Le 1er juin 2025, Martissant, quartier stratégique de Port-au-Prince, se souvient d’une date sombre : l’assaut meurtrier mené il y a quatre ans par des bandits lourdement armés. Cette attaque a marqué le début d’une série de « territoires perdus », symbolisant la mainmise croissante des gangs sur la capitale haïtienne et ses environs.
Troisième section communale de la ville de Port-au-Prince, située au sud de la capitale, entre Morne l’Hôpital et le bord de mer, Martissant a vécu quatre ans de douleurs et de résistance face aux bandits. Le 1er juin 2021, les groupes armés de Grand-Ravine et de Village-de-Dieu se sont affrontés à celui de Tibwa pour prendre le contrôle du quartier de Martissant. Sans aucune pitié, les bandits se sont acharnés sur la population : ils ont assassiné, pillé, violé et incendié des maisons et des entreprises.
Les habitants de Martissant se sont vus contraints de fuir la zone en catastrophe pour aller se réfugier sur la place publique de Fontamara et au centre sportif de Carrefour. Devant cette situation, les forces de l’ordre ont tenté en vain de réprimer les malfrats. Incapables de résister face à l’assaut des bandits, les policiers du commissariat de Martissant ont dû prendre la fuite et le quartier a été totalement livré aux mains des assaillants.
Après la mise à genoux de Martissant par les bandits armés, d’autres quartiers allaient faire face à la foudre des gangs, qui ont lancé une vaste opération de conquête territoriale afin d’élargir leur zone d’influence. Pour mieux coordonner leurs exactions, augmenter leurs représailles sur la population et prendre le contrôle absolu de la capitale, les gangs armés se sont regroupés sous le nom de G9 et alliés, autour de l’ancien policier Jimmy Chérizier, alias « Barbecue ».
Chaque année, le bilan du nombre de victimes et de déplacés s’alourdit. Pour l’année 2024 : « La violence des gangs a tué au moins 5 601 personnes l’année dernière, soit une augmentation de plus de 1 000 victimes par rapport à l’année 2023, selon les chiffres vérifiés par le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies. 2 212 autres personnes ont été blessées et 1 494 enlevées », peut-on lire dans un article sur le site en français de l’ONU.
En effet, dans un rapport publié le 1ᵉʳ juin 2025, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) dresse un bilan accablant, illustrant l’expansion territoriale des gangs en Haïti et les lourdes conséquences qui en ont découlé pour la sécurité nationale. « 28 territoires perdus ont été recensés, dont 25 dans le département de l’Ouest ; 112 institutions publiques et 622 institutions privées ont été délocalisées, certaines vandalisées et d’autres incendiées ; 1 064 935 personnes déplacées internes (PDI) ont été répertoriées ; 4 716 personnes ont été assassinées… », peut-on lire dans le rapport.
Malgré cette lourde conséquence de la crise sur le pays, les autorités peinent jusqu’à maintenant à trouver une solution pour assurer la survie du peuple haïtien et le retour à un climat sécuritaire. Du Premier ministre Ariel Henry aux 9 conseillers présidentiels, en passant par la présence d’une force multinationale, la situation sécuritaire du pays est au point mort. On ne fait que parler d’une aggravation continuelle de la crise, au malheur de la population.
Aujourd’hui, les gangs contrôlent la majeure partie de la capitale. La misère s’installe. La peur s’infiltre dans tous les foyers. Les bandits étendent leur domination, pendant que l’État paraît dépassé. Face à ce scénario inédit, le pays se cherche. Et les citoyens, depuis trop longtemps dans la file d’attente, espèrent une solution qui tarde à venir, peut-être trop.
Marie-Alla Clerville