À quand le forum sur l’éducation en Haïti?
3 min readLe débat autour de la crise haïtienne obnubile tous les autres sujets, à l’instar de la politique, qui mérite le bénéfice de l’urgence. L’opinion publique est orientée. La politique résume la société dans sa globalité. Seule la gouvernance est problématique aux yeux des protagonistes.
En effet, un des secteurs clés de la vie sociale haïtienne est en lambeaux. Ce, depuis des ans. Plus les années s’écoulent, plus la situation se détériore. Le système éducatif haïtien fonctionne en mode « bon dieu bon ».
Ce secteur si crucial qu’il est, est prisonnier de la politique. En plus du problème de structuration, il est l’objet de perturbations politiques à récurrence. C’est la plus grande victime des turbulences qu’ont connu Haïti ces dernières décennies.
Le Ministre de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP), Nesmy Manigat avait déclaré lors de son retour au Ministère, que l’école ne peut pas attendre. C’est en fait, une vérité incontestée mais, amorphe sans les interventions nécessaires.
Il faut remonter de plusieurs années pour voir un calendrier scolaire pleinement réussi. Tantôt, l’année académique est affectée par les grèves à récurrence des professeurs, tantôt par la crise du Covid-19, tantôt par des mouvements de protestations populaires et, maintenant, deux ans déjà, à cause de la guerre des gangs.
Pour cette année académique 2022-2023, le MENFP a du publier plusieurs calendriers scolaires pour tenter de pallier les méfaits des événements de « pays lock » de septembre 2022 à novembre de la même année dans le pays. Un trimestre perdu pour les établissements qui avaient repris du service en novembre. Cinq mois perdus pour ceux n’ayant fonctionné qu’en janvier 2023.
Depuis le mois de mars, une autre situation se produit et affecte, notamment, les élèves des écoles publiques (les lycées) du pays. Pendant environ deux mois, ils n’ont fait aucun apprentissage en classe. Les professeurs rentrent en rébellion pour les mêmes conditions contre lesquelles ils protestent depuis près d’une décennie. Au total, cinq mois perdus sur un calendrier remanié.
Le 18 mai dernier, à l’occasion du 220e anniversaire du bicolore haïtien et également la fête de l’université, le recteur de l’UEH, a évoqué les difficultés auxquels font face l’enseignement Supérieur. Il a fait mention des manques à gagner que provoquent ces genres de situation. Personne non plus n’est sans savoir que la qualité de l’enseignement a baissé en Haïti. De moins en moins d’élèves venant du secondaire arrivent à intégrer les centres supérieurs de formation. Plusieurs facteurs sont à la base dont l’insécurité.
Dans tous les sens, il y a du pain sur la planche. L’Unicef en mai 2022 a recensé pas moins de 1700 écoles dysfonctionnelles dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince à cause de la violence des gangs armés. 772 à Croix-des-Bouquets, 446 à Tabarre, 270 à Cité Soleil et 200 autres dans la troisième circonscription de Port-au-Prince. Cette situation, estimait l’organisation, a poussé hors des salles de classe un demi-million d’enfants à Port-au-Prince. Pas moins de 13 établissements scolaires ont été transformés en refuge de gangs armés.
Bien avant ce pourrissement de la situation, les opposants à Jovenel Moïse, prenaient l’école comme bouclier. Leur première stratégie pour montrer que leur mouvement de protestation a eu effet était d’empêcher aux écoles d’ouvrir leurs portes. Ils ont même véhiculé le message stipulant que l’avenir des scolarisés réside dans l’érection des barricades de toutes sortes. Comment sortir de cette ornière ? N’avons-nous pas assez d’évidences pour engager les assises sur le système éducatif haïtien? Quand viendra-t-il le moment pour les politiques de faire de l’éducation une priorité?
L’école ne peut vraiment pas attendre. Il faut repenser la situation avant qu’il soit trop tard. À cause des événements regrettables et la recrudescence de la violence, les menaces de toutes sortes, on constate que certains parents sont plus enclins à garder les élèves chez eux que de prendre le risque. On est en train de baisser les bras. Et, ce sera dommage.
Daniel SÉVÈRE