Stéphanie François : « L’art est une forme d’expression qui me permet d’extérioriser mes peurs »
4 min readLicenciée en psychopédagogie, comédienne, metteuse en scène et autrice, Stéphanie François est une étoile montante de la scène en Haïti, Après des études en sciences de l’éducation, elle a décidé de s’orienter vers l’art, particulièrement le théâtre qui, dit-elle, l’a toujours interpellée. À la 21e édition du festival Quatre Chemins, cette ancienne étudiante de l’Ecole d’Art Dramatique (ACTE) en Haïti, a dirigé la lecture de la pièce On ne part pas en guerre avec une vie qui danse de Phanuella Lincifort et a mis en scène sa pièce Fifi, les tambours et les Étoiles. Nous nous sommes entretenus avec elle autour de son travail pour cette édition qui a pour thème Non aux masques et aux mascarades.
« Non aux masques et aux mascarades, ce thème m’a particulièrement questionnée : déjà le théâtre c’est le lieu idéal pour les masques, les costumes et déguisements, mais voilà que le thème du festival qui met en valeur les pièces de théâtre prend le contre-pied de l’essence même du théâtre. Quels masques ? Quelles mascarades ? Quel théâtre ? Me suis-je demandé. Et sur quelle scène aussi ? La scène politique, évidemment, cette scène macabre où se jouent les pièces les plus viles, bêtes et désastreuses, cette scène qui ne rassemblent que les plus piètres personnages qui se jouent de toute une population. Et de ce théâtre, moi je n’en veux pas. Ce ne sont pas des larmes d’émotion qu’il me prend, mais des larmes de sang. Oui, je trouve que le thème est bien trouvé : Non aux masques et aux mascarades ! », affirme celle qui a effectué un stage en écriture dramaturgique et en mise en scène à L’Ecole Nationale Supérieure Des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT) à Lyon.
Transmission et résistance
La participation de Stéphanie François se place sous le signe de la transmission de la résistance. Pour cette jeune femme qui débute cette année une maitrise en médiation éducative et sociale à l’Institut Universitaire Des Sciences de l’Education, en Haïti, il est important de véhiculer des messages allant dans le sens de la résistance, promouvant la lutte contre la violence, toutes les formes de luttes qui s’inscrivent dans une démarche de justice », rappelle-t-elle, soulignant que l’art a la vertu de nous faire extérioriser nos peurs.
« L’art est une forme d’expression qui me permet déjà d’extérioriser mes peurs, de dire mes maux comme si le fait de les prononcer, de les écrire pansait mes blessures intérieures. Et l’écriture comme le jeu d’acteur au théâtre me fait autre, m’aide à construire un autre espace où je me retrouve, où je me perds, où je me recrée, me vide de tout, me remplit d’un rien. Etant dramaturge et comédienne, le théâtre comme art vivant me fait vivre autrement les périples de la vie quotidienne. Je pense qu’il en est de même pour tout autre art, il guide les passionné.es et leur offre des sentiers d’expression, de résistance, d’existence ou le confort dont leur âme a besoin », croit dur comme fer.
Le travail de tout auteur ou metteur en scène n’est jamais de tout repos. Les défis auxquels ils font face sont légions et costauds. « Les défis sont de taille, je dirais pour commencer, le premier étant celui de survivre à ce chaos, de garder espoir, et de se dire qu’il est possible de continuer à écrire pour des raisons mieux justifiées hier qu’aujourd’hui. Mais je dirais également, comme à chaque crise, son lot d’angoisse, de peur, et aussi son lot de stratégies de résistance », a-t-elle dit.
Pour un débat sur les créations artistiques et leurs possibilités d’impact sur la situation sociopolitique
Pour cette édition, Stéphanie François a déjà deux mises en actif. Qui dit mieux ! En prélude à cette édition, elle a déclaré ceci : « Je m’attends déjà à ce qu’elle se réalise, tenant compte des crises actuelles ; mais aussi qu’elle ouvre le débat sur les créations artistiques et leurs possibilités d’impact sur la situation sociopolitique et vice et versa. »
Kettia Naissance