« L’homme propose, Dieu dispose, la femme indispose » ou la ministre qui fait grincer des dents les macaques
4 min readCette boutade en titre provient d’un sketch de notre Languichatte national. Qu’un hommage lui soit rendu. Cette formule, presque magique, avait pour objet de nous soutirer un sourire. Aujourd’hui, dans la diplomatie haïtienne, sous la férule de madame Dominique Dupuis, nouvelle titulaire des affaires étrangères, elle fait craquer les mâchoires et enlève le sommeil.
Disons qu’il était temps. Nous étions, en diaspora, les dindons de la farce. Nous en avions soupé de cette institution qui représente Haïti dans les arcanes de la diplomatie mondiale. À chaque quinzaine, des histoires rocambolesques et de toutes les nuances venaient assombrir le décor et servaient de toile de fond dans la rigolade des membres de cette confrérie, toutes nationalités confondues. Le geste de la ministre arrive à point nommé comme un peu de baume sur le feu ardent de la honte.
Le vol, le trafic de drogue, la concussion, le viol, la prostitution, les rackets, les faux diplômes, les sinécuristes, les fils à papa, les cancres, le blanchiment d’argent, la surpopulation dans les bureaux, la vente de passeport aux étrangers, la multiplication des idiots inutiles, tout était réuni pour un cocktail dégoûtant et dégoulinant, loin des yeux d’Haïti.
Certains de nos diplomates, considérés comme persona non grata, sont expulsés des pays tiers pour escroqueries. Des détournements de caisse ont été enregistrés. Quelques rares et surprenants rappels de menus fretins, ou de petits larrons sans envergure ont été effectués par Haïti avec fracas, pour la galerie.
Du népotisme à plein nez, sans limites : épouse, enfants, maîtresses et alliés d’un seul homme de pouvoir peuvent se retrouver sur la liste de paie d’une même ambassade ou consulat. Sans surprise, l’internet, de temps à autre, laisse remonter à la surface, comme un refoulement d’égout nauséabond, toute une traînée d’indélicatesses de nos émissaires à l’étranger.
Lorsqu’un de nos représentants à Washington1 a été accusé de vente de passeports, j’avais aussi souligné dans un article que notre pays l’avait échappé belle. Car, Ben Laden, Pablo Escobar et compagnie auraient pu brandir leur sauf-conduit haïtien.
Néanmoins, cette indisposition subite des barons de la politique a créé bien des inimitiés à la ministre. Certains ex-parlementaires, certains anciens cadres ou directeurs voient rouge. Ils se sentent offusqués et dépassés. Leurs femmes et leurs enfants, qui se la coulent douce en terre étrangère, recevaient leur allocation des ambassades dont on doit alléger la liste trop lourde de sinécuristes. Qu’est-ce qui a piqué la folle de l’UNESCO, fut la question rageuse le plus souvent entendue à propos de la nouvelle trouble-fête.
Les voyageurs se plaignent et se sentent pris à la gorge quand ils doivent obtenir leur passeport ou d’autres documents légaux, malgré des déboursés dix ou vingt fois plus élevés que le prix officiel fixé. Certains pensaient même attirer les regards de la police de leur pays d’adoption sur ces malhonnêtetés mais, hélas, l’immunité diplomatique protège ces « bandi legal ». Rien à faire! Toutefois, un consul d’Haïti avait été traîné dans la boue à Montréal dans une affaire de cirque (La Tohu)1. Quel fut le résultat à l’époque ? Il a été muté ailleurs comme si de rien n’était, et la tradition continua.
Au cours des mois écoulés, l’ex-ambassadeur d’Haïti en France, (destitué il y a deux semaines), sentant le souffle chaud du changement sur sa nuque, avait réuni ses invités préférés pour accoucher d’une ineptie, qui fit rigoler même les rats dans les égouts de Paris. « En 2049, soutenait-il, Haïti va monter une exposition universelle en plein Port-au-Prince, comme l’avait réalisée le président Estimé en 1949 ». J’ignore la date de la réception de sa lettre de révocation, mais je pense que, dans les 24 heures de sa prestation, il a été dégommé par la ministre. L’homme propose… Madame indispose. Et Languichatte devrait rire deux fois dans sa tombe.
En fait, en ces temps de trouble et d’incertitude, l’ex-ambassadeur avait l’insigne honneur de se la fermer. La nation râle sous les affres d’une crise agaçante. Le peuple pleure. Il meurt de faim et d’inquiétude. Port-au-Prince, la capitale, a l’air d’une écurie. C’est la fuite sans sommation. Tous ceux qui le peuvent se sont procuré un billet pour un ailleurs. Mais notre diplomate était en outre dans les nuages. Il ne peut pondre un projet pour le présent, mais se penche sur les 25 années à venir. Haïti sera-t-elle encore dans le décor? Plusieurs en doutent, sauf notre excellence.
Mais qu’est-ce qui a motivé Mme Dupuis à mettre de l’ordre dans les écuries d’Augias? Elle a fait fi de la formule mafieuse du « Grate do m, m a grate do w ». Elle était à l’UNESCO, donc loin de la gargote démocratique. N’étant pas du sérail, elle n’avait pas encore de parrain à graisser. Par conséquent, il lui paraît convenable de faire table rase en flanquant à la porte les « grands mangeurs patentés » et leurs associés indélicats.
Depuis sa nomination, une fausse migraine indispose les malfrats. La diaspora peut pousser un ouf de soulagement. Elle en a marre de raser les murs, tant la gêne est omniprésente. Il était plus que temps!
Max Dorismond
NB : (note-1) – Toutes ces informations en rapport à ces gabegies se trouvent sur Google. En un clic, vous saurez tout pour comprendre la gêne des concitoyens de la diaspora.