La crise sécuritaire persistante en Haïti continue de faire des ravages dans le secteur de l’éducation. Dans un rapport préliminaire publié le 10 juin 2025, le Fonds National de l’Education (FNE) dresse un constat alarmant sur les conséquences de l’insécurité pour les élèves, leurs familles et les établissements scolaires.
Les chiffres recueillis dans sept départements du pays révèlent une situation critique : parmi les 6 244 familles déplacées qui ont été interrogées, celles-ci ont en charge un total de 16 604 enfants. Parmi eux, 5 233 sont actuellement déscolarisés, soit un taux de 38,41 % des enfants en âge scolaire.
Un système éducatif sous pression
Selon le FNE, la fermeture de plus de 900 écoles dans les départements de l’Artibonite et de l’Ouest depuis 2023, en raison des violences armées, a plongé des milliers d’enfants dans l’incertitude. Faute de sécurité, 187 écoles ont été contraintes de se relocaliser, souvent dans des conditions précaires, parfois sans locaux adaptés ni équipements de base.
Le rapport précise que près de 93 % des écoles interrogées ne bénéficient d’aucune subvention et plus de 80 % sont privées de cantine scolaire, aggravant la vulnérabilité des enfants déplacés. Pour de nombreux parents, envoyer un enfant à l’école dans ces conditions devient un luxe inaccessible.
Les familles face à la précarité
Le poids de l’insécurité ne se limite pas aux écoles. Il frappe de plein fouet les familles. Plus de 94 % des ménages interrogés déclarent avoir perdu leur principale source de revenus à la suite du déplacement forcé. En conséquence, 91 % d’entre eux affirment ne plus avoir les moyens de payer les frais de scolarité de leurs enfants.
Cette détresse économique se double d’un endettement massif : plus de 89 % des familles recensées sont actuellement en situation de dette, signe d’un recours désespéré à des solutions de survie.
Pire encore, près de 98 % des familles déclarent n’avoir reçu aucune aide humanitaire au cours des six derniers mois, tandis que 94,55 % ne bénéficient d’aucun appui scolaire. Ce manque criant de soutien accentue le risque de déscolarisation durable pour des milliers d’enfants.
Un appel à la solidarité
Alors que l’année scolaire s’achève dans une atmosphère d’incertitude, le rapport du FNE lance un cri d’alarme. Sans aide structurelle urgente, des milliers d’enfants risquent de rester durablement en marge du système éducatif haïtien.
Pour éviter une génération sacrifiée, des mesures concrètes sont attendues : subventions aux écoles déplacées, soutien direct aux familles, réhabilitation des établissements fermés, et surtout, un effort collectif pour rétablir un climat sécuritaire propice à l’apprentissage.
Face à l’effondrement silencieux du droit à l’éducation, l’inaction n’est plus une option. Sauver ces milliers d’enfants de la déscolarisation exige des réponses urgentes, concrètes et coordonnées. Garantir l’accès à l’école, même en temps de crise, n’est pas un luxe : c’est une obligation pour construire un avenir viable pour Haïti.
Notons que cette enquête a été réalisée entre le 12 et le 16 mai 2025 et s’inscrit dans le cadre du Projet d’appui aux écoles et familles d’élèves victimes de l’insécurité (PAEF).
Marie-Alla Clerville