Exode de nombreux habitants de la région métropolitaine de Port-au-Prince dans les villes de province
3 min readL’aggravation du climat sécuritaire à Port-au-Prince contraint les membres de la population civile à fuir leur domicile pour aller s’installer dans les villes de province. Cet exode massif pourrait avoir des impacts divers sur les villes de province. Pour analyser un peu la question, le journal Le Quotidien News a parlé avec l’économiste, Guy Mary Hyppolite et l’étudiant qui fait un master en population et développement, Rolff Junior Bontents.
Le thème « exode » à première vue est considéré comme l’immigration en masse d’une population. Il s’agit d’un phénomène qui peut être provoqué par plusieurs facteurs : les catastrophes naturelles, les guerres, les crises économiques ou sociales. Dans le cas de Port-au-Prince, ce déplacement massif vers les villes de province est causé par le climat d’insécurité qui s’aggrave de jour en jour. Depuis le début de l’année 2023 coïncidant avec une remontée de l’insécurité, l’ONU a souligné qu’au moins 160 000 personnes ont dû quitter leurs maisons pour fuir les gangs.
À Port-au-Prince, la situation est insoutenable. De ces citoyens qui sont contraints de quitter la capitale, l’économiste Guy Mary Hyppolite y voit une opportunité. « […] Les autorités pourraient en profiter avec certains membres du secteur privé, particulièrement ceux évoluant dans les régions de province pour entreprendre des projets d’investissement en vue d’inciter les gens à rester dans les quartiers de province », déclare-t-il lors d’une interview accordée au journal Le Quotidien News.
La capitale d’Haïti ne sera plus une zone économiquement attractive avec la peur d’être enlevé qui grandit tous les jours et les gangs qui ne cessent de se multiplier, affirme M. Hyppolite. « La vie nocturne disparaît à petit feu. Les gens ne sortent plus la nuit. Les activités sociales et culturelles fonctionnent au ralenti. Les agents économiques connaissent des situations difficiles », explique-t-il.
Cependant, à en croire Rolff Junior Bontents, il est inutile de promouvoir l’autonomie des villes de province en raison de la recrudescence du climat sécuritaire à Port-au-Prince. Car, le problème est « systémique », dit-il. « Et s’il persiste dans les jours qui viennent on constatera l’installation des groupes armés dans les zones de province », a indiqué le candidat au Master en population et développement.
M. Bontents a souligné la dépendance des villes de province par rapport à la capitale. « Les récentes flambées des prix des denrées alimentaires et du carburant ont réduit davantage les moyens de subsistance déjà précaires dans lesquels se trouvaient les quartiers de la zone métropolitaine de Port-au-Prince […].Cette situation va s’empirer dans les zones de province où les gens fonctionnaient déjà dans une économie de subsistance », a-t-il fait savoir à la rédaction de Le Quotidien News.
Rolff Junior Bontents rappelle que, selon les données recueillies auprès de l’OIM pour la période allant de juin à août 2022, elles sont au nombre de 113.000 les personnes qui sont considérées comme déplacées à l’intérieur d’Haïti. « En considérant ce nombre, on constate que 96.000 personnes ont fui l’insécurité qui sévit dans la capitale », explique-t-il.
Le témoignage d’une personne forcée de fuir sa maison à Onaville
À Onaville, banlieue Nord de la capitale, la population est comme désespérée en dépit des efforts des forces de l’ordre. Roseline, une ancienne institutrice qui se trouve à présent dans le département des Nippes explique ce qu’elle a vécu à Onaville la semaine dernière. « Les gangs armés ont pillé ma maison avant de la réduire en cendres. Ils ont tué l’un de mes voisins, un vieillard, qui ne voulait pas quitter le quartier », raconte la femme de 30 ans, mère d’un enfant.
« J’habitais depuis 2018 à Onaville. Je vivais très bien. J’avais une activité économique stable. Et maintenant, tout est parti en fumée », confie-t-elle. « Pour le moment, je ne sais pas comment je vais faire pour me remettre sur pied », a-t-elle ajouté précisant qu’elle est logée chez une amie.
Peut-on considérer Port-au-Prince encore comme la capitale économique d’Haïti ? On peut se poser la question !
Jackson Junior RINVIL