Marie-Thérèse Colimon Hall, un phare dans l’histoire du féminisme haïtien!
5 min readAmante des lettres à l’aurore de sa vie, éprise d’éducation et courageuse militante féministe, Marie-Thérèse Colimon Hall est bien l’une de ces femmes du 20e siècle dont le nom est inscrit en lettres d’or dans l’histoire du féminisme haïtien. Poétesse, dramaturge, romancière et enseignante, elle a su, par son intelligence et ses innombrables talents, apporter sa contribution au développement de la société haïtienne !
Née dans une famille très cultivée, le 11 mars 1918, au cœur de la capitale haïtienne, Marie-Thérèse Colimon est l’aînée d’une famille de six enfants. Ayant grandi avec trois frères et deux sœurs plus jeunes qu’elle, elle a développé très tôt le sens des responsabilités et du devoir. Ses parents, Joseph Colimon et Ana Bayard les ont tous élevés dans le respect des livres et de la littérature.
Après avoir bouclé son cycle de formation académique à l’Etablissement des Demoiselles Dubé, elle s’est orientée vers l’École Normale d’Institutrices de Port-au-Prince. Passionnée dès l’école primaire par l’enseignement, Marie-Thérèse a fait le choix de s’investir dans l’éducation des jeunes Haïtiens. La jeune Port-au-Princienne est, alors, partie étudier à Bruxelles, à Londres, à Hambourg et au Centre de Formation Pédagogique en France où elle s’est concentrée définitivement sur l’éducation préscolaire ; section à laquelle elle consacrera son temps, son énergie et sa carrière.
De retour en Haïti après son long séjour sur le continent européen, la jeune normalienne est venue exercer son métier dans son pays. La charmante et fière professeure de français, de littérature, de dissertation et d’histoire ne se contentait pas d’inculquer à ses élèves uniquement les notions académiques, mais elle prenait le temps de leur fournir une solide éducation civique et morale. Se sentant bien dans sa peau, dans son métier d’institutrice, Marie-Thérèse et sa jeune sœur Raymonde, entretemps devenue Madame Jean Boisson, fondèrent en 1940 le collège Colimon-Boisson, une école primaire et secondaire.
Entre la gestion du collège et ses responsabilités d’enseignante, l’éducatrice accompagnée de Lucienne Leroy fonde le premier Centre de Formation d’Éducation Préscolaire (CFEP). Cette section l’a toujours curieusement intéressée. Elle assurait la codirection et l’administration du CFEP et y dispensait des cours de pédagogie préscolaire et de méthodologie. En 1966, lorsqu’elle s’est séparée de son associée, le CFEP est devenu École Normale de Jardinières d’Enfants (ENJE). Au début, ce n’était pas facile parce que peu de femmes s’intéressaient à cette section. La première promotion d’ENJE, 1966-1968, ne comptait que 5 élèves.
S’impliquant dans le développement de l’éducation préscolaire, elle a fondé la section haïtienne de l’Organisation Mondiale pour l’Éducation Préscolaire (OMEP). Elle a organisé des séminaires, des conférences et a représenté Haïti partout à l’étranger. Marie-Thérèse Colimon a également publié un article très pertinent : « Plaidoyer pour l’école maternelle populaire », dans la revue Conjonction, en 1977. Son empreinte dans le développement de l’école préscolaire en Haïti, fait d’elle la pionnière de l’éducation préscolaire.
Parallèlement à ses devoirs d’éducatrice, Marie-Thérèse s’est investie pleinement dans la lutte féministe en Haïti. En effet, elle était membre active de la Ligue Féminine d’Action Sociale. Dès ses débuts dans l’éducation, elle a toujours montré un certain intérêt pour les jeunes mamans et les jeunes enfants. Ainsi, elle a été l’une des fondatrices du Foyer de la Ligue pour les jeunes filles de la campagne, dans le quartier de Bolosse. Elle a aussi beaucoup œuvré pour la création du Foyer Alice Garoute, foyer accueillant et assurant la formation des jeunes filles et des jeunes mères et du dispensaire Madeleine Sylvain.
Marie-Thérèse a participé en 1950 au congrès national des femmes haïtiennes du 11 avril. Elle a fièrement présenté un essai sur le rôle de la femme dans la société haïtienne : « L’émancipation de la jeune fille ». Mêlant ses talents d’écriture à sa militance, elle a participé à l’écriture de « Femmes haïtiennes », un livre publié par la Ligue Féminine d’Action Sociale dont elle a assuré la présidence de 1960 à 1971.
En dépit de son métier d’éducatrice et de son engagement féministe, Marie-Thérèse trouvait quand même du temps pour s’adonner à la littérature, son premier amour. La lecture et la littérature ont été ses amours de jeunesse, ses passions. Dès l’âge de dix ans, elle publiait une petite revue qu’elle écrivait, illustrait en couleurs et dont elle reliait les pages qu’elle distribuait à ses frères et sœurs et à ses camarades. Plus tard, à l’adolescence, craignant les critiques de son père et par peur de ne pas être une jeune fille « comme il faut », elle a publié ses premiers poèmes, sous le pseudonyme de « Marie Bec », que ses amies n’ont pas tardé à découvrir.
Sa littérature est fortement imprégnée de l’histoire et du quotidien du peuple haïtien. Son unique roman, « Les fils de misère », pour lequel elle a obtenu le prix littéraire France-Haïti, en est la preuve. Sa poésie et ses pièces de théâtre reflètent les souffrances et les déboires du peuple haïtien, à travers le temps. Parmi ses œuvres, on peut citer : « La fille de l’esclave », une pièce patriotique, « Marie-Claire Heureuse », un drame historique et « Mon cahier d’écriture, choix de poèmes ».
Marie-Thérèse Colimon est partie vers l’au-delà, pour cause de maladie, peu après la célébration de son 79e anniversaire. Elle a pleinement vécu chacune de ses passions. Elle a lutté de toutes ses forces pour le développement de l’éducation en Haïti, notamment pour la section préscolaire ; elle a mené la lutte pour le respect des droits des jeunes filles et des jeunes mères, souvent oubliées et marginalisées ; elle a également dépeint la réalité et les misères haïtiennes à travers la délicatesse de sa littérature. Marie-Thérèse Colimon Hall est bien ce phare, cette lumière qui jamais ne s’éteindra !
Leyla Bath-Schéba Pierre Louis
pleyla78@gmail.com
Merci d’avoir publié cet article.
Ca m’a beaucoup aidé.
Geojada ANTOINE