Retour sur la date emblématique du 18 novembre 1803 qui a inspiré plusieurs nations!
5 min readLe 18 novembre, journée symbolique en Haïti où l’on commémore la bataille de Vertières qui a eu lieu le 18 novembre 1803 à Vertières, opposant l’armée indigène et les troupes françaises. 220 ans après, que représente cette bataille pour les Haïtiens ?
L’histoire de chaque peuple est toujours marquée par des dates cruciales. En Haïti, cette date reste symbolique, elle rappelle la bataille décisive ouvrant la voie à l’indépendance d’Haïti. Cette bataille marqua alors la victoire de l’armée indigène dirigée par François Capois connu sous le nom de Capois-la-mort et le Général Jean-Jacques Dessalines, sur l’armée française dirigée par Napoléon Bonaparte. En mémoire de cette grande victoire, chaque année, le 18 novembre, des cérémonies commémoratives ont lieu à Vertières accordant aux autorités locales la possibilité de déposer des gerbes de fleurs au pied des monuments de Vertières.
Vertières: un patrimoine national
Situé près de la ville du Cap Haïtien dans le nord d’Haïti, Vertières est ce haut lieu historique et sacré qui a vu la fin du règne de l’armée napoléolienne. Dans le souci de faire de ce lieu un lieu spécial, sur les sites de Vertières un monument a été érigé en 1953 sous le gouvernement de Paul E. Magloire (1950-1956) et inauguré à l’occasion du 150e anniversaire de l’indépendance d’Haïti par une cérémonie spectaculaire. Le monument représente six héros haïtiens, quatre hommes, dont le général Capois et deux femmes, armés et prêts à combattre pour leur liberté. Ce monument intitulé « les héros de vertières » a été sculpté par le cubain Juan Jose Sicre. Le monument des héros de vertières a été classé comme patrimoine national en 1995 par l’Institut de Sauvegarde de Patrimoine National (ISPN).
Victoire des indigènes
Le 18 novembre 1803, à Vertières, l’armée napoléonienne avait essuyé la plus grande défaite contre les vaillants guerriers de l’armée révolutionnaire, « l’armée des Incas », dite l’armée indigène. « C’est la réussite de la plus grande révolution que le monde n’ait jamais connu, l’accomplissement d’un rêve de liberté et d’indépendance longtemps bafoué par les sanguinaires blancs. Un ordre mondial (ordre colonial, esclavagiste et raciste) est battu en brèche, une nouvelle nation se tient débout, une nouvelle logique de coopération internationale est née, un ordre anti-libéral fait surface », a déclaré l’historien et professeur Louis Dérynx Petit-Jean dans une interview à Le Quotidien News.
Dès lors, Haïti s’érige aux yeux du monde comme la porte-étendard de la liberté, de l’égalité et de solidarité entre les peuples. « C’est ce péché expiatoire (originel) que nous payons amèrement aujourd’hui. Toutes les nations impérialistes, néocolonialistes se liguent contre nous, pour nous punir et nous faire avaler cet extraordinaire exploit jamais réalisé ailleurs. Il ne faut jamais oublier ce que nous sommes, ce que nous avons construit comme héritage pour l’humanité entière. “Le projet de liberté et de bien-être collectif ». Vivre libre ou mourir!!! », rappelle l’historien.
Bataille de vertières : l’unité, l’harmonie nationale
Pour James Louis, professeur, historien, juriste et théologien, la bataille de Vertières signifie l’unité, l’harmonie nationale. « L’armée indigène d’alors était constituée pratiquement de toutes les couches de gens qui sortaient de l’Afrique. Donc, toutes les tribus y étaient. Et c’était comme s’il s’agissait d’un melting-pot, d’un syncrétisme de tribus. On retrouvait dans la mêlée des esclaves, des affranchis et par extension même, à un moment, des mulâtres entre autres, si l’on peut les appeler ainsi. Le seul intérêt, l’ultime but commun d’alors était d’échapper à la colonisation, de se libérer ».
Certains historiens parlent même de l’alliance conjoncturelle, contre nature. Toutefois, peu importe l’adjectif utilisé, l’étiquette attribuée, l’essentiel est qu’ils ont pu dépasser leur égo pour une fois, afin de s’unir pour une cause noble qui était celle de lutter pour sortir de cet enfer colonial.
« Alors que 220 ans après nous tergiversons encore à la recherche d’une unité, d’un compromis, d’une entente nationale en vue de sortir le pays de ce marasme socio-économique et politique dans lequel nous nous trouvons et qui sont certainement les conséquences de nos actes de barbarie orchestré contre le Père Fondateur de la Nation le 17 octobre 1806 », poursuit le juriste.
« Il est grand temps que nous prenions conscience du symbolisme de la bataille de Vertières afin de refaire Vertières dans la vie nationale, pourquoi pas dès aujourd’hui », exhorte le théologien.
Ainsi, le 18 novembre, jour des forces armées, est un jour qui devrait représenter pour les Haïtiens le symbole de la liberté, de la prise de conscience. Une date qui devrait inciter à repenser le pays tout en réfléchissant aux grands sacrifices consentis par les héros de la bataille de Vertières. Repenser le pays en le développant et créer de meilleures conditions de vie pour tous les citoyens.
La révolution haïtienne de 1804
Lors du lancement du colloque international sur la « contribution d’Haïti à l’émancipation des peuples », le Recteur de l’Université d’Etat d’Haïti, Fritz Deshommes, eut à dire : « Ou, pour reprendre l’interrogation du Président Tabou Mbeki de l’Afrique du Sud en 2004 à l’Université West Indies, dans le sillage de la célébration ratée du Bicentenaire de l’Indépendance Nationale : « Pourquoi des trois révolutions du 18ème siècle, la Française de 1789, l’Américaine de 1776, l’Haïtienne de 1804, pourquoi celle qui a le moins réussi, pour ne pas dire celle qui semble avoir échoué, est justement celle qui a porté l’humanité à son plus haut niveau d’humanisme ?
220 ans après la bataille de Vertières, Haïti, enlisé dans un grave crise, a grandement besoin de cet humanisme pour le bien de ses fils et de ses filles.
Marie-Alla CLERVILLE