La violence des gangs armés crée un climat d’urgence dans le pays et particulièrement dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Au cœur de cette urgence se trouve le phénomène des déplacements internes, dont les chiffres atteignent désormais des sommets alarmants et dont les conséquences se font sentir à travers tout le territoire.
Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), plus d’un million de personnes sont aujourd’hui déplacées à l’intérieur du pays. Ce chiffre est trois fois supérieur à celui de l’année dernière, illustrant une détérioration rapide et massive de la situation. Les attaques armées, comme celles survenues dans la commune de Petite Rivière de l’Artibonite, contraignent des milliers de personnes à la fuite. Récemment, ce sont 16 056 personnes (soit 4 014 ménages) qui ont été forcées de quitter leur foyer suite à ces violences. La directrice générale de l’OIM, Amy Pope, a témoigné avoir rencontré une mère à Port-au-Prince qui avait fui son quartier trois fois en deux mois et vivait sous une bâche avec ses enfants.
Par ailleurs, le déplacement interne a de graves répercussions sur la question du logement, notamment dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Pendant que des milliers de maisons, se trouvant dans des « territoires perdus », sont devenues « fantômes », le prix des loyers dans les rares zones ayant un minimum de sûreté se fait doubler, voire tripler. Les personnes déplacées se plaignent de cette situation. Selon le témoignage rapporté par un déplacé dans un camp à Bois Verna, pour louer une simple chambre aux environs de Pétion-ville, il faudrait débourser au moins 2 000 dollars américains.
Face à ces prix de location inabordables, une famille ayant tout perdu dans les violences n’aura pas les moyens de louer une chambre. « Nous n’avons rien, et le peu qui reste ne suffirait même pas à payer un mois de loyer pour une seule pièce. Nous sommes sans endroit où être en sécurité », déclare un citoyen rencontré dans un autre refuge du même camp.
Les conséquences de ces déplacements massifs ne se limitent pas à la capitale. Si une partie des déplacés trouve refuge dans des sites dédiés, 27% dans 31 sites lors de l’incident de l’Artibonite, la majorité, soit 73%, s’installe auprès de familles d’accueil. Ces familles hôtes, souvent situées dans des zones moins touchées par les violences directes ou dans les provinces, voient leur population augmenter significativement. Cela met une pression considérable sur les systèmes locaux déjà débordés et les infrastructures de base.
En 2025, le budget du Programme Alimentaire Mondiale ( PAM) est estimé à 72,4 millions de dollars au cours des 12 prochains mois et de l’UNICEF à 1,2 million de dollars au cours des six prochains mois pour faire face aux déplacements en cours en Haïti, rapporte le dernier rapport de l’OIM.
Face à cette crise alarmante, la directrice générale de l’OIM, Amy Pope, a lancé un appel pressant à la communauté internationale pour intensifier son soutien à Haïti. Investir dans l’aide humanitaire est essentiel pour sauver des vies, renforcer la résilience et stabiliser les communautés, réduisant ainsi les facteurs qui poussent les gens à fuir, a-t-elle estimé.
Marie-Alla Clerville