19 juillet 2025

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Violence des gangs : le spectre de l’effondrement sécuritaire s’étend de plus en plus au-delà de la région métropolitaine de Port-au-Prince

Un rapport accablant du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) met en lumière l’ampleur de l’expansion territoriale des groupes armés en dehors de la capitale. Le document, corédigé avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, alerte sur une dynamique d’insécurité aux conséquences régionales, avec plus de 1 000 morts recensés entre octobre 2024 et juin 2025 dans les seuls départements du Bas Artibonite et du Centre.

Jusqu’ici concentrée à Port-au-Prince et sa périphérie, la violence liée aux gangs s’est désormais étendue vers le nord et le centre du pays, notamment le long des routes stratégiques reliant Mirebalais, Pont-Sondé ou encore Hinche. Le rapport révèle que des localités entières, autrefois relativement stables, sont aujourd’hui tombées sous l’influence de groupes criminels armés, qui en contrôlent les axes routiers, taxent les populations et affrontent les groupes dits d’autodéfense dans des combats sanglants. La tuerie de masse de Pont Sondé, survenue en octobre 2024 avec plus de 100 morts, a marqué un tournant. Depuis, d’autres massacres ont été documentés, particulièrement à Mirebalais, où près de 100 000 habitants ont fui en début d’année. Cette déstabilisation progressive étend le champ de la crise à l’échelle nationale, menaçant la cohésion sociale et les perspectives de relance institutionnelle.

Un peuple pris entre trois feux

Le rapport du BINUH,publié le 11 juillet 2025, met en évidence la triple vulnérabilité de la population haïtienne : à la violence des gangs, aux exactions des groupes d’autodéfense et aux dérives de certains éléments des forces de sécurité. Des exécutions sommaires ont été signalées, perpétrées tant par des civils armés que par des agents de la PNH. L’expansion du phénomène pose une menace directe aux droits humains fondamentaux : droit à la vie, à la sécurité, à la libre circulation et à l’accès aux services de base. De nombreux témoignages rapportent également des cas de violences sexuelles, d’enlèvements et d’extorsions systémiques dans les zones sous tension.

« Le peuple haïtien est à la merci d’une violence sans fin », a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme. « Entre les gangs, les groupes d’autodéfense incontrôlés et les débordements policiers, les civils sont les premières victimes d’un chaos alimenté par l’impunité ».

Une réponse sécuritaire encore insuffisante

Les autorités haïtiennes, avec le soutien de la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité (MMAS), ont tenté de ralentir l’avancée des gangs à travers le déploiement de brigades spécialisées. Néanmoins, faute de moyens, ces efforts restent insuffisants pour regagner le contrôle des territoires perdus.

Le BINUH appelle à une augmentation des ressources allouées à la PNH, à la création de cellules judiciaires spécialisées dans la lutte contre la corruption et les crimes de masse, et à un soutien international renforcé pour assurer une réponse durable. Le rapport recommande également de maintenir la capacité opérationnelle du BINUH, de renforcer l’embargo sur les armes, et d’accélérer les démarches visant à restaurer l’État de droit.

Un risque de débordement régional

Le document des Nations Unies ne se limite pas à la situation interne d’Haïti. Il met en garde contre les risques de propagation régionale, notamment en lien avec le trafic transfrontalier d’armes et d’êtres humains, en direction de la République dominicaine et d’autres îles de la Caraïbe. L’instabilité haïtienne pourrait devenir un facteur de déstabilisation pour l’ensemble de la sous-région si des mesures urgentes ne sont pas prises.

Hector Marcoslev

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