Qui vous donnera l’amnistie?
3 min readLes gangs continuent de dépeupler les quartiers. À Carrefour-Feuilles, les habitants sont toujours dans les rues. Les civils armés occupent complètement cette zone sans s’inquiéter. Ils ont pris le sous-commissariat de « Savane-Pistache ». Un énième perdu par la Police après ceux de Pernier, de Martissant, de Liancourt, de Petite-Rivière de l’Artibonite, etc.
Le bilan des victimes s’élevait à 1860 personnes, selon le BINUH, pour le deuxième trimestre de 2023. Pour la semaine écoulée, on évalue les déplacés internes à plus de 10 000 suite à la prise d’assaut de Carrefour-Feuilles par le gang de Grand-Ravine. Un chiffre en nette croissance puisque les habitants continuent de fuir leur domicile par plusieurs centaines au quotidien.
Entretemps, les actes criminels des bandits s’intensifient. En l’espace de moins d’une semaine, le gang de Savien a enlevé près d’une cinquantaine de gens, pour la plupart des « madan Sara ». À Thomazeau, les hommes armés continuent de faire parler la poudre. Ils ont mis la Police et la population en grande difficulté. N’en parlons pas pour les zones contrôlées par le gang « Kraze baryè » au niveau de la région métropolitaine de Port-au-Prince.
Depuis quelques jours, Solino et Delmas 24 sont assiégés. Des gangs rivaux poussent la population à abandonner ces quartiers. Des territoires supplémentaires en passe d’être perdus. Les gangs sont en train de jubiler. Ils donnent des ultimatums. Ils ordonnent aux gens de fuir. À Port-au-Prince, tous ceux qui y sont encore se comportent, paraît-il, comme des escargots qui portent leurs maisons sur leur dos. En parallèle, les autorités détenant le pouvoir coercitif de l’État font la sourde oreille. Ils attendent paisiblement l’intervention militaire étrangère souhaitée.
Tout s’apparente en Haïti à un territoire colonisé. Ceux qui sont au pouvoir se comportent comme des gouverneurs. On dirait des esclaves domestiques qui, par rapport à leur position privilégiée, ne s’inquiètent guère du chaos qui s’établit dans le pays.
D’un autre côté, les civils armés. Les esclaves à talent qui exécutent les pièces servant à établir cette domination. Ils pourchassent sans réfléchir la population. Ils utilisent les armes qu’ils n’ont, dans beaucoup de cas, pas achetées, ni fabriquées pour terroriser leurs parents, leurs voisins, ceux qui leur ont bercés, ceux qui avaient donné du sens à leur vie quand ils étaient enfants. Ils coupent sans cesse la branche sur laquelle ils sont assis. À quoi serviront vos manœuvres? Qui sera le grand bénéficiaire ? Pensez-vous que vous allez vous tirer d’affaires si facilement? Quel sera votre fierté quand votre jour sera arrivé? Avoir massacré des civils innocents par centaines et milliers. Avoir enlevé l’espoir de quantité de jeunes. Avoir fait gémir des familles. Avoir encaissé des millions de dollars et de gourdes grâce aux kidnappings, ne peut suffire pour apaiser votre amertume, votre culpabilité ce jour-là. Qui va vous accorder une amnistie?
Pendant qu’il est encore temps, ressaisissez-vous. Vous n’aurez aucune gloire à tirer de vos actions. Le jour viendra où vous serez seul avec votre conscience. À cet instant-là, vous comprendrez l’impact de vos traîtrises parce qu’à ce moment-là ceux qui sont derrière vous aujourd’hui (vos patrons) vous feront goûter au fruit de la traîtrise. Ce que nous disons là concerne ceux qui seront les plus chanceux. Ceux qui resteront vivants.
Daniel SÉVÈRE