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L’insécurité alimentaire, une crise de plus en plus inquiétante en Haïti

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L’inflation gagne du terrain en Haïti. En glissement annuel, elle est passée à 49.3% en  janvier 2023 contre 48.3% en décembre 2022 selon l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI). L’insécurité alimentaire touche 4.9 millions de Haïtiens contre 4.7 millions initialement prévus par les analyses de septembre 2022. La Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) y voit « une situation extrêmement préoccupante ».

« Tel que prévu dans l’analyse de septembre 2022, la forte inflation, alimentée par la dépréciation du taux de change de la gourde par rapport au dollar et par la hausse du coût des transports, ainsi que le climat sécuritaire délétère, continue de réduire le pouvoir d’achat des ménages les plus pauvres qui sont obligés de recourir à des stratégies de moyens d’existence non soutenables », peut-on lire dans « Analyse IPC de l’insécurité alimentaire aigüe mars-juin 2023 », une mise à jour de l’analyse de septembre 2022 publiée par la CNSA le 22 mars 2023.

4.9 millions d’Haïtiens, soit 49% de la population analysée, sont en situation d’insécurité alimentaire aigüe qui correspond aux phases 3 ou plus, et qui  ont besoin d’une action urgente. Pour les cinq phases de la sécurité alimentaire, 2 347 000 personnes sont en phase 1 avec un minimum de sécurité alimentaire, 2 670 000 personnes sont en phase 2 qui correspond au stress alimentaire, la phase 3 qui est la crise alimentaire compte 3 082 000 personnes et la phase 4, l’urgence alimentaire, 1 808 000 personnes. 

Pour la phase 5, contre toute attente, la CNSA annonce que personne n’est en situation de catastrophe alimentaire. « Une légère amélioration est enregistrée dans la zone de Cité Soleil qui, sur la dernière analyse, présentait 5 % de sa population (soit près de 20. 000 personnes) en Phase 5 de l’IPC (catastrophe). L’assistance alimentaire humanitaire, qui sur les derniers mois a atteint 30 pour cent de la population ciblée de Cité Soleil a été un élément de mitigation très importante », lit-on dans la publication précitée.

Des causes multiples

Dans une interview accordée au journal Le Quotidien News, l’économiste Mell-Graf ANASTA dit voir dans cette crise de sécurité alimentaire la conjonction d’éléments divers comme l’insécurité, le taux élevé de pauvreté, le faible pouvoir d’achat, une faible productivité agricole. « La faible productivité agricole s’explique par divers facteurs tels que la dégradation de l’environnement, le déboisement, les catastrophes naturelles, des méthodes agricoles archaïques, désuètes … », a-t-il expliqué. « Quand de tels phénomènes se produisent, la classe des travailleurs s’appauvrit encore plus, ce qui n’a pas uniquement un impact sur l’économie mais augmente également la crise sociale et accentue la crise humanitaire », a-t-il ajouté.

La CNSA parvient presqu’à la même conclusion. « La flambée des prix liée à la forte volatilité de la gourde par rapport au dollar américain, l’expansion de la violence des gangs qui paralyse de plus en plus les activités économiques dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, dans la péninsule Sud et dans une bonne partie du Grand Nord, les faibles performances des campagnes agricoles d’autonome et d’hiver, la résurgence de l’épidémie du choléra et la baisse de l’aide humanitaire », sont la cause de l’insécurité alimentaire dans le pays, explique la CNSA dans un communiqué de presse du 17 mars 2023.

Selon la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire, des actions urgentes doivent être entreprises afin d’éviter que la situation ne  dégénère. « Les ménages agricoles décapitalisés, en raison des chocs économiques, climatiques et des contreperformances des campagnes agricoles antérieures, nécessitent un appui immédiat pour la mise en place de la campagne de printemps 2023. Sinon, cette campagne serait grandement hypothéquée et les conditions de sécurité alimentaire de ces groupes seraient pires ».

De son côté, le Programme Alimentaire Mondial exprime ses inquiétudes face à la situation en Haïti et appelle, lui aussi, à des actions urgentes. « Haïti ne peut pas attendre,- nous ne pouvons pas attendre que l’ampleur du problème se traduise par des décès avant que le monde ne réagisse – mais c’est vers cela que nous nous dirigeons », a déclaré Jean-Martin Bauer, Directeur pays du PAM en Haïti (Propos recueillis par ONU Info). 

L’inflation baisse légèrement en rythme mensuel, mais augmente encore plus en rythme annuel

Dans son rapport pour le mois de janvier 2023 (Le Coin de l’IPC), l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI) a analysé l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) pour le premier mois de 2023. « En rythme mensuel, l’inflation poursuit sa tendance baissière observée depuis novembre 2022 en affichant en janvier 2023 une variation mensuelle de 1.3 % contre 2.9 % le mois précédent. Par contre, en glissement annuel, la hausse de l’IPC (100 en 2017/2018) reste toujours excessivement élevée, avec respectivement 48.2 % et 49.3 % pour les deux derniers mois (décembre et janvier) », indique l’IHSI. 

Cette évolution, selon l’institution, s’explique par l’augmentation généralisée des prix des différentes divisions de l’IPC telles que : « produits alimentaires et boissons non alcoolisées » (1.4 % sur un mois et 48.6 % sur un an), « articles d’habillement et chaussures » (1.6 % sur un mois et 47.3 % sur un an), « meubles, articles de ménage et entretien courant du foyer » (0.9 % sur un mois et 44.6 % sur un an), « santé » (1.8 % sur un mois et 44.9 % sur un an) et « transports » (0.4 % sur un mois et 120.8 % sur un an).

L’inflation, en glissement annuel, a été très influencée par la hausse vertigineuse et constante des produits de base. Le riz a connu une augmentation annuelle de 69.9 % en moyenne, la viande 58.2 % en moyenne, le lait en poudre 61.1 % en moyenne, l’huile comestible 86.3 % en moyenne, 33.9 % pour le pois et sucre 70.6 %, toujours en moyenne. Pour le mois de janvier, les prix des produits importés ont subi une plus forte augmentation que ceux des produits locaux, soit 61.5 % contre 41.8 % pour les produits locaux, toujours en glissement annuel.

Quant au transport, c’est le secteur où la hausse a été la plus considérable. L’inflation a été de 51.6% pour l’entretien des véhicules privés, de 129.4% pour l’essence et le gas-oil, et de 145.5% pour le transport quotidien. 

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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