20 juillet 2025

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Référendum constitutionnel : un cadre légal posé mais une date toujours en suspens

Alors que le décret référendaire vient d’être publié dans le journal officiel Le Moniteur, le gouvernement haïtien tarde à fixer la date du scrutin. Ce décret, rendu public le 3 juillet 2025, constitue une étape juridique importante dans le processus de révision constitutionnelle. Toutefois, sa mise en œuvre demeure incertaine dans un pays en proie à une insécurité généralisée et à une défiance institutionnelle persistante.

Le décret référendaire définit les conditions générales d’organisation du scrutin. Il encadre l’identification des électeurs (par carte d’identité nationale, passeport valide ou certificat ONI), la configuration des centres de vote et les procédures de dépouillement. Le texte prévoit notamment que chaque section communale devra disposer d’au moins deux centres de vote sécurisés et qu’un registre électoral mis à jour devra être établi au préalable. Le document consacre aussi un chapitre à l’équité dans la campagne, exigeant des médias publics qu’ils garantissent un accès égal à l’antenne pour les partisans du « oui » et ceux du « non ». L’article 16 du décret prévoit que les bulletins de vote doivent être imprimés et livrés trois jours avant la date du scrutin, tandis que l’article 22 interdit toute modification du texte soumis au vote à partir de la publication du décret.

Le Conseil Electoral Provisoire (CEP) est officiellement chargé de superviser l’ensemble du processus : élaboration des listes, encadrement du scrutin, proclamation des résultats et règlement des contestations. Cependant, bien que le décret stipule que le scrutin ne peut avoir lieu avant un délai minimal de 60 jours après sa publication, aucune date officielle n’a encore été communiquée par les autorités.

Une organisation menacée par l’insécurité

La situation sécuritaire actuelle met en péril l’organisation même du référendum. À Port-au-Prince, plusieurs zones comme Martissant, Carrefour-Feuilles, Cité Soleil et Nazon sont sous la coupe de groupes armés. Dans d’autres départements, la circulation est incertaine et les institutions locales affaiblies. Selon des données croisées d’organisations locales et internationales, plus de 300 000 personnes déplacées vivent actuellement dans des conditions précaires, sans accès régulier à des services publics ou aux documents d’identification. Le respect du décret, notamment en ce qui concerne la couverture nationale et la sécurité des centres de vote, s’annonce donc difficile à atteindre sans une stabilisation rapide du territoire.

Une légitimité contestée et des intentions questionnées

Cette initiative intervient dans un contexte politique polarisé, où le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), mis en place en avril 2024, cherche à encadrer une refondation institutionnelle. Toutefois, plusieurs voix de la société civile dénoncent une démarche précipitée et un processus top-down (où l’impulsion vient du sommet de l’État), sans réelle concertation populaire.

D’autres estiment que ce référendum pourrait servir de stratégie de légitimation pour le CPT, en l’absence d’un dialogue inclusif et de garanties de transparence. L’absence d’une Cour constitutionnelle fonctionnelle, l’affaiblissement du CEP et le manque de mécanismes indépendants de surveillance du scrutin accentuent les inquiétudes.

Le référendum comme prélude à de futures élections

Ce décret ne se limite pas à une réforme constitutionnelle. Il s’inscrit dans une perspective plus large : celle de la relance du processus électoral après plus de huit ans sans élections générales. Depuis 2016, aucune consultation populaire n’a permis de renouveler les élus du Parlement, des collectivités ou même de la présidence.

Dans ce sens, le référendum est présenté par les autorités comme une étape préparatoire au retour à l’ordre démocratique. Toutefois, sans conditions de sécurité et de confiance suffisantes, cette transition risque de s’effectuer sans la participation de larges pans de la population.

Hector Marcoslev

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