31 décembre 2025

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Route Odikap-Madeline : une infrastructure oubliée au cœur du développement du Cap-Haïtien

Au Cap-Haïtien, deuxième ville du pays et pôle stratégique du Nord, certaines infrastructures essentielles restent à l’état de promesses. Parmi elles, la route reliant Odikap à Madeline, un axe secondaire en apparence, mais crucial dans les faits. Si elle était aménagée par l’État, cette voie pourrait transformer la mobilité urbaine, dynamiser l’économie locale, faciliter l’accès à l’éducation et au travail, tout en désengorgeant la route nationale numéro 1. Pourtant, depuis des années, ce projet est annoncé, amorcé puis abandonné, laissant les populations concernées dans l’attente et la frustration.

Dans une ville comme le Cap-Haïtien, où la circulation devient chaque jour plus difficile et où la pression démographique ne cesse d’augmenter, la question des routes secondaires est souvent reléguée au second plan. Néanmoins, ce sont ces axes dits « secondaires » qui permettent de fluidifier la mobilité et d’assurer une meilleure répartition des flux de personnes et de marchandises. La route Odikap–Madeline en est l’illustration parfaite.

Cette voie relie une zone stratégique de la périphérie du Cap-Haïtien à Madeline, un espace en pleine croissance, tant sur le plan résidentiel qu’éducatif et économique. Malgré son potentiel évident, elle demeure aujourd’hui dans un état de dégradation avancée, parfois même totalement impraticable, surtout en période de pluie.

Une route à fort potentiel économique

Sur le plan économique, la construction et l’aménagement de la route Odikap–Madeline représenteraient un levier important pour le commerce régional. Madeline est un point de passage vers Ouanaminthe, zone frontalière où s’effectue une part significative des échanges commerciaux entre Haïti et la République dominicaine.

« Si la route était en bon état, le transport des marchandises serait plus rapide et moins coûteux », explique Jean-Robert, commerçant basé au Cap-Haïtien. « Aujourd’hui, nous sommes obligés de passer par la Nationale #1, déjà saturée, ce qui augmente les dépenses en carburant et en temps. »

Une route alternative fonctionnelle permettrait aux commerçants, transporteurs et petits entrepreneurs de contourner les embouteillages chroniques, de réduire l’usure des véhicules et d’améliorer la compétitivité des produits locaux. Elle favoriserait également l’émergence de nouvelles activités économiques le long de cet axe, comme des marchés, des dépôts ou des services de transport.

Un enjeu social majeur pour les travailleurs et les habitants

Au-delà de l’économie, la route Odikap–Madeline revêt une importance sociale considérable. Des centaines de personnes travaillent quotidiennement à Madeline ou dans les zones avoisinantes. Pour elles, l’état actuel de la route est synonyme de retard, de fatigue et parfois même de danger.

« Je travaille à Madeline depuis cinq ans », témoigne Marie-Louise, employée dans une petite entreprise locale. « Quand il pleut, je suis obligée de marcher de longues distances, parce que les motos et les tap-tap refusent de passer. C’est décourageant. »

Une route praticable améliorerait significativement les conditions de vie de ces travailleurs, en réduisant le stress lié aux déplacements et en facilitant l’accès aux services essentiels. Elle renforcerait également la cohésion sociale en rapprochant des quartiers aujourd’hui partiellement isolés.

Un accès facilité à l’éducation pour des milliers d’étudiants

Madeline est aussi un important pôle éducatif. On y retrouve des institutions majeures comme SOS Villages d’Enfants, l’Université Publique du Nord du Cap-Haïtien (UPNCH) et des entités affiliées à l’Université d’État d’Haïti (UEH). Chaque jour, des milliers d’étudiants empruntent des itinéraires longs et pénibles pour se rendre en cours.

« Nous perdons un temps précieux dans les embouteillages ou sur des routes dégradées », affirme David, étudiant à l’UPNCH. « Une route directe et bien aménagée changerait complètement notre quotidien. »

L’amélioration de cet axe contribuerait non seulement à la ponctualité et à la sécurité des étudiants, mais aussi à la valorisation de l’éducation comme moteur du développement régional. Une meilleure accessibilité des institutions universitaires est un investissement à long terme dans le capital humain du pays.

Une solution concrète au blocage de la route nationale #1

La route nationale numéro 1 est aujourd’hui l’un des axes les plus congestionnés du Nord. Véhicules privés, camions, tap-tap, motos, piétons : tout y converge, créant un chaos quotidien. La route Odikap–Madeline pourrait jouer un rôle stratégique de voie de délestage.

Selon un chauffeur de transport en commun interrogé, « si cette route était fonctionnelle, beaucoup de conducteurs l’utiliseraient pour éviter la Nationale #1. Cela réduirait les embouteillages et les accidents. »

Dans un contexte où l’État peine à réguler la circulation urbaine, la création de routes alternatives apparaît comme une solution pragmatique et efficace.

Un projet annoncé sans cesse mais jamais achevé

Malgré son importance reconnue par tous, la route Odikap–Madeline reste prisonnière des promesses politiques. Depuis des années, les autorités annoncent son aménagement. À plusieurs reprises, des travaux ont été entamés : quelques mètres dégagés, un nivellement sommaire, parfois même des engins déployés. Puis, plus rien.

« On a vu des machines venir, travailler pendant quelques jours, puis disparaître », raconte un habitant de la zone. « Depuis, la route est encore pire qu’avant. »

Cette discontinuité dans l’action publique alimente la méfiance des citoyens envers les institutions et freine toute dynamique de développement durable.

Une route pour l’avenir du Cap-Haïtien

La route Odikap–Madeline n’est pas un luxe, mais une nécessité. Elle incarne une vision plus équilibrée du développement urbain, où chaque quartier, chaque zone périphérique, est intégré dans une stratégie globale.

Sa construction aurait des retombées positives sur l’économie, le social, l’éducation, la mobilité et même la sécurité. Elle contribuerait à faire du Cap-Haïtien une ville plus fonctionnelle, plus inclusive et mieux préparée aux défis futurs.

Aujourd’hui, la balle est dans le camp de l’État. Investir dans cette route, c’est investir dans le potentiel humain et économique du Nord. Continuer à l’ignorer, c’est perpétuer l’enclavement, la frustration et le gaspillage d’opportunités.

Comme le résume un leader communautaire de Madeline :

« Cette route, ce n’est pas seulement du béton et de l’asphalte. C’est un espoir pour toute une ville. »

Olry Dubois

Olrydubois@gmail.com

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