La pression de l’ONU
4 min readLe Conseil de Sécurité de l’ONU vient de donner un petit coup de pression, le 19 octobre dernier, dans le dossier relatif aux accusations portées contre plusieurs membres de l’élite nationale qui seraient les bras financiers des groupes armés dans le pays. Par l’adoption à l’unanimité du rapport du comité de sanction et le prolongement de son mandat, le Conseil envoie un message comme pour préciser, à qui veut l’entendre, que nul n’est protégé quand il se rend coupable de malhonnêteté et de malversation. Que les présumés fauteurs de troubles en Haïti n’ont pas, comme ils le prétendent, le total contrôle de leurs actes malveillants. Cette avancée est un petit geste très apprécié en Haïti.
Des sanctions seront adoptées. Des personnalités haïtiennes, et pas des moindres, seront frappées par des mesures restrictives qui risquent de leur faire très mal. Un exercice déjà entamé depuis près d’un an par le Canada, les États-Unis et la République Dominicaine, que certains des individus sanctionnés n’avaient pas pris trop au sérieux. Certains sont à l’étranger, et jouissent de leur liberté en contournant ces pays qui leur ont interdit l’entrée. Un assainissement se profile en Haïti. Une bonne nouvelle dans le sens où la population, à cause des viles pratiques de ces gens, a le couteau sous la gorge. Plus rien ne nous étonne. On s’y attendait car, c’est un secret de polichinelle que nos leaders politiques et notamment une bonne partie de la classe économique ne sont pas en odeur de sainteté. La différence, c’est qu’ils avaient pris toutes les mesures pour empêcher d’être menacés ou poursuivis en Haïti.
Dans le pays, le règne de l’impunité prend racine. Ce, depuis belle lurette. C’est la voix du plus fort qui prédomine pendant que la nation, prise dans l’étau, essaie de se débattre. Sur cette terre d’Haïti, la corruption a pris tellement de valeur, nous sommes passés du dicton de « plumer la poule mais ne la laisse pas crier » à « on s’en fout ». Vu le niveau d’arrogance et de bestialité de certaines personnalités haïtiennes, on ne s’attend pas à des surprises sur cette liste. Elle révèlera tout haut les noms de ceux que la population dénonce tout bas. Autrement dit, elle sera une douche froide dans le dos de certains intouchables en Haïti. Les seigneurs de la justice et de la violence en Haïti pourraient avoir le sommeil troublé. Un bon début.
À défaut de la justice haïtienne, la population salut le coup de pouce de la communauté internationale. Les réactions enregistrées cette semaine suite à l’annonce de la publication prochaine de la liste des sanctionnés et l’adoption du rapport de la commission, montrent le degré de frustration populaire. C’est l’expression du ras-le-bol de la population par rapport aux pratiques malhonnêtes de nos élites. Si c’était la clameur publique qui les mettait en accusation, les antennes des radios, les plateaux de télévision de la capitale et les colonnes des journaux seraient déjà en ébullition sans compter le blocage des rues et les accusations en veux-tu en voilà. C’est le silence plat dans le pays. Plus d’un se croise les doigts priant pour que son nom soit oublié sur la liste ou pour que la commission ne trouve aucune charge pour le faire figurer sur ce document de la honte. Le financement du terrorisme (le carnage haïtien) ne doit en aucun cas rester impuni. À l’ONU de faire, pour une fois, une action pour redorer son image écornée en Haïti.
Les hommes politiques et leurs associés dans le secteur économique ont beaucoup de comptes à rendre à ce pays transformé en dépotoir. Ce processus doit aboutir. Peut-être, sera-t-il un nœud important dans la quête de justice et de réparation pour les faramineuses sommes volées et détournées durant ces vingt-trois dernières années. Peut-être qu’il servira aussi à amorcer un début prometteur en Haïti où les massacres de civils seront jugés et les coupables condamnés. Pour le moment, tout le monde observe attentivement la suite sans suspense.
Daniel SÉVÈRE