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le programme humanitaire de Joe Biden

Nous sommes en Janvier. Déjà loin derrière nous ces longues soirées de festoiement dans les quartiers, les bars et les clubs où nous célébrions Noël par grande effusion d’éthanol et de décibels. C’est à se demander si au fil des ans cette fête ne s’était pas plutôt travestie en Carnaval de Décembre ; à force que l’exhibition des parures, toilettes, et neuves coiffures avait supplanté le mythique revêtement du sapin en famille ; à force que le cliquetis des grandes flûtes et le carnage des baffles avaient éclipsé le doux pincement mélodieux des guirlandes de cet arbre jadis symbolique… Après tout, serait-ce un péché ? Au cours de l’année nous avions été contraints à tant de vicissitudes, autant conjoncturelles qu’émotionnelles, que nous ne saurions apppliquer la modestie lorsqu’enfin se présente à nous ce petit échappatoire. Nous en jouissons bien vite et traversons la rive vers une nouvelle ère tout en espérant que celle-ci sera plus riche en rebondissements escomptés qu’en soubresauts alarmants.

C’est ainsi qu’en cette date du 5 janvier 2023, dans un amalgame d’euphorie, de consternation et de doute, nous nous sommes vu bénéficiaires du Programme de Libération Conditionnelle Humanitaire permettant à des ressortissants bien spécifiques de demander l’accès pour s’envoler vers La Bannière Étoilée – pour un séjour temporaire, a-t-on dit. Le “Programme Biden”, ainsi communément dénommé, s’était révélé de très tôt être l’aube panachée qu’on attendait, le “rebondissement escompté” par des milliers d’âmes arborant un esprit de lièvre dans la carcasse d’une tortue. Un vent d’espoir qui s’était pas mal heurté à d’imposants gratte-ciel, tant du côté haïtien que de celui américain. Mais qu’auraient pu ces quelques piètres manœuvres xénophobes contre un peuple ayant été si longtemps, dans son propre pays, étranger et pèlerin ? Ainsi nous avions assisté à l’exode de ces milliers de compatriots, la tête saturée de l’écho des cartouches et noyée dans l’incertain du lendemain. Nombreuses furent ces familles qui, après des années de rupture, se sont enfin retrouvées. Nombreux furent de ces jeunes qui, après des années de bac acquis et de plates-bandes piétinées, ont pu enfin voir s’ouvrir au-devant d’eux la voie de l’entreprise et de l’autonomie. Un événement salvateur, sans précédent, qui, depuis, allait dominer les premières pages de tout périodique à tel point que la Structure Médcriture-UNDH a jugé bon d’évoquer le phénomène à travers la Grande Finale de la 5e éditon de son Concours de texte – finale qui s’était tenue le Samedi 14 décembre 2024 aux locaux de l’Université Notre Dame d’Haïti. Avec le thème “Biden, salut des haïtiens”, les dix finalistes étaient appelés à s’exprimer, soit en français ou en créole, sur ce sujet inédit qui, depuis belle lurette, faisaient partie intégrante du quotidien haïtien.

C’est Giovanni Zoff qui l’a remporté haut la main. Avec son texte titré “FAS SÒL”, ce jeune originaire des Cayes a invité le public à endosser l’habit des exilés pour en juger dans la peau d’un kidnappé ; d’une victime de viol collectif, de balles égarées ; dans la peau d’une mère qui regarde sur l’asphalte s’étaler ce petit corps qu’elle savait bercer autrefois ; dans la peau d’une mère qui aurait quand même aimé voir le corps du sien et l’inhumer dignement ; dans la peau de ce contribuable depuis si longtemps propriétaire et à présent qui s’enfuit vers l’indécis en jettant à la hâte des yeux effarés aux colonnes de feu s’émanant de son toit pillé et incendié… C’est ainsi que Zoff l’a résumé dans cette strophe :

« M Pa t vle presipite, nan Pat la M ret PATiSiPE

Men pou pen fèt yo fè mwen FOU ; se nan kay mwen yo MET DiFE

Papye ti rat pa T tchak tchak pèdi nan PATi KiTE

Matisan, Solino, Kafou fèy, Nazon ak SA m PA SiTE »

Un clin d’œil spécial, dans cette dernière rime, aux sinistrés de ces territoires perdus qui attendant encore de pouvoir regagner leurs maisons, sinon l’emplacement.

Dans son texte en vers, ce jeune étudiant de la médecine n’a pas omis d’évoquer le secteur estudiantin qui, malgré l’hostilité  du climat, son inaptitude à la formation, a fait preuve de résilience et croit encore dans l’éducation et dans l’assurance qu’elle devrait procurer – quand bien même – lorsqu’enfin sera bouclée la boucle :

« Sosyete m mande m 10plòm, M ba Li 11 JiSKA 12

Pa gen Pikwa ni Traktè pou sa M te chwazi Skwòb ak BLOUZ »

Si la première partie du texte mettait en exergue les différents maux politico-sociaux qui lacéraient les couches les plus démunies, dans la deuxième, quant à elle, le Grand gagnant a manifesté son désir, ou du moins, celui de toute une génération, de partir vers d’autres cieux pour retenter leur chance :

« E fwa sa m p ap pran l ALANAJ, m vle gade m k ap pran ANVÒL

Fini tout ti SABOTAJ, m vle leve yon bon men SÒL »

Déjà qu’entre les jeunes d’ailleurs et ceux d’ici s’est creusé un infernal abysse en ce qui a trait aux opportunités et au train de vie :

« Ti blan avè m ki nan MENM LAJ jamè p ap pran menm kout ZEPÒL

Si youn rate BALON DÒ, mwen m rate Balon DO-RE-Mi-FA-SÒL »

Et par-dessus tout, il n’y a pas moyen d’élever son enfant dans ce chaos crescendo ni de le soumettre à l’asphyxie d’un feu auquel son père n’avait pas pris part :

« M vle plante bon grenn ; isit m p ap fè BAYAWONN

M pa T gen laj pou VÒT, Li p ap erite FARAWON (tèt kale)

4 koulè kotidyen m pitit mwen P AP KA KONN :

Jounen NWA, Nwit BLANCH, Limyè WOUJ, ak Bal MAWON »

L’étudiant de l’Université Quisqueya a expliqué : « Avec mon texte, j’ai dépeint à ma manière la réalité macabre à laquelle s’est vu soumise une jeunesse aux abois et qui, malgré tout, a toutes les bonnes raisons de considérer “Le Programme Biden” comme son Sauveur, sa porte de sortie… » Le gagnant qui est aussi Rédacteur en chef de GAEDH (Groupe d’Appui aux Enfants Démunis d’Haïti) a précisé que sa prestation avait été à la mémoire de Marc-Daniel Cuvier (Asap Fresh) disparu tragiquement le 3 Novembre 2023. « C’était ma façon à moi de lui rendre homage et de pleurer sa mort… » La prestation en question avait été en partie réalisée avec le finaliste allongé sur le bicolore haïtien, la face tournée contre le sol, fidèle au titre de son texte mythique. Rappelons que la Structure Médcriture-UNDH est régie par un comité de jeunes hommes et femmes, étudiants et anciens étudiants de la dite université. Les trois gagnants de cette 5e édition du concours ont été ainsi répartis :

Giovanni Zoff – UNIQ

Thalia Jérôme – UNDH

Berlineda Duma – UNIFA.

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