. Et après ? Quel suivi ? Est-ce à cela que l’entraide entre membres de communauté se résume ?
Daniel SÉVÈRE
danielsevere1984@gamil.com