De 1990 à aujourd’hui, on a presque eu autant de gouvernements intérimaires que de pouvoirs élus. La dernière en date aura dans moins de 12 jours, quatre ans. Elle change de forme. Elle change de personnalités, mais continue d’exister comme si c’était la forme de gouvernance normale préconisée par la Constitution haïtienne.
Cette dernière, très particulière, risque de s’étendre au-delà de cinq ans, la durée du mandat prévu par la loi mère pour un Président issu des urnes. Les acteurs politiques qui devaient être, avant tout, le gardien du processus de passation démocratique du pouvoir, continuent de torpiller le principe. Ils préfèrent, pour des raisons multiples et inavouées, prendre des raccourcis en négociant pour la prolongation d’un pouvoir inconstitutionnel qui échappe à tout contrôle. Ils misent plutôt sur la transition et font croire à tous que c’est incontournable pour revenir à la normale.
Les démocrates qui ont jubilé de la fin du règne dictatorial et de l’adoption de la démocratie semblent ne l’être plus. Ils n’ont pas réellement cru dans ce régime politique, mais l’ont encensé parce qu’ils voient dans ce nouveau-né une opportunité d’arrivée au pouvoir un jour.
En trente-cinq ans, on ne voit que des politiciens protestataires. Récalcitrants. Des tonneaux vides qui résonnent dans la presse. On ne voit que des opportunistes qui créent des partis politiques non structurés et qui n’existent que dans leurs poches. Des leaders sans programmes dont leur popularité ne se limite qu’aux studios des médias. Ils croient plus fermement dans des réunions en chambre d’hôtel qu’aux élections (basique de la démocratie). Conséquences, le pays est plongé dans le chaos total. Ils ont légué la légitimité populaire à l’OEA et la communauté internationale globalement.
Les démocrates, en apparence, changent de partis politiques comme leurs chemises. Ils ne se battent que pour renverser le pouvoir au lieu de se préparer à le révoquer à travers les urnes. Ces mauvais perdants appellent sans cesse à la cohabitation (gouvernement de salut public). Ils ne font pas les efforts nécessaires, mais se croient héritiers légitimes des gagnants.
C’est aussi là que commence notre cycle infernal. Nos leaders ne sont pas honnêtes. Ils veulent avoir le droit là où ils ne l’ont pas. Ils crient toujours au scandale pendant qu’ils effectuent les mêmes pratiques. Au final, c’est le plus mafieux qui remporte la palme.
À présent, cette attitude de pleurnicher à tout bout de champ apporte son fruit. Les gouvernements par scrutins de liste se succèdent. Les mauvaises combines pour garder ou intégrer le pouvoir nous conduisent jusqu’à cette situation de grand banditisme. Malgré cela, les profiteurs sont à la file indienne, attendant que l’OEA et la Caricom fassent leur désignation. Quant aux élections, ça peut attendre. C’est le moment pour chacun à son tour. C’est la récréation, personne ne veut que la cloche sonne pour retourner au travail. Quelle douce aubaine est la transition politique en Haïti ? L’administration de la nation leur importe peu. L’idéal, c’est d’obtenir sa part du gâteau et de faire figurer dans leur CV le fait d’avoir été un jour Ministre ou Président du pays. Quant au reste, l’histoire peut dire ce qu’elle veut.
Daniel Sévère
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