Les dessous du constat d’échec de la communauté internationale en Haïti dressé par l’OEA
4 min readLe 8 août 2022, par un communiqué, l’Organisation des États Américains (OEA) a tiré à boulets rouges sur la communauté internationale, accusant celle-ci de ne pas avoir été capable de faciliter la mise en place d’une institution capable de répondre aux problèmes des Haïtiens en 20 ans, la faute en étant à des stratégies erronées.
L’OEA a accusé la communauté internationale de servir de parapluie aux criminels qui assiègent le pays, et d’avoir avalisé un processus empêchant toute forme d’institutionnalisation, engendrant des crises politiques répétées.
Mais une question subsiste, de qui parle l’OEA quand elle parle de «communauté internationale» ? Cette manière de dénoncer les résultats catastrophiques de certains acteurs sans pour autant les nommer n’arrange en rien la situation. La communauté internationale, selon certains, sert de bouclier non seulement à l’OEA qui a complètement fui ses responsabilités par rapport à la crise, mais aussi à certains pays. Il est plus facile de dire « la communauté internationale a échoué » plutôt que de mentionner l’oncle Sam, l’ONU et les autres prétendus amis d’Haïti.
Pour la question de la démocratie, l’OEA a conseillé le dialogue, la mise en place d’institutions fortes et d’un processus électoral fiable et crédible. Mais on trouve rarement des critiques de l’OEA sur les élections qui se sont déroulées ces dernières années. Alors que les périodes pré-électorales, électorales et post-électorales ont toujours été des vecteurs de crise en Haïti. Alors que les principales missions de l’OEA, pour l’observation des élections, ont presque toujours tenu à féliciter les organisateurs malgré les multiples accusations de corruption dont ils ont fait l’objet.
En plus de cela, l’Organisation des États Américains a toujours soutenu la tenue d’élections en dépit des conditions de précarité institutionnelle. Certaines personnes estiment que la communauté internationale et l’OEA, ont toujours laissé croire que l’organisation des élections pourrait constituer une réponse à des problèmes structurels.
Dans son communiqué, l’OEA a aussi indiqué que le pays ne dispose pas d’assez de ressources pour envisager une solution qui serait complètement endogène. Donnant l’image d’un pays incapable de s’aider lui-même, ne pouvant compter que sur la communauté internationale. Si cette réflexion pouvait avoir sa place des années auparavant, aujourd’hui on a vu ce que vaut vraiment l’aide internationale en Haïti. N’est-ce pas Luis Almagro, Secrétaire Général de l’OEA, qui a dit en 2016 : « Le peuple haïtien a démontré son énorme capacité à résoudre une crise importante qui aurait pu avoir des conséquences très graves dans le pays ».
Le communiqué fait aussi mention de trois processus qui permettraient une sortie de crise mais qui, selon eux, feront l’objet d’une opposition par des forces internes que l’on a du mal à identifier. « Nous devons évidemment nous attendre à ce que des forces internes haïtiennes s’opposent à ces trois processus, qu’elles s’opposent au dialogue institutionnalisé parce que celui-ci peut comporter des avantages en ce qui concerne la stabilité politique dans le pays, ce qui affecterait gravement certains intérêts qui prévalent actuellement. Ces forces s’opposeront évidemment elles aussi à un processus électoral crédible, juste et transparent parce que les façons de prendre le pouvoir selon les logiques politiques actuelles ont été complètement différentes d’un tel processus. Il y aura également sûrement une opposition à l’élaboration d’un processus institutionnel en matière de sécurité pour le pays comportant un engagement fort face à la communauté internationale, étant donné que cela démantèlerait la situation de prédominance de la violence des bandes armées et de la criminalité organisée », peut-on lire.
Après toutes ces années, la pilule est difficile à avaler. De nombreux citoyens estiment qu’il est difficile de croire qu’après tout ce temps, et de multiples ressources utilisées, une organisation régionale de la dimension de l’OEA ait encore du mal à saisir les dimensions de la crise haïtienne. Ce communiqué, selon plus d’un, n’est qu’une tentative désespérée d’une institution qui essaie de se sauver la face. Est-ce que cela ne prouve pas clairement la raison pour laquelle la crédibilité de l’OEA a toujours été mise en cause par certains pays de l’Amérique latine et a toujours été considérée comme un instrument plutôt que comme une institution ?