Même nés en République Dominicaine, des enfants d’origine haïtienne sont victimes de déportations massives, selon Bridget Wooding
4 min readLes enjeux socio-politiques et économiques entre Haïti et la République Dominicaine et les déportations massives d’Haïtiens ont toujours soulevé d’importantes questions sujettes à débat. L’Université Quisqueya s’est unie avec une institution américaine « 1804 Institute » pour organiser un webinaire sur ce sujet les 9, 10 et 11 décembre 2022. Pour l’autrice Bridget Wooding, une intervenante, les enfants sont aussi victimes de déportations massives du Gouvernement Dominicain.
La cohabitation de deux États sur l’île est un sujet qui fait encore débat. L’histoire qui lie Haïti à la République Dominicaine est très complexe. À travers les siècles, plusieurs chercheurs scientifiques dans divers domaines ont réalisé des travaux pour tenter de comprendre, d’expliquer et de trouver des issues à la complexité des rapports existant entre ces deux pays séparés par une frontière internationale. Ceci a amené, dans l’objectif de comprendre et de partager des idées sur ce sujet, l’Université Quisqueya conjointement avec 1804 Institute à soulever d’importantes questions.
Une réunion zoom a permis des échanges très animés, grâce à plusieurs intervenants de nationalité à la fois haïtienne et dominicaine. Ces derniers ont exploré la relation interdépendante qui existe entre les deux nations, les enjeux sociopolitiques et économiques par rapport à cette situation de crise, le phénomène de migration incontrôlable des Haïtiens. Le point le plus intéressant, compte tenu de la situation présente, a été la question des droits humains, des traitements que subissent les Haïtiens sans-papiers en République Dominicaine et leurs déportations massives.
Ainsi, dans le cadre de la célébration de la Journée Internationale des droits de l’Homme, un regard a été porté sur leur traitement. De ce fait, Bridget Wooding, co-autrice du livre: « Les Haïtiens et leurs descendants en République Dominicaine », s’est exprimée sur la situation des enfants nés de parents haïtiens en République Dominicaine en cette situation de crise. Selon Mme Wooding, les enfants sont de grandes victimes de la politique de déportation massive des Haïtiens par le Gouvernement Dominicain. D’ailleurs, les lois protégeant les enfants ne sont pas respectées et ces derniers sont victimes de mauvais traitements, même s’ils sont nés en République Dominicaine.
Aux dires de l’autrice dominicaine, en 2021, sur 44 020 Haïtiens rapatriés, 670 étaient des femmes enceintes et ces dernières n’ont même pas reçu un traitement favorable vu leur état. Donc, la politique de déportation en terre voisine ne tient pas compte des droits humains ou encore des droits de l’enfant. D’ailleurs, selon un rapport présenté par UNICEF Haïti, au moins 1800 enfants non-accompagnés, majoritairement sans pièce d’identification, ont été rapatriés par les autorités migratoires dominicaines, depuis le début de l’année. Récemment, la fondation Zanmi Timoun a affirmé que 324 enfants non-accompagnés ont foulé le sol haïtien à Belladère entre le 20 juillet et le 31 octobre 2022.
Toujours dans le cadre de la réflexion sur la question des droits humains pendant la situation de crise entre Haïti et la République Dominicaine, Carl-Henry Petit-Frère, coordonateur a.i du Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), s’est exprimé sur les mauvais traitements, racistes et xénophobes, que subissent les Haïtiens dans l’autre partie de l’île. Selon M. Petit-Frère, environ 60 000 Haïtiens ont été rapatriés au cours de ces derniers mois, dont 30 à 35% sont des femmes, pour la plupart enceintes ou accompagnées de jeunes enfants. Les témoignages rapportés par les victimes font référence à des cas de violences et de non-respect total de la dignité de la personne humaine.
Selon M. Petit-Frère, beaucoup de migrants haïtiens affirment avoir subi des traitements inhumains pour l’unique raison d’être de couleur noire et surtout d’être haïtiens. Ces derniers disent être victimes de traitements racistes, de vols, d’emprisonnements illégaux, d’exploitation et de violences physiques et sexuelles. Pour tenter d’expliquer la source de cette violence dominicaine actuelle, le coordonateur du GARR pointe du doigt la mise en place d’un régime d’extrême droite ultranationaliste en République voisine, le non-respect des protocoles internationaux pour le respect des droits des migrants et les crises politique, économique, sociale et sécuritaire qui rendent Haïti invivable pour les Haïtiens.
Les relations haïtiano-dominicaines sont très fragiles et tendues, actuellement. Il faut envisager des perspectives pour l’année 2023. Il est primordial que le Gouvernement haïtien définisse réellement des priorités et mette en place des stratégies pour trouver des sorties aux multiples crises. Entre-temps, pour formuler des réponses immédiates au Gouvernement dominicain, selon le coordonateur du GARR, il faut organiser des plaidoyers médiatiques, à l’échelle nationale et internationale, soutenir les migrants haïtiens et sensibiliser la population sur la question des droits humains et fondamentaux.
Leyla Bath-Schéba Pierre Louis
pleyla78@gmail.com