Quid de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité ?
3 min readCe 7 novembre, le Ministre de l’Intérieur du Kenya a annoncé que son pays n’enverrait de troupes en Haïti qu’à la condition de recevoir au préalable la somme de 225 millions de dollars promise pour le déploiement de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité. De quoi relancer le débat sur l’épineuse question de l’envoi de troupes pour rétablir la sécurité en Haïti.
Le 7 novembre dernier, devant le Parlement kenyan, le secrétaire au cabinet de l’intérieur kenyan, Kithure Kindiki, a tenu à préciser les conditions de déploiement des policiers kenyans de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité. En effet, sur les 600 millions de dollars promis par l’ONU pour cette force multinationale, le Ministre a conditionné le déploiement des troupes kenyanes à 225 millions de dollars. « Nous avons convenu que les ressources pour cette mission seront organisées et mobilisées parmi les États membres [de l’ONU, ndlr]. À moins que toutes les ressources ne soient mobilisées, nos troupes ne quitteront pas le pays », a déclaré le Ministre devant le Parlement kenyan.
Cette intervention du Ministre kenyan soulève pas mal de questions quant à la motivation du pays de l’est africain de prendre la tête de cette mission multinationale, dans un pays où les relations diplomatiques ont été fraichement établies. Entre raisons pécuniaires et insistance, voire promesses faites par les États-Unis, les spéculations vont bon train. Toujours faut-il rappeler, comme on le dit, que les États n’ont pas d’amis, mais seulement des intérêts.
Mais le motif des autorités kenyanes ne constitue pas le seul hic de ceux qui se questionnent sur le bien-fondé d’une telle mission. En effet, beaucoup de doutes subsistent également quant à la capacité du Kenya de mener à bien cette mission, si l’on tient compte des difficultés que connaît ce pays, notamment sur le plan sécuritaire. En effet, le banditisme et l’insécurité restent des problèmes majeurs dans ce pays qui peine encore à les résoudre. Aussi, face à cela, l’opposant kenyan Ekuru Aukot, intervenant au micro de Jeune Afrique n’a pas caché son scepticisme quant à la capacité de son pays de mater l’insécurité en Haïti, tandis que son pays lui-même n’a pas réussi à s’épargner de ce même fléau.
Devant toutes les questions que soulève le déploiement de la mission multinationale dirigée par le Kenya en Haïti, des voix se lèvent en faveur d’un renforcement de la Police Nationale d’Haïti et des Forces Armées d’Haïti, en lieu et place d’un déploiement de troupes étrangères. En effet, certaines personnes jugent que les 600 millions de dollars annuels alloués au budget du déploiement de ladite mission pourraient être mieux utilisés, notamment dans l’achat de matériels et dans la formation des policiers et militaires haïtiens. Et pourtant, la communauté internationale ne semble pas l’entendre de cette oreille, ni les dirigeants haïtiens d’ailleurs.
Entre-temps, selon l’Ambassadeur du Canada en Haïti François Giroux, interviewé par le plus ancien quotidien haïtien, 42.5 millions de dollars sur les 100 millions de dollars promis par le Canada en soutien à la sécurité en Haïti « sont déjà dépensés dans des infrastructures, des équipements, la formation ». Toutefois, la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader à l’échelle nationale, avec notamment une recrudescence des cas de kidnapping ces dernières semaines.
En parallèle, le Syndicat National des Policiers Haïtiens (SYNAPOHA) a demandé des rapports sur la manière dont ces fonds ont été dépensés. Car selon le Syndicat, rien n’a changé dans les conditions des policiers qui, en plus d’être traités en parents pauvres, n’ont toujours ni équipements, ni infrastructures, ni matériels de travail.
Roobens Isma