19e édition du Festival Quatre Chemins: « Une île où on ne parle pas de mer est une île perdue sur terre »!
4 min read« Sou Lanmè », c’est le thème de la dix-neuvième édition du Festival Quatre Chemins. Le rendez-vous artistique annuel est bel et bien lancé du 21 novembre au 3 décembre, malgré toutes les difficultés du pays. La mer haïtienne, un trésor inexploité et complètement ignoré, fait l’objet de cette nouvelle édition. Cette année, Rolando Etienne, dramaturge et metteur en scène haïtien est l’invité spécial du Festival. « Quatre Chemins », ce carrefour où se croisent interrogations et théâtre, invite la mer, cette fortune oubliée, à reprendre sa place!
Qui dit Festival Quatre Chemins dit un grand moment de partage artistique, de création et d’apprentissage. Cette année, le thème retenu « Sou Lanmè » met l’accent sur la richesse de nos littoraux et de nos mers. La dix-neuvième édition du Festival Quatre Chemins veut sensibiliser la conscience des Haïtiens au privilège de vivre sur une île. En faisant appel à la musique, à la danse, à la peinture, à la poésie, au théâtre, « Sou lanmè » révèle les richesses maritimes du pays et en même temps le manque d’exploitation de ces dernières.
Pour l’occasion, environ une soixantaine de spectacles sont au programme. Dès le début du mois de novembre, en amont du festival, une série d’activités culturelles et de rencontres artistiques de théâtre et de poésie ont été organisées pour le plaisir du public. Ainsi, des artistes issus de divers horizons se réunissent autour de l’art pour soulever d’importantes questions. Des conférences regroupant des géologues, des historiens, des anthropologues dans le but de converser autour et de l’importance de la mer dans l’économie et l’organisation de la vie nationale ont permis de mettre en évidence les rapports que les Haïtiens entretiennent avec la mer et le littoral.
« Une île où on ne parle pas de mer est une île perdue sur terre », clame Guy Régis Junior, directeur artistique du Festival Quatre Chemins. Sur quelques vers de Georges Castera, Guy Régis Junior inaugure le festival citoyen et met ces questions sur la table: « Sommes-nous encore une île ? Que devient notre étendue littorale ? Que sont-elles devenues, ces mers, ces eaux qui nous entourent ? Et que seront-elles dans les temps à venir ? Que sont devenus nos îlets ? Y a-t-il toujours une baie à Port-au-Prince ? Si oui, pourquoi la mer y est ignorée ? Y a-t-il une anse à Jérémie ? Un golfe à La Gonâve ? Un port à Jérémie ? Nos mers nourrissent-elles nos pêcheurs ? Nous nourrissent-elles ? Qui sont nos nouveaux pirates ? Qui sont nos nouveaux flibustiers ? Qui gouverne La Navase ? »
Pour poser ces questions, une panoplie de représentations théâtrales est proposée par des comédiens, des dramaturges et des metteurs en scène. La mer revient dans toutes les créations sous divers aspects. La mer pour explorer le phénomène migratoire dans de viles conditions, pour explorer la détérioration des littoraux, des plages, la disparition de la diversité aquatique, des conditions de vie des pêcheurs et des îles adjacentes ignorées. La mer pour comprendre pourquoi sur une île tant de gens meurent de faim. À travers la mer, le festival entend secouer la conscience endormie des Haïtiens qui pensent et croient dur comme fer que le pays n’a point de richesses.
Cette dix-neuvième édition du Festival Quatre Chemins suit son cours malgré les embûches. La programmation est bien remplie. L’invité d’honneur de cette édition, Rolando Etienne, dramaturge et metteur en scène, est le fondateur et directeur artistique de la troupe de théâtre Dram’art. Durant le Festival Quatre Chemins, les projecteurs seront braqués sur ce grand homme de théâtre qui aura à présenter cinq œuvres. La fête annuelle du théâtre en Haïti, c’est cette année du 21 novembre au 3 décembre.
En Haïti, l’agriculture, les ressources naturelles, particulièrement la mer, cette étendue bleutée oubliée des Haïtiens, sont des richesses incomparables. Pourtant, les côtes sont peuplées d’immondices et sont insalubres, le tourisme est actuellement à son point mort et la pêche en Haïti n’est pas assez développée. D’autant plus que les conditions sécuritaires éloignent la population de plus en plus de la mer. Cette année, le Festival Quatre Chemins, un podium solide depuis 19 ans, a l’ambition de ramener l’Haïtien a son identité insulaire, de lui rappeler que la mer n’est pas son ennemie et que beaucoup de richesses se cachent dans les vagues.
Leyla Bath-Schéba Pierre Louis
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