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Les étudiants face à la crise économique en Haïti

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La crise économique est aiguë en Haïti. Entre une hyperinflation et une insécurité alimentaire grave qui touche près de la moitié de la population, l’exode semble être pour beaucoup l’unique échappatoire, à la recherche d’un « Eldorado ». Des étudiants en parlent.

En Haïti, le choix de l’émigration est devenu une option en vogue depuis quelques décennies. Après les premières vagues migratoires des années 1960 et 1970 sous la dictature, la détérioration des conditions de vie en Haïti a poussé nombre d’Haïtiens vers l’exil, et parfois au péril de leur vie. Aujourd’hui, les plus jeunes ne voient plus leur avenir dans le pays, et pour certains, ceci est loin d’être annonciateur d’un meilleur lendemain.

Une catégorie dans la société semble être très affectée par la crise économique actuelle, mais elle a rarement pris la parole ces dernières années : ce sont les étudiants. Entre le coût du transport et la cantine, la galère semble être bien réelle pour eux. Par ailleurs, bon nombre de jeunes préfèrent partir étudier ailleurs. En 2019, selon les données publiées par « Campus France », plus de 11 300 étudiants haïtiens sont partis étudier à l’étranger, dont 11% en France et 9% aux États-Unis d’Amérique.

Pour Shedson Philéas qui vient de boucler ses études en relations internationales à Port-au-Prince, les conditions sont très difficiles  si l’on veut étudier dans le pays, et les points d’impact sont multiples.  « L’un des plus grands impacts qu’a la crise économique sur les étudiants est le chômage. Il n’y a pratiquement pas d’emplois pour les étudiants. Toute la charge économique se retrouve sur les épaules des parents qui, eux-mêmes, affrontent chaque jour la crise.  Livres, ordinateurs, service internet et autres outils didactiques, tout cela revient cher ; les étudiants voient le coût de leurs besoins grimper quotidiennement. En plus, la question de la cantine est fondamentale pour un étudiant, or, elle tend depuis quelques temps à devenir un luxe », explique-t-il lors d’une interview accordée au journal.

Sur ces quatre dernières années, l’inflation des prix du transport a été astronomique. Passant de 30 gourdes en 2018 à 75 gourdes en 2022,  le coût a complètement  augmenté en moins de quatre ans. Pour Shedson, l’impact est réel et est ressenti par tous les étudiants. « Le transport, dit-il, semble être l’un des pires aspects de la crise sur les étudiants. Les prix du service sont régulièrement réajustés à la hausse. Cela augmente considérablement les dépenses journalières tandis que les sources de revenus se raréfient ». Selon lui, « ce contexte devrait déjà interpeller la communauté universitaire à agir collectivement à travers de réseaux bien organisés ». Pour lui, l’université est le centre de production du savoir par excellence, elle devrait pouvoir mieux défendre sa cause et proposer des solutions.

C’est aussi ce que semble penser Gama Mathurin, étudiant en Sciences économiques à l’Université d’État d’Haïti (UEH). « Ici, souligne-t-il,  le rôle de l’université est d’étudier les racines de nos maux, d’analyser et de comprendre la crise et la manière dont elle doit être abordée, pour ensuite apporter des éléments de solutions ». Mais pour lui, un changement réel de cette situation doit passer, au-delà des mesures économiques, par un regain du sentiment d’appartenance au pays.

« À chaque jour qui passe, la situation économique s’aggrave un peu plus pour les familles haïtiennes. Cette situation les rend moralement vulnérables et le sentiment d’appartenance à la société s’amoindrit parce qu’elles aimeraient pouvoir prendre soin d’elles-mêmes, avoir la possibilité de mener une vie décente et bien des fois, la seule lueur d’espoir semble se présenter de l’autre côté des frontières du pays », dit-il. « Solutionner cette crise n’est point une simple affaire. Afin de parvenir à un renversement de situation, l’Haïtien devra réapprendre à s’aimer, à aimer l’autre. Ce travail revêt une dimension sociale hors du commun ».

Pour Dylann, étudiant en Droit, c’est le problème de l’insécurité qui doit d’abord être traité. Aucun progrès économique n’est possible si la peur devient individuelle et collective. Mais après, le pays devrait se doter d’une autosuffisance alimentaire, et créer de la richesse. Nous ne pouvons plus poursuivre avec cette politique d’importation alors que nos moyens sont aussi maigres », estime-t-il.

 Cette situation a un impact très négatif sur lui, et il ne pense pas être le seul. « Cette situation me met mal à l’aise, le fait de ne pas pouvoir mettre en pratique ce pour quoi je suis formé est dérangeant. C’est peut-être cette même raison qui est à la base du fait que la tendance va vers le « sauve qui peut » dans le pays ».

La crise économique sévit maintenant depuis de nombreuses décennies dans le pays. Beaucoup de discours ont été prononcés, beaucoup de promesses ont été faites, les grandes conférences se sont multipliées au fil des années. Cependant, à quand une réelle transformation ?

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@cloveskypierre

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