12 juillet 2025

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Port-au-Prince est en train d’effondrer sous le regard complice ou impuissant de tous    

D’incendie en incendie, de quartier en quartier, Port-au-Prince dépérit sous les assauts des gangs armés. Hôpitaux, entreprises, institutions publiques, écoles et même monuments historiques : aucun symbole de valeur ne semble épargné par cette vague de destruction qui ravage la capitale haïtienne depuis plus de deux ans.

Port-au-Prince. Une ville qui se vide de ses institutions. Les événements des derniers mois illustrent un processus inquiétant : la capitale haïtienne perd progressivement ses fonctions économiques, politiques et culturelles. Des quartiers entiers comme Bel Air, Martissant, Carrefour-Feuilles et Nazon ne sont plus que des zones sinistrées, où les populations déplacées laissent derrière elles des maisons incendiées, des commerces pillés et des souvenirs réduits en cendres.

Dernier en date, l’incendie de l’Hôtel Oloffson, joyau de l’architecture gingerbread et repère culturel de Port-au-Prince, a marqué un nouveau cap dans la violence. Symbole d’un patrimoine déjà fragilisé, sa disparition illustre le coût humain et matériel de l’insécurité.

Le transfert silencieux vers Pétion-Ville

Face à cette situation, une dynamique de repli s’opère. Ministères, banques, grandes entreprises et même certaines ambassades ont déménagé vers Pétion-Ville, qui devient de facto le nouveau centre économique et administratif du pays.

Autrefois banlieue résidentielle prisée, cette commune perchée en hauteur concentre désormais les rares activités économiques encore fonctionnelles. Cette mutation s’explique autant par la recherche de sécurité que par la nécessité de maintenir une continuité institutionnelle. Mais elle laisse Port-au-Prince exsangue, vidée de sa vitalité et de sa capacité à fonctionner comme une capitale.

Un tissu social en lambeaux

Les conséquences de cette désagrégation vont bien au-delà des bâtiments incendiés. Selon des rapports d’ONG et des observateurs locaux, plus de 200 000 personnes ont été contraintes de fuir leur domicile depuis début 2024. Des milliers d’enfants sont déscolarisés.

L’économie informelle, qui faisait vivre une grande partie de la population, s’est effondrée dans les quartiers populaires sous contrôle des gangs.

Pour les entreprises, rester à Port-au-Prince est devenu un pari suicidaire. La plupart ont fermé leur boutique ou déplacé leur siège, aggravant le chômage et accentuant la dépendance des habitants aux aides humanitaires.

Une capitale en exil ?

Port-au-Prince vit aujourd’hui une double tragédie : la perte physique de ses infrastructures et la perte symbolique de son statut de cœur du pays. Si Pétion-Ville endosse temporairement le rôle de centre névralgique, la fracture entre les zones sécurisées et les zones abandonnées risque d’amplifier les inégalités et d’alimenter une instabilité encore plus grande.

Et après ?

La destruction de Port-au-Prince pose la question de l’avenir politique et économique d’Haïti. Comment reconstruire un État quand la capitale elle-même est devenue un champ de ruines ? Comment rétablir la confiance quand la population vit sous la menace permanente d’un incendie ou d’une rafale d’armes automatiques ?

Sans une réponse ferme et coordonnée de l’État, et sans un soutien massif de la communauté internationale, Port-au-Prince risque de rester une ville fantôme pendant des décennies. Mais pour beaucoup, l’urgence est de protéger ce qui reste : empêcher que Pétion-Ville ne devienne à son tour un théâtre de violence.

Hector Marcoslev

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