Aggravation de l’insécurité alimentaire, des solutions palliatives doivent s’imposer, estime l’économiste Djim Guerrier
3 min readDepuis maintenant plusieurs années, trouver de quoi se nourrir est un défi quotidien pour une bonne partie de la population. De mars à juin 2024, la moitié de la population haïtienne fait face à l’insécurité alimentaire. Pour l’économiste Djim Guerrier, la détérioration du climat socio-sécuritaire ne laisse aujourd’hui envisager “aucune solution rapide” de l’État, et il appelle donc à renforcer les démarches humanitaires.
Le 23 mars dernier, la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) a publié sa dernière analyse de l’IPC alimentaire aigüe pour la période allant de mars à juin 2024, et une fois de plus, le constat est une illustration du quotidien poignant de la population haïtienne. Les résultats des dernières mises à jour indiquent que “près de 5 millions de personnes (50% de la population analysée)” sont aujourd’hui classifiées « insécurité alimentaire aiguë ». En août 2023, la proportion était de 45%. Pour la CNSA, il n’y a pas de doute, la population concernée a besoin d’une “action urgente” afin de “combler les déficits de consommation alimentaire et protéger les moyens d’existence durant la période concernée ”.
Les effets de la violence sur l’insécurité alimentaire
Pour la CNSA, tout comme pour l’économiste Djim Guerrier, le climat de violence imposé par les gangs armés n’est pas sans conséquences sur la sécurité alimentaire des ménages. En plus des impacts de la violence sur des secteurs tels que l’énergie, le transport et même le simple commerce, le nombre des personnes déplacées internes ne cesse d’augmenter dans le pays, et ceci influe négativement sur la sécurité alimentaire. La CNSA indique que la plupart des personnes déplacées quittent les zones métropolitaines pour les départements, “laissant derrière eux leurs moyens de subsistance et faisant face à des situations encore plus vulnérables”. Rien qu’au cours des trois derniers mois, près de 50 000 personnes ont quitté leurs foyers, dont 17 000 fuyant Port-au-Prince. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter.
Une aide humanitaire à reformuler
L’espoir d’un aller mieux peine encore à se dessiner dans le paysage économique haïtien. En plus du facteur d’insécurité, la CNSA mentionne “l’augmentation des prix des produits alimentaires, la faible production agricole due à des précipitations inférieures à la normale, sans parler de la décapitalisation des exploitants agricoles et du manque d’aide humanitaire dans les zones les plus touchées”. L’aide alimentaire semble être aujourd’hui la seule option immédiate. Pourtant, jusqu’à présent, l’aide humanitaire se donne au compte-goutte. “Seulement environ 5% de la population a pu bénéficier de l’assistance alimentaire humanitaire”, a fait remarquer la CNSA.
Pour l’économiste, Djim Guerrier, face à l’urgence, “des solutions palliatives s’imposent”. Il estime que la mobilisation de ressources pour des programmes sociaux d’aide alimentaire est “essentielle”, “en particulier dans les zones rurales où réside la majeure partie de la population”, principalement “affectée par les aléas naturels et le manque d’opportunités économiques”.
Parallèlement, l’économiste estime qu’une “meilleure coordination” des interventions des organisations non-gouvernementales est “indispensable”. “Un contrôle et une harmonisation de leurs actions permettront d’optimiser l’impact de la lutte contre la faim et la pauvreté de manière générale dans le pays”, a-t-il ajouté.
Cependant, il ne croit pas que les actions urgentes à elles seules permettront une amélioration continue de la situation. “Si des mesures d’urgence sont cruciales, il est tout aussi important de s’attaquer aux problèmes structurels qui aggravent l’insécurité alimentaire”, a-t-il soutenu. “Cela implique, entre autres, des investissements conséquents dans le développement agricole, la création d’infrastructures rurales et l’amélioration de l’accès aux services de base dans ces zones”, explique-t-il.
Tout comme l’économiste, les experts de la CNSA estiment que les solutions urgentes ne suffiront pas, recommandant qu’à moyen terme “une meilleure articulation des interventions d’urgence à celles de développement est nécessaire afin d’avoir des effets plus durables sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des familles ainsi que, plus globalement, sur les moyens d’existence”.
Clovesky A.G. PIERRE