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Quand Rome répond à l’appel du théâtre

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Rolaphton Mercure, grande figure du théâtre haïtien, frôle le divin à travers l’écriture, la mise en scène et l’interprétation. Évoluant dans le théâtre depuis une quinzaine d’années, Rome de son nom d’artiste, déclare que l’art sera toujours un prétexte pour renforcer le constat et l’indignation, dans ce quart-monde et tout brûler sont constamment à l’ordre du jour.

En plus des chapeaux d’acteur, de cinéaste, de dramaturge, qu’il porte élégamment, Rolaphton Mercure est aussi une véritable bête de scène. Tant dans l’interprétation comme comédien, que dans la mise en scène.  Son interprétation dans la pièce à succès de Marivaux, « Le jeu de l’amour », représentée au Festival des francophonies de Limoges, confirme en effet la virtuosité du comédien. « J’aime le théâtre pour le hasard, la transe, l’instantané, la fulgurance », dit-il dans une interview accordée à notre rédaction.

Au contact de la scène depuis 2008, Rome a eu son premier coup de cœur pour l’art d’Aristophane (dramaturge grec) lors d’une représentation de la pièce « L’élection » d’Alexandre Sutto de Benoit Vitse à l’Institut Français d’Haïti en 2007.

 « Ce fut d’abord un appel, un vestige. Mais au fil des ans, c’est devenu mon métier », affirme le comédien, qui se présente comme un amoureux du jeu. Du théâtre, autrement dit. Selon lui, « la géométrie des corps dans un espace créé est en effet l’une des plus belles prouesses de l’humanité ».Formé par l’influence du cinéma à la fin des années 80, Rome est ébahi par les jeux de lumière, les costumes, le scénario et la facilité des protagonistes à se mettre en place. À cet effet, « je voulais devenir acteur et  réalisateur », révèle la vedette de « Kafou », court-métrage réalisé en 2016 par Bruno Mourral.

Passionné de septième art, Rolaphton Mercure passe deux ans à « Artist Institute » à Jacmel, pour étudier la réalisation et l’écriture, après avoir enchaîné de nombreuses expériences dans le milieu de la scène. Écrire, mettre en scène et interpréter constituent, pour le réalisateur, trois manières de voir et d’essayer d’habiter le monde. « Trois manières de frôler le divin, d’être trismégiste », précise-t-il. De plus, « le cinéma dépend de beaucoup d’éléments extérieurs pour exister, mais cela reste et demeure un opéra magique où chaque partition a pour but d’enthousiasmer les téléspectateurs, l’exacerbation de la beauté suivant le regard esthétique de l’auteur », poursuit avec fascination l’acteur, qui a joué dans le film du célèbre réalisateur haïtien, Raoul Peck, « Le meurtre à Pacot » (2014).

Transition entre le religieux et l’artiste

Né le 26 septembre 1988, Rolaphton Mercure grandit dans une famille croyante, de foi catholique. Comme de coutume en Haïti, les parents chrétiens caressent toujours le rêve de voir leur fils gravir la chaire, à titre de prêtre ou pasteur. Les siens ne sont pas en reste, et sont heureux de voir leur fils, enfant de chœur à l’époque, chérir le rêve de devenir prêtre. C’est ainsi qu’à la fin de ses études en 2006, il rejoint les pères de Monfortains pour étudier la prêtrise. Après y avoir passé deux ans, il se rend compte que le monde de la religion n’est plus le sien. « C’était un accident de parcours », confie Rome, anthropologue, qui, depuis, se montre de plus en plus critique par rapport à la religion en Haïti.

« Beethoven a dit un jour, cite Rolaphton, seuls l’art et la science élèvent l’homme jusqu’à la divinité. Cet exercice de créer, d’inventer des formes et des voix, les rend singulier, l’édifie », explique-t-il, ajoutant qu’en littérature comme sur scène il n’y a aucune place pour l’hypocrisie, parce que c’est contre nature. « Mais certains religieux, crachant sur l’étymologie exacte du mot religion qui veut dire relier, la transforment en système d’exploitation », déplore l’auteur de la pièce « Quelque chose au nom de Jésus », qui dit être contre toutes les formes d’endoctrinement.

« Ici, le mentir vrai de Stanislavski est le maître mot, il y a plus d’églises que d’hôpitaux à Port-au-Prince, constate le fils de la capitale. Ce qui veut dire clairement que la détresse est profitable. Il faut que quelqu’un utilisant les mêmes canevas qu’eux, puisse désapprendre les plus faibles », poursuit-il. Malgré son regard critique vis-à-vis de la religion, le comédien aux longues tresses reste toutefois un croyant. Il considère sa vie, d’ailleurs comme une mission, une quête.

« Fuck Dieu, Fuck le vodou, je ne crois qu’en mon index »

« Fuck Dieu, fuck le vodou, je ne crois qu’en mon index », est une pièce de Rolaphton Mercure qui, à sa sortie, a monopolisé la curiosité des adeptes du théâtre, en suscitant des questionnements sur la pensée du dramaturge. D’autant plus qu’avec ce chef-d’œuvre, il était en lice pour le Prix de la dramaturgie francophone en 2021.

« À travers mon travail d’écriture, j’ai toujours cherché à développer un théâtre instructif, teinté d’humour pour plus de recul, mais exigeant, particulier et contemporain. Avec mes centres d’intérêts que sont : le cinéma, la peinture, la littérature, la musique et l’histoire, entre autres, mon travail consiste à questionner le présent. C’est le bien-fondé de ma passion », explique l’artiste, passionné de la cuisine.

En effet, il explique qu’à travers cette pièce, il cherche « non seulement à mettre en lumière certains coins sombres du passé [pas si éloigné que ça], mais aussi à réfléchir sur le type de théâtre dont l’Haïtien a besoin pour se réveiller et se catapulter dans la modernité, à une époque si agitée. » Si l’on s’en tient à ses mots, l’idée de ce texte est d’accoucher d’une œuvre à multiples facettes qui explore, qui sensibilise, qui croit en l’humain et la démocratie.

En fait, « Fuck Dieu, Fuck le vodou, je ne crois qu’en mon index, est une proposition neuve au théâtre haïtien, un matériau qui me pousse à quérir de nouvelles formes narratives en m’interrogeant et en évaluant ce qui a déjà été réalisé dans le milieu dans lequel j’évolue », déclare l’auteur. Il précise plus loin que la pertinence du récit, l’authenticité du propos et le retentissement du sujet traité, font de ce texte un acte militant tout comme « Quelque chose au nom de Jésus ».

Évoluant dans le milieu de la scène depuis déjà une quinzaine d’années, Rolaphton mercure émet un avis positif sur le cheminement du théâtre haïtien, et ce, malgré les nombreux débâcles qu’a connus ce secteur. En effet, « depuis plus d’un demi-siècle, le théâtre en Haïti a été une pratique résistante et résiliente. Il existe à partir de rien »,  observe le metteur en scène, signalant que créer sans possibilité d’être représenté est d’une positivité sans égale. Pour lui, il s’agit d’une forme de plus en plus agressive, dénonciatrice, forcément minimaliste, donc plus créative.

Statler Luczama

Luczstadler96@gmail.com

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