À La Havane, loin des promesses de l’État haïtien, Jocelyn Justin, l’un des journalistes victimes lors de l’attaque du 24 décembre 2024 à l’Hôpital Universitaire d’État d’Haïti (HUEH), est encore en attente de son intervention chirurgicale. Atteint d’un projectile à la mâchoire, le journaliste a été pris en charge par le gouvernement, qui l’avait transféré à Cuba pour son opération.
Quand l’attaque a eu lieu à l’HUEH, plusieurs journalistes ont été victimes, dont deux ont été tués et sept grièvement blessés, et parmi eux se trouvait Jocelyn Justin, atteint à la mâchoire. Conscient de la gravité de son cas, le gouvernement haïtien avait organisé son transfert médical à Cuba. Le ministère de la Santé avait officiellement pris l’engagement de couvrir son logement, son alimentation, ses médicaments, jusqu’à l’opération maxillo-faciale prévue pour juillet 2025. Mais plusieurs mois après, la situation n’a pas évolué comme annoncé.
Selon SOS Journalistes, l’organisation haïtienne de défense de la presse, Jocelyn Justin ne bénéficie plus d’aucun soutien tangible sur le sol cubain. Il n’a pas subi l’opération prévue, souffre de saignements buccaux et, « lorsqu’il ouvrait la bouche pour essayer de parler, elle dégageait une odeur nauséabonde et insupportable », d’après un communiqué de l’organisation signé en août 2025.
Le secrétariat général de SOS Journalistes, Guyler C. Delva, en mai 2025, a dénoncé un « abandon révoltant » du journaliste Jocelyn Justin par l’État. « Le travailleur de la presse ne reçoit aucun appui et se trouve sans ressources pour se loger, se nourrir ou acheter ses médicaments », avait alerté M. Delva.
Dans un entretien avec LatAm Journalism Review en juin 2025, M. Justin avait décrit son quotidien : « Je ne mange plus bien, ça commence à affecter ma santé », disait-il. Il ajoutait : « Le gouvernement se moque de moi. Jusqu’à présent, rien ne s’est amélioré ici. Je suis totalement sans le sou depuis le 15 mai. » Il relatait aussi que le ministère de la Santé avait réaffirmé sa promesse en mai, mais que ce soutien n’avait jamais été versé.
Lors d’une réunion entre SOS Journalistes et le Conseil présidentiel de transition (CPT), le 26 mai 2025, M. Delva affirmait que le CPT s’était engagé à débloquer les fonds pour le logement, la nourriture et les soins « immédiatement ». Lors de cette rencontre, il aurait discuté directement avec le président du CPT, Fritz Alphonse Jean, qui aurait promis de faire avancer le dossier.
À ce jour, plus de huit mois après l’attaque, le journaliste n’a pas subi l’opération annoncée, et les soins courants restent à sa charge. Dans son dernier communiqué de presse du 24 septembre 2025, le secrétaire de SOS Journalistes critique avec véhémence les autorités haïtiennes pour leur mépris envers le journaliste. « Les responsables de l’exécutif au pouvoir en Haïti, toute honte bue, ont choisi de mépriser et d’abandonner le journaliste Jocelyn Justin qu’ils ont eux-mêmes pris sur leur responsabilité de transporter à Cuba, un geste qualifié par plus d’un de louable », a déclaré M. Delva.
Par ailleurs, M. Delva a affirmé que Justin « est abandonné sans nourriture, sans médicaments », tout en soulignant qu’il a aussi des problèmes de logement. Ainsi, il critiquait le comportement des autorités, qu’il a qualifié d’une « cruauté abjecte, indicible et machiavélique ».
Plus de huit mois après l’attaque, le sort de Jocelyn Justin reste suspendu. Cette situation illustre le non-intérêt manifeste des autorités haïtiennes envers la souffrance des citoyens haïtiens. Souvent victimes, les journalistes restent une catégorie de la population qui ne cessent de subir les méfaits d’une gouvernance insouciante.
Marie-Alla Clerville
