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Dépénalisation de l’avortement en Haïti : une réforme avortée à date?

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Les femmes dans plusieurs pays d’Amérique latine réclament le droit de disposer de leur corps. Certains pays ont déjà pris en compte cette demande ;  Haïti miné par une grave crise institutionnelle tarde encore à poser des actions concrètes.

La santé selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est un état de bien- être total : physique, mental et social. Tout système de santé bien structuré comporte des soins de santé pour tous, qui incluent des services sur la question de l’avortement. L’État doit s’assurer que la personne ait accès à l’information nécessaire sur le sujet, et gérer la prise en charge avant et après l’acte. Tous ces services doivent être accessibles et abordables financièrement. L’avortement devrait être fait dans des conditions sécuritaires avec des personnels de santé bien formés, des outils modernes et adéquats, respectant la durée de la grossesse, et pour couronner le tout, cela devrait être légal. Donc avoir accès à un avortement, selon les recommandations de l’OMS, relève des droits humains.

Des statistiques alarmantes

Selon l’OMS, six (6) grossesses sur dix (10) sont non désirées. En tenant compte de ces statistiques, on pourrait comprendre qu’il existe un manque d’information : des méthodes contraceptives à l’avortement. Toujours dans un rapport publié par l’OMS, 45% des avortements pratiqués sont non sécurisés et 97% de ces derniers ont lieu dans des pays qui n’ont pas une structure sanitaire où l’avortement est fait dans les normes. Ce qui constitue l’une des principales causes des décès maternels dans le monde. Or, c’est le rôle de l’État de mettre en place un système de santé publique solide où la femme aurait des informations et des soins adéquats.

L’Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services (EMMUS-VI) 2016-2017 réalisée en Haïti, a fait remarquer que: « Parmi les femmes de 15-49 ans, 4 % ont déclaré avoir eu recours à l’avortement, au moins une fois, au cours de leur vie ». L’enquête a aussi ajouté, « Parmi les femmes qui ont avorté au moins une fois depuis 2011, l’avortement a eu lieu dans la majorité des cas (66 %) à 2-4 mois de grossesse et, dans 30 % des cas, il s’est déroulé à moins de 2 mois de grossesse ». À en croire l’enquête, « trois quarts (75 %) des femmes ont déclaré avoir pris elles-mêmes la décision » au cours des cinq dernières années précédant l’enquête.

D’un autre côté, le sondage a précisé : « Parmi les femmes qui ont avorté au moins une fois depuis 2011, (53 %) ont avorté dans leur maison ou dans une autre maison » et  « Parmi les femmes qui ont avorté au moins une fois depuis 2011, près de la moitié (48 %) ont bénéficié de l’assistance de personnels de santé ». D’après l’EMMUS-VI,  en Haïti, « le recours à l’avortement est plus fréquent en milieu urbain (7 %) qu’en milieu rural (2 %) ».

Des conséquences graves

En plus des conséquences psychologiques dévastatrices, la liste des conséquences physiques est très longue : hémorragies, infections, perforations de l’utérus, pour ne citer que cela. Suite à ces données, quelles sont les actions entreprises par les gouvernements pour réduire le nombre de cas de décès ?

Des exemples à suivre ?

Plusieurs groupements de femmes en Amérique latine ont manifesté pour obtenir ce qu’ils estiment être leur droit. Des manifestantes du Mexique, Pérou, Salvador, Chili, de la Colombie ont gagné les rues en arborant des foulards verts, symbole même du mouvement. Suite à ces revendications, peu à peu, plusieurs pays ont statué sur la dépénalisation de l’avortement. C’est le cas pour l’Uruguay, Cuba, l’Argentine, la ville de Mexico, trois (3) États mexicains. Tout dernièrement la Colombie s’est ajoutée à cette liste. En effet, la dépénalisation de l’avortement en Colombie, votée le 21 février 2022, est qualifiée d’événement historique.

La tentative de dépénalisation de l’avortement en Haïti est-elle avortée?

L’avortement, sous n’importe quelle forme que ce soit, est  interdit par la législation haïtienne. En effet, l’article 262 du Code pénal stipule : « Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, violence, ou par tout autre moyen, aura procuré l’avortement d’une femme enceinte,  qu’elle y ait consenti ou non, sera puni de la réclusion ». Pourtant,  cela n’empêche pas que des avortements se fassent dans la clandestinité et mettent en danger la vie des femmes qui font ce choix.

Un nouveau projet de Code pénal, publié par décret par le Président défunt, Jovenel Moïse, a abordé la question de l’avortement. Le texte de plus de 1000 articles a pour but de moderniser les lois anciennes, jugées archaïques. En son article 328, le nouveau Code pénal statue clairement : « Il n’y a pas infraction lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste, ou lorsque la santé physique ou mentale de la femme est en danger ».

Le texte ajoute aussi que l’avortement devrait être réalisé par un professionnel, avant douze (12) semaines de grossesse sous peine d’amende et d’emprisonnement. Ce document devait être acheminé au Parlement pour analyse, mais ce dernier est dysfonctionnel, de même que toutes les autres instances de l’exécutif et de l’appareil judiciaire.

Pour l’instant, la dépénalisation de l’avortement est donc mise en sommeil, en même temps que la bonne marche des institutions. Dans un pays où les informations et les moyens de contraception ne sont pas accessibles à la population, n’y a-t-il pas urgence en la demeure ?

Danie Charlestan

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