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Relations haïtiano-dominicaines : le mur de la discorde se dessine

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Une note émanant du Ministère des Affaires Étrangères et des Cultes a annoncé que le Président de la République Dominicaine, Luis Abinader, a « officiellement informé le Premier Ministre (NDLR : Ariel Henry) du projet du Gouvernement Dominicain de construire un mur électrifié le long de la frontière séparant les deux pays ». En effet, pour le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR), ce mur va encore plus alimenter les sentiments anti-Haïtiens chez certains Dominicains.

Après le « Secure FenceAct », voté par le Congrès Étasunien en 2006, prévoyant la construction d’une barrière frontalière sur une longueur de 1 100 kilomètres entre les États-Unis d’Amérique et les États-Unis Mexicains, la République Dominicaine devient la deuxième nation sur le continent américain à vouloir ériger un mur frontalier. Pour ce faire, le dimanche 20 février 2022, le chef de l’exécutif dominicain a lancé les travaux de construction de cette ceinture qui devrait aboutir à 164 kilomètres de mur électrifié sur les 380 kilomètres de frontière entre les deux pays partageant l’île d’Hispaniola. 

Une mauvaise équation pour de mauvaises solutions

La lutte contre la contrebande, le trafic d’êtres humains, les trafics d’armes et de stupéfiants, telles sont les raisons de cette entreprise d’après cette note officielle du Ministère des Affaires Etrangères et des Cultes. Contacté par la rédaction du journal le Quotidien News, Joseph Mike Lysias, responsable de communication et de plaidoyer pour le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR), croit que d’autres stratégies pourraient être envisagées par le Gouvernement Dominicain, si l’intention est vraiment d’endiguer ces phénomènes mentionnés. « Beaucoup d’autres stratégies pourraient être envisagées et le choix d’ériger un mur physique est une décision politique qui va aux antipodes des réalités sociales dans les communautés frontalières », estime le représentant du GARR.

Toujours selon le responsable de communication et de plaidoyer de cette organisation de défense des droits des migrants, le projet de mur frontalier représente une mauvaise équation si la République Dominicaine souhaite vraiment résoudre les problèmes à la frontière. « Ce n’est pas un mur qui va freiner les trafics d’armes, d’êtres humains ou encore les traversées illégales. Bien que nous ne fassions pas la promotion de la migration irrégulière, il faut bien reconnaître que les gens trouveront quand même un moyen de traverser, peu importe les risques », poursuit-il. 

Le bon voisinage

Selon le représentant du GARR, la décision d’ériger ce mur ne reflète en rien la volonté des populations haïtiennes et dominicaines qui vivent dans les villes frontalières. « Il y a des communautés frontalières où Haïtiens et Dominicains vivent en harmonie. Et pour elles, la frontière physique n’existe pas », rappelle M. Lysias. « Au lieu d’aider à résoudre les problèmes prétextés par le Gouvernement Dominicain, cette décision va tout simplement contribuer à nuire aux relations de bon voisinage entre les deux pays », déclare le responsable. Ce dernier soutient que « le mur signifie éloignement », « une volonté claire de séparation ». M. Lysias a aussi souligné que la frontière doit être un espace d’intégration pour les deux peuples. 

Le responsable de communication au niveau du GARR entend bien admettre que les relations entre les deux pays voisins sont un peu fragiles ces derniers temps, comme l’attestent les déportations massives de centaines de milliers de migrants haïtiens depuis la République Dominicaine sur les cinq dernières années. Toutefois,  Joseph Mike Lysias appelle les deux États à « préserver les acquis ». Selon lui, cette mesure aura pour conséquence d’alimenter les sentiments anti-Haïtiens chez les quelques rares Dominicains qui les partagent. Derrière cette mesure, il voit la main d’une frange des élites politiques et socio-économiques dominicaines. 

Migrations encore plus risquées

L’État haïtien non plus ne serait pas innocent dans cette escalade des tensions entre les deux pays. Si les Haïtiens se retrouvent obligés de migrer de façon irrégulière, c’est bien parce que l’État haïtien n’est pas à la hauteur de sa tâche. « L’État haïtien ne fournit pas à ses citoyens le minimum nécessaire pour vivre dignement. Il n’arrive même pas à fournir à tout le monde les documents d’identité. C’est pour cette raison que la plupart des gens qui traversent la frontière le font dans des conditions très risquées et sans documents de voyage, des fois sans aucun document d’identité, » explique Joseph Mike Lysias.

La construction du mur ne va pas empêcher la traversée, selon le GARR, elle n’aura pour conséquence que l’augmentation des risques lors des traversées. « Le mur sera électrifié. Et nous au GARR, nous craignons que cette mesure ne fasse qu’augmenter les risques, les dangers, pour les migrants haïtiens  et les communautés frontalières. Nous les connaissons ces risques que peuvent prendre les migrants quand ils veulent traverser, bien que nous n’encouragions pas cette pratique », poursuit-il. 

Appel à une solution bilatérale

Le GARR n’a pas l’intention d’entrer dans le débat politique, souligne M. Lysias. Cependant, il tient à rappeler que les deux parties sont concernées, et par conséquent, la solution aux différents problèmes qui surviennent à la frontière doit venir d’une collaboration entre les autorités des deux pays, et non pas de manière unilatérale. « Les deux parties, dit-il,  devront se mettre sur à la table de discussion afin de trouver une solution commune aux problèmes qui surviennent au niveau de la frontière, à travers des stratégies adaptées et à la hauteur des défis ». 

Questionné sur le plan d’action du GARR concernant ce mur, Joseph Mike Lysias précise que le GARR entend continuer à dénoncer sa construction et veillera au respect des droits des migrants et des communautés frontalières. Bien qu’il reconnaisse la souveraineté de la République Dominicaine ainsi que son droit incontestable à gérer son territoire, le GARR invite les deux États à ne pas emprunter le chemin de la discorde.

Clovesky André-Gérald PIERRE

Cloveskypierre1@gmail.com

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